Avec ses 2,10 mètres de taille et ses 150 kilos, Kabasele Yampanya wa Bamulanga Jean alias Pépé Kallé a vraiment pèse de tout son poids, pour defendre la musique congolaise et africaine, a travers le monde. l « éléphant de la musique africaine » était l’un des rares artistes a pouvoir remplir, régulièrement, les stades du continent et a faire danser toute l’Afrique au rythme du soukous.
Le 28 novembre 1998, ce chanteur à la voix tremblotante n’a pu résister au rendez-vous de la mort, malgré sa robuste corpulence. A la suite d’une crise cardiaque, Ya Pépé a quitté la terre des vivants pour l’au-delà, laissant orphelins tous les mélomanes africains, qui adoraient sa musique.
En cette année 2016, l’artiste totalise 18 ans depuis qu’il est décédé à Kinshasa où aucune manifestation officielle en mémoire de cet éléphant de la musique congolaise n’est organisée. Et ce, contrairement aux autres artistes notamment, Franco Luambo Makiadi, Tabu Ley…dont les commémorations de leurs disparitions font chaque année l’objet de mobilisation de fonds dans le trésor du public.
Qu’à cela ne tienne, Pépé Kallé restera une des plus grandes vedettes de la musique africaine. Sa carrière glorieuse ne laissera nullement indifférents les observateurs avertis de la musique congolaise.
A l’occasion de cette triste date de sa mort qui, chaque année, passe inaperçue, votre journal retrace les grandes lignes du parcours de ce géant de la scène musicale dont la voix continue à peindre la société congolaise.
Né le 30 novembre 1951, Jean Kabasele Yampanya fut l’aîné d’une famille de 15 enfants dont 8 garçons. Après ses études primaires à l’école catholique Saint Charles et, ensuite, à Saint Paul dans la commune de Barumbu, il fait ses humanités à l’Institut Saint Raphaël de Limete et à l’Institut d’études sociales de Ngiri-Ngiri. Deux mois avant l’organisation des examens d’Etat, il abandonne les études pour entamer une carrière musicale.
Dès son bas âge, Pépé Kallé savait déjà composer des chansons qu’il cédait à des musiciens célèbres de l’époque. Comme ses œuvres obtenaient un grand succès sur le marché du disque, il décida ensuite d’embrasser la carrière musicale active. L’année 1969 reste inoubliable pour ses fans, car il intègre le groupe « Le Bamboula » du soliste Papa Noël où sa belle voix chaude et angélique se révèle au public. Pépé Kallé évolue aux cotés de Madilu System et Bozi Boziana. Deux ans plus tard, il crée l’orchestre African Choc dans la commune de Barumbu et le chanteur Papy Tex en fait également partie. Un jour, le saxophoniste Michel Sax qui assistait souvent aux répétions de l’African Choc, décide de prendre Pépé Kallé et Papy Tex pour les présenter au Grand Kallé Jeef, patron de l’orchestre African Jazz.
Après avoir écouté les deux jeunes gens chanter, Kallé Jeef les confie au bon soin du chanteur Kouka Mathieu.
En 1970, Yampanya et Papy Tex franchissent une autre étape de leur carrière en intégrant l’orchestre le Myosotis de la commune de Kasa-Vubu. Au courant de la même année, ce groupe décide de participer au concours de musique des orchestres de jeunes organisé par le guitariste Dewayon Ebengo.
Myosotis remporte le prix de meilleur orchestre. A cette occasion, Pépé Kallé épate les musiciens professionnels présents à la cérémonie de proclamation des résultats. Le drummer de l’Afrisa International, Seskain Molenga, fait alors appel aux talents des deux vedettes pour mieux les encadrer et renforcer l’attaque-chant d’un orchestre qu’il a créé.
…La naissance du trio Kadima et Empire Bakuba !
L’accompagnateur Lokasa avait aussi recommandé à Seskin Molenga, Dilu Dilumona, chanteur de l’orchestre Révélation de la commune de Kintambo. Dès lors, on parle de la naissance du trio « Kadima » (Kabasele, Dilu et Matolu).
Après avoir abattu un travail de titan avec ses poulains, Seskin Molenga conduit son groupe, qu’il a baptisé du nom de Bakuba, chez Kiamwangana Mateta Verkys (saxophoniste de l’OK et propriétaire du studio Vévé) qui le révèle et met en valeur ses qualités de chanteur pour enregistrer des chansons comme «Nazoki», « Na kobelela », « Libaku mabe », « Kanu », « Nazangi tata », etc.
Dès leur apparition sur le marché du disque, ces chansons, récoltent un succès sans précédent, qui permettra au trio « Kadima » de signer un contrat d’édition avec l’écurie Vévé. C’est ainsi que Kiamwangana mettra alors à leur disposition un équipement de musique pimpant neuf.
Peu après, se référant à l’existence historique de l’Empire Bakuba, dont on situe de nos jours les limites et les descendants au territoire de Mweka, dans la province du Kasai Occidental que le trio « Kadima » décide d’ajouter au nom déjà existant de Bakuba celui d’Empire. L’Empire Bakuba venait ainsi de renaître, cette fois-ci, dans le domaine musical prêt à occuper les meilleures places de différents hit parades tant nationaux que continentaux durant plus de vingt-cinq ans.
Le trio « Kadima » va organiser son premier concert le 7 mars 1973 au dancing bar Vis-à-Vis. Devenu une réalité pour les mélomanes, l’Empire vole de succès en succès durant sa longue carrière.
Les tournées planétaires commencent au début des années 80, menant Pépé Kallé et l’Empire Bakuba du Japon aux Etats-Unis, en passant par les Caraïbes où le chanteur est une star.
Il faut reconnaitre que Papy Tex, Pépé Kallé et Dilu ont formé un trio vocal phénoménal qui connaît une longévité rare dans un environnement où la dislocation des orchestres semble être la règle. Les shows de l’Empire Bakuba d’une incroyable énergie, aux guitares tournoyantes caractéristiques de la rumba congolaise, deviennent de plus en plus spectaculaires, extravagants avec les facétieux ambianceurs nains, notamment Emoro, Dokolos, Dominique Mabwa et Joli Bébé, contrastant avec la stature gigantesque de Pépé Kallé.
Message et mérite artistique
Pepe Kallé, Matolu Dode, Dilu Dilumona et leur orchestre sont plusieurs fois plébiscités les meilleurs de l’année. Le titre de champion d’Afrique et des Caraïbes, décerné à l’Empire Bakuba grâce au succès récolté par l’album « Poum Moun Paka Bougé », consacre l’universalité de la musique de cet orchestre.
Dans son pays, Pépé Kallé et l’Empire Bakuba ne manquent jamais, chaque année, d’obtenir un prix de la part de la presse musicale. Ceci, grâce à ses multiples talents : « meilleur chanteur », « meilleur auteur-compositeur », meilleure chanson et l’Empire Bakuba, meilleur orchestre.
Sur le plan individuel, cet artiste a beaucoup contribué à la promotion de l’Empire Bakuba. Pépé Kallé s’illustre par plusieurs chansons à succès qui contribuent à sa propre renommée et à celle de l’Empire Bakuba sur le plan international, telles que, «Zabolo», « Escroquerie Moyibi », « Bitoto », « Article 15 », « Divisé par deux », « Mbula »…
Il évoluait parfois en solo pour soutenir son groupe durant les passages à vide, c’est dans ce cadre qu’il a produit les albums « Poun Moun Paka bougé », « Cocktail »… Il a même réussi son rôle du cinéaste dans le film « La vie est belle » avec Papa Wemba. Ce virtuose de la chanson a été compté parmi les artistes les plus féconds de notre musique.
Selon notre confrère José Mpaka Ikombe, la dimension universelle de la musique de Pépé Kallé tient à son originalité vocale, à sa richesse thématique, à la diversité des mélodies et à son engouement rythmique. Très appréciée partout dans le monde, sa musique est sans doute de tous les âges, de toutes les générations (de 7 à 77 ans), sans distinction de races, de tribus, d’ethnies, de langues, d’idéologies et de religions.
A travers ses chansons, Pépé Kallé a notamment exalté l’amour de la patrie, les richesses culturelles, les potentialités économiques du pays, le sens du devoir pour la jeunesse, l’esprit de famille, la fidélité dans les relations humaines, la douleur de la séparation et même la mort. Il fut un grand patriote entièrement mobilisé pour la cause de son pays, comme le prouve notamment sa brillante participation à l’enregistrement des chansons « Mwana mpwo » (Franc congolais) et « Tokufa mpo na ekolo ».
Pépé Kallé était très social et répondait favorablement aux appels de tous ceux qui avaient besoin de lui pour l’enregistrement de leurs œuvres. Il a chanté avec les musiciens des orchestres Bella Bella, Lipwa Lipwa, Viva la Musica, T.P. Ok Jazz, l’immortel Vévé, Bana Ok, etc. Il a également accompagné plusieurs vedettes nationales et internationales dans la réalisation de leurs albums en solo. Son timbre vocal, d’une originalité remarquable, était commercialement mis à la disposition des autres.
1998-2016 : Pépé Kallé a totalisé 18 ans dans l’au-delà. Mais son nom restera à jamais dans le panthéon des grands. Il est toujours parmi nous à travers ses œuvres.
JORDACHE DIALA (La Prospérité)