4 janvier 1959 – 4 janvier 2022. Il y a 63 ans, jour pour jour depuis qu’une rencontre de football déclancha la conquête vers l’indépendance de la République Démocratique du Congo.
Remontons le temps. L’Alliance des Bakongo – ABAKO – sous la direction de son président Joseph Kasa-Vubu devrait tenir un meeting à l’YMCA, le dimanche 4 janvier 1959 dans le quartier Renkin, actuellement Matonge (Commune de Kalamu). Une lettre a été adressée le 30 décembre 1958 à Jean Tordeur, Premier bourgmestre de Léopoldville, lui annonçant justement la tenue de ce meeting. Mais, on rapporte que cette correspondance ne lui parvint que le 3 janvier 1959. La raison évoquée : “ les trois jours qui séparent la date de l’envoi de la lettre à sa réception par le destinataire étaient consacrés aux festivités de fin d’année et de nouvel an ”.
Les historiens et les témoins de cet épisode de l’histoire politique de la Rd-Congo cités par nos confrères de Capsud.net affirment que Jean Tordeur répondra le jour même de la réception de la lettre en ces termes : « Cette lettre ne sollicitant pas d’autorisation, je suppose que vous considérez la réunion comme privée. Si elle devait avoir un autre caractère, la responsabilité des organisateurs serait engagée. Toutes les associations ont suffisamment été mises au courant des règles en matière de réunions publiques pour qu’une erreur ne soit plus possible ». Le nombre de militants ayant répondu à l’appel était tellement important pour une réunion dite privée.
Pour cette raison et du fait de la volonté manifeste de la métropole de restreindre constamment les libertés des colonisés, la rencontre a été reportée au dimanche 18 janvier 1959. L’annonce du report a été faite au lieu du meeting par Kasa-Vubu. Les militants (qui étaient sur place), ont quand même tempéré leur grande déception en acceptant de revenir deux semaines plus tard.
Le football, élément déclencheur de l’indépendance
« À la fin de l’année, l’autorité du Congo Belge a organisé un match de Gala le 27 décembre 1958 au Stade Roi Baudouin opposant St Eloi à Victoria Club (V.club). Un duel entre entre le champion d’Elisabethville (Lubumbashi) et Léopoldville (Kinshasa). V.club perd par 5-1. Et le 4 janvier, V.club devrait encore jouer en demi-finale contre Mikado. L’équipe de Léopoldville a perdu par 3-1 », expliquait le directeur et rédacteur en chef du desk des sports de l’Agence congolaise de presse – ACP -, Siki Ntetani à la Radio Okapi en 2016.
Justement, ce derby kinois l’AS V.Club (les noirs) contre Mikado (les blancs), s’est soldé sur un score de trois buts à un. Abattus par la défaite, les supporters de la grande équipe de Léopoldville, regagnant leurs maisons, retrouvèrent sur leur chemin, devant l’YMCA et dans les parages, des militants de l’ABAKO déçus par la non tenue de leur meeting. Entre-temps, on pouvait observer dans les abords du siège de l’YMCA une importante présence policière dont la mission était de disperser la foule. Les éléments de la police se sont donc heurtés aux milliers de partisans de Kasa-Vubu, surexcités, rentrant chez eux, sans empressement du reste.
Les martyrs de l’indépendance du Congo dans le New York Times. Le papier avait été publié le 8 janvier 1959. Il avait été écrit par le reporter Harry Gilroy (décédé à 73 ans, à New Jersey, après 21 ans de journalisme au NYT). pic.twitter.com/CYke4c84EK
— Patient LIGODI (@ligodipatient) January 4, 2022
Les policiers, quelque fois pris à partie, ont cru bien faire de menacer les militants mêlés aux supporters de V. Club en brandissant leurs armes, jusqu’à ce que l’un d’eux s’est permis de tirer en l’air, rapporte un historien dans un entretien avec nos confrères de Capsud.net. La situation s’est envenimée. Les militants de l’ABAKO, rejoints par les 20.000 supporters de V. Club se sont ainsi révoltés. De là, la révolte s’est répandue à travers toute la ville de Kinshasa et a dégénéré en émeutes violentes. Depuis, les manifestants ont mis en avant leurs aspirations indépendantistes. Ces émeutes ont été brutales et sans pitié réprimées par les forces de l’ordre.
« C’est un jour qui marque une étape décisive dans la conquête de l’indépendance. Le pouvoir colonial a dû prendre conscience que l’indépendance était une aspiration profonde et les gens l’ont manifesté. Officiellement, on parle de 49 morts, mais on dit qu’il y en a eu 100 et peut-être 300. L’administration a été affolée quand elle a vu le lendemain, le nombre de morts », raconte le père Léon de Saint Moulin -professeur émérite et membre du Centre d’études pour l’action sociale – CEPAS – à Radio Okapi en 2016.
À en croire le chevronné François Siki, depuis 1957, les joueurs belges étaient étonnés de voir que les rencontres de football disputées dans les stades rd-congolais attirés du monde, mais eux-mêmes les joueurs n’en tiraient pas profit sur le plan financier. Au regard de ces genres des propos, le mouvement sportif rd-congolais et les supporters (plus particulièrement ceux de V.Club) se sont révoltés pour s’allier aux politiques afin d’aller chercher l’indépendance du pays.
En effet, ce match de football du 4 janvier 1959 et les émeutes qu’ils ont provoqué, ont tracé un chemin vers l’indépendance obtenu le 30 juin 1960.
Le football peut-il apporter un second changement en République Démocratique du Congo ?
ETIENNE KAMBALA