Il est en France l’un des gourous des musiques urbaines et afro-antillaises. Après être passé par la direction du label de musique Secteur Ä, Olivier Laouchez est à l’origine de la révolution initié par le groupe Trace. Désormais présent dans 180 pays, Trace, qui s’est d’abord dédié à la visibilité des cultures urbaines en France, avant de parier sur celles d’Afrique et des Antilles, se renforce en misant sur son atout, la promotion de la diversité. Son grand manitou revient, pour l’Agence Ecofin, sur sa vision et ses objectifs pour l’année prochaine.
Agence Ecofin : Dès sa création en 2003, Trace s’est dédié aux musiques et aux cultures urbaines. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Olivier Laouchez : Ce choix a été motivé par un constat simple : les musiques et cultures urbaines étaient sous-représentées dans les médias classiques alors qu’elles sont plébiscitées par les jeunes. Trace voulait s’adresser aux nouvelles générations urbaines mais aussi aux amateurs de rap, de ragga, de raï, de techno et autres. Le groupe a donc fondé une chaîne musicale avant d’aller explorer les autres tendances artistiques de la culture urbaine.
AE : Quelle est aujourd’hui votre audience en Afrique ?
OL : En Afrique, nous sommes le média leader sur notre positionnement et sur notre cible. Nos 8 chaînes continentales touchent environ 100 millions de personnes.
AE : Vos chaînes sont relativement bien implantées en Afrique francophone. Qu’en est-il des marchés anglophones et lusophones?
OL : Vous allez être surpris. Trace est aussi bien implanté en Afrique anglophone et lusophone qu’en Afrique francophone, notamment grâce à notre stratégie de localisation des antennes. En Afrique de l’Ouest Anglophone, la chaîne TRACE Naija est leader. En Afrique de l’Est anglophone, la chaîne TRACE Mziki l’est également. En Afrique australe anglophone, TRACE Urban domine le marché sur son positionnement. En Afrique lusophone, notre chaîne TRACE Toca est également le leader sur le segment musical/jeune. D’ailleurs, en Afrique du Sud, et pour la 9eme année consécutive, TRACE Urban a été désignée chaîne préférée des jeunes, toutes chaines confondues.
AE : Rencontre-t-on des difficultés particulières lorsqu’on choisit de cibler le public africain ?
OL : Il n’y a pas de difficulté spécifiquement « africaine ». Chaque projet comporte sa part de d’obstacles lors de son développement et de son lancement, quelle que soit la culture du pays visé. En tant que fondateur du groupe, j’ai surmonté beaucoup de difficultés. Elles étaient toutes inhérentes à la création du projet proprement dit. Néanmoins, il est vrai qu’une méconnaissance des us et coutumes d’une région ne facilite pas l’instauration d’une relation de confiance avec les futurs abonnés. Trace n’a pas ce problème. Nous avons compris que l’Afrique est diverse et nécessite une adaptation région par région, pays par pays.
AE : Comment positionnez-vous Trace TV par rapport aux autres médias qui vont à l’assaut de l’audience africaine ces dernières années, comme Canal+ (qui a créé il y a quelques années une branche africaine A+) ?
OL : Dans l’univers musical, de nombreuses chaînes ont été lancées en Afrique et nous accueillons toujours positivement la compétition, sauf quand il s’agit de mauvaises copies de nos chaînes. A+ est une chaîne généraliste qui n’est donc pas en compétition frontale avec nos chaînes musicales. Nous envisageons d’ailleurs des partenariats éditoriaux avec elle.
AE : Qu’en est-il de la concurrence de votre groupe avec les plateformes de streaming ?
OL : La concurrence des autres plateformes de streaming est un challenge constant. Afin de maintenir notre leadership sur nos territoires clés en Afrique, nous mettons en œuvre des partenariats susceptibles d’accroître significativement notre visibilité digitale. Nous venons d’ailleurs de lancer Trace Play, notre service de SVOD (vidéo à la demande avec abonnement). Nous y avons investi des millions d’euros pour offrir une certaine qualité tant au niveau des contenus qu’à celui de l’ergonomie de la plate-forme.
« D’ailleurs, j’annonce ici en exclusivité que TRACE Play rejoint Amazon Fire. »
Comme pour nos chaînes de télévision, ce service est localisé pour répondre au mieux aux attentes spécifiques de nos abonnés dans les pays où il est lancé. Trace Play propose des documentaires, des séries, des films d’animation et surtout 10 chaînes TV live et 50 radios, en anglais et en français, pour seulement 2.99 € par mois. D’ailleurs, j’annonce ici en exclusivité que TRACE Play rejoint Amazon Fire. En novembre 2017, le Fire TV Stick Basic Edition d’Amazon est arrivé sur le marché français. Il s’agit d’un petit boîtier à peine plus gros qu’une clé USB qui permet aux utilisateurs d’accéder à divers contenus (séries, films, applications et jeux) de l’univers quasi illimité du divertissement en ligne. Il a remporté un énorme succès outre Atlantique. Notre offre sera désormais disponible en OTT (« over the top »). Le potentiel de la plateforme ainsi démultiplié permet les projections les plus ambitieuses, notamment sur le continent africain. On peut viser plusieurs millions d’abonnés car 90% de la population africaine n’a pas encore accès à des offres élargies de télévision payante.
AE : Vous avez récemment conclu de nouveaux partenariats pour Trace Mobile. Quelle est l’ambition portée par ce projet ?
OL : Trace Mobile (un opérateur de réseau mobile virtuel) est un projet inclus dans la stratégie globale de notre groupe depuis 2005. Du réseau Digicel aux Antilles relativement limité, nous avons progressivement étendu notre offre de couverture grâce aux différents accords d’itinérance conclus avec Orange Caraïbes ou depuis peu avec le 3e opérateur mobile national, en Afrique du Sud, Cell C. Dans ce pays, nous lançons en janvier une nouvelle offre sur un modèle MVNO (Mobile Virtual Network Operator) après le succès de notre offre de licence de marque et de contenus qui a réuni plus de 1,2 million d’abonnés.
« Une de nos autres sources de fierté est le fait que Trace Mobile créé des emplois : plus de 100 jeunes Sud-africains, dont la majorité issus de quartiers défavorisés, travaillent avec nous. »
Nous avons le taux de désabonnement le plus faible du marché, ce qui prouve l’attachement de nos abonnés à notre marque et aux services que nous offrons. Une de nos autres sources de fierté est le fait que Trace Mobile créé des emplois : plus de 100 jeunes Sud-africains, dont la majorité issus de quartiers défavorisés, travaillent avec nous. Nous sommes approchés par plusieurs pays pour y étendre Trace Mobile.
AE : Quelle est votre stratégie en matière de contenus originaux?
OL : En tant que producteur et diffuseur dans plus de 160 pays dans le monde, Trace accorde beaucoup d’importance à la production de contenus originaux. Nous allons amplifier nos productions de documentaires originaux en 2018. Il faut savoir que nous produisons plus de 300 heures de contenu original, par an, pour nos chaînes, nos plateformes digitales et pour le compte de tiers.
AE : Votre groupe compte-t-il lancer prochainement de nouvelles chaînes thématiques dédiées à d’autres types de contenus, tels que les films par exemple ?
Oui et non. Dans les marchés où l’offre de chaînes de cinéma et séries africaines est déjà très riche, nous n’allons pas tenter de créer de nouvelles chaînes pour le moment. C’est le cas de l’Afrique.
« Nous allons, par contre, lancer de nouvelles chaînes musicales comme TRACE Kitoko, la première chaîne exclusivement dédiée à la musique et à la culture congolaise, qui émettra en 2018. »
Sur un marché comme celui des États-Unis d’Amérique qui n’a pas beaucoup d’offres de fiction africaine de qualité, nous avons lancé récemment TRACE Prime avec ce type de contenu. Nous allons, par contre, lancer de nouvelles chaînes musicales comme TRACE Kitoko, la première chaîne exclusivement dédiée à la musique et à la culture congolaise, qui émettra en 2018. La chaîne sera accessible en Français, Lingala et Swahili, et disponible dans plus de 200 pays grâce à Trace Play. Ce partenariat réjouit notre groupe qui va pouvoir nouer une relation plus étroite avec les Congolais et s’inspirer de leur formidable énergie artistique.
SERVAN AHOUGNON (Ecofin Hebdo)