André Lufwa Mawidi est concepteur de la statue « Le batteur du tam-tam », érigée à l’entrée de la Foire internationale de Kinshasa – FIKIN. Âgé de 96 ans, ce sculpteur, affaibli par le poids de l’âge et privé, depuis 1969, de ses droits en tant que créateur des œuvres d’esprit, réclame réparation. A la faveur d’un entretien exclusif avec Eventsrdc.com, il a sollicité l’implication personnelle du Président de la République afin de percevoir ses droits. « Mon paiement doit être ponctuel et respecté », dit-il. Interview.
Quel bilan faites-vous du monde des arts en Rd-Congo ?
Notre pays a le privilège d’avoir une Académie des Beaux Arts dont la réputation a traversé les frontières. Malheureusement, le gouvernement n’encourage pas les artistes. Et pourtant, il a le devoir de prendre soin des personnes qui, positivement, contribuent à son image à l’international.
Qu’avez-vous gagné dans votre carrière d’artiste ?
J’ai gagné seulement la gloire. Grâce à mes efforts personnels, j’ai pu acheter un terrain et construit cette maison où je vous accueille. Je crois avoir rendu à l’Etat rd-congolais d’appréciables et loyaux services en tant que sculpteur. Mais, il ne semble pas les reconnaître à leur juste valeur.
Percevez-vous vos droits pour vos diverses œuvres ?
J’ai travaillé pour la FIKIN de 1969 jusqu’à ce jour, mais je n’ai pas encore perçu mes droits. A ce que je sache, les droits d’auteur sont reconnus mondialement et sont inaliénables.
Je me souviens qu’une fois, en 1997, feu le Président de la République Laurent Désiré Kabila m’avait donné l’argent sorti de sa propre poche. C’est tout. Et pourtant, je suis membre de l’actuelle SOCODA et même de l’ex-SONECA depuis sa création en 1969.
Jusque-là, j’attends d’être rétabli dans mes droits. Je demande au gouvernement de s’investir pour que cela soit effectif. Car, l’artiste doit jouir de ses droits. Même 50 ans après sa mort, sa progéniture doit en bénéficier.
Je demande au Président Félix Tshisekedi de s’impliquer personnellement auprès des services concernés en cette matière pour que mon cas soit traité dans les normes et de manière la plus rapide possible afin que je perçoive mes droits. Il est connu de tous que ma contribution artistique ici dans notre pays est remarquable. A 96 ans, je ne dois pas courir derrière le gouvernement pour de telles réclamations. Mon paiement doit être ponctuel et respecté.
Actuellement, qui gère votre atelier ?
C’est mon fils Bernard Lufwa qui est également artiste plasticien. Avec un bon nombre de jeunes talentueux, ils tiennent toujours le flambeau et travaillent dans les normes afin de valoriser mon nom.
Les ateliers Lufwa Mawidi et Fils sont situés au n°12 de l’avenue Marine au quartier Bumba dans la commune de Ngaliema à Kinshasa. Nous sommes spécialisés dans l’érection des monuments de toutes les tailles possibles et des autres travaux de sculpture en bois, en cuivre, en bronze et en pierre.
Le monde des arts venait de perdre le sculpteur Alfred Liyolo et le musicien Lutumba Simaro. Un message pour cette double perte.
J’adresse, à la famille de mon ancien élève Liyolo, mes condoléances les plus attristées. Son succès, j’en fais mien parce que je lui ai mis un grain dans son ventre qui a produit un bon arbre.
Pour Lutumba, je réitère mes condoléances les plus attristées à sa famille et je rappelle à l’opinion que les musiciens et les plasticiens constituent une même famille artistique.
Que les collaborateurs de ces deux grands artistes, décédés à la même période, poursuivent leurs œuvres sans se tremper dans les querelles inutiles. Qu’ils gardent et respectent la valeur de ces artistes.
Du haut de vos 96 ans d’âge, quel secret gardez-vous encore ?
Pour totaliser cet âge, le tout se joue par le choix de nourritures parce que je suis diabétique depuis 1983 et cardiaque. Je ne mange pas tout. J’évite la viande et les produits non sucrés, et je consomme beaucoup de légumes. C’est ce qui contribue à ma longévité.
Comment êtes-vous devenu sculpteur ?
Je crois que c’est un héritage de mon défunt papa. Il m’avait injecté son talent à travers son sang. Il fût un ébéniste. Il réalisait des œuvres d’art artisanales avec des décorations appropriées. Je le remercie parce qu’étant pasteur protestant, il m’avait autorisé de m’inscrire dans une école catholique. Comme héritage, il m’avait laissé un couteau qui me permettait de produire quelques motifs décoratifs à l’école technique professionnelle où j’étudiais. Je le remercie vraiment parce qu’il a été compréhensif vis-à-vis de moi.
Quel conseil prodiguez-vous aux actuels gestionnaires de l’Académie des Beaux Arts de Kinshasa et aux jeunes artistes qui y sont formés ?
Que les jeunes artistes travaillent beaucoup pour atteindre les échelons nationaux et internationaux. Que nous, les aînés, mettions les jeunes artistes sur nos épaules pour leurs montrer l’horizon lointain afin qu’ils contribuent au succès de notre art et de notre drapeau. C’est vraiment mon vœu les plus ardant.
Étant un des piliers et gestionnaire de l’Académie des Beaux Arts, je demande aux collègues qui la dirigent aujourd’hui, de veiller sur l’enseignement de l’art et la discipline pour que notre institution soit toujours parmi les meilleures à travers le monde.
CINARDO KIVUILA