Selon le dernier rapport de Jumia Travel, la situation du tourisme africain est de mieux en mieux. Malgré son faible niveau en comparaison avec d’autres régions, le constat d’une augmentation sensible des visiteurs est encourageant.
Le monde n’a jamais autant voyagé. D’après les dernières conclusions de l’Organisation mondiale du tourisme (UNTWO), le nombre de touristes a connu une hausse de 6 % en 2018, soit 1,4 milliard de voyageurs, ce qui fait du secteur « un des moteurs les plus puissants de la croissance et du développement mondial », avait déclaré il y a quelques mois le secrétaire général de l’OMT, Zurab Pololikashvili. La dynamique, de plus en plus forte chaque année, s’exporte en Afrique. L’an passé, le continent a accueilli sur son sol 67 millions de visiteurs, d’après le dernier rapport sur le sujet publié par Jumia Travel fin septembre. Le chiffre, en hausse de 7 % par rapport à 2017, fait de l’Afrique la deuxième région du monde où la croissance du secteur est la plus forte, après l’Asie-Pacifique.
L’émergence du tourisme local
Un engouement qui s’explique d’abord, pour Jumia Travel, par des réformes dans le secteur, notamment celles qui concernent l’attribution des visas. En assouplissant leurs règles sur le précieux sésame, le Rwanda et l’Éthiopie ont boosté les arrivées. La croissance du tourisme dans le pays est en 2018 la plus forte d’Afrique, à 48,6 %. L’Afrique du Sud, elle, a validé l’exemption de visas pour les visiteurs en provenance d’Angola et du Ghana. Autre exemple : l’East Africa Visa, un document à faire en ligne qui permet de visiter trois pays, l’Ouganda, le Rwanda et le Kenya.
Des politiques dédiées, comme « l’année du retour au Ghana » – douze mois pendant lesquels sont organisés des événements pour commémorer le premier bateau d’esclave arrivé en Virginie il y a quatre siècles – booste aussi le secteur. Toutes ces mesures font émerger de nouvelles formes de tourisme. De plus en plus, l’Afrique accueille des touristes locaux et des visiteurs de la diaspora. « Aujourd’hui, le tourisme local fait partie du tableau, confirme Abdesslam Benzitouni, de Jumia Travel. Les Africains voyagent beaucoup plus qu’il y a 15 ans. » Illustration de ce constat : « les avions Lagos-Nairobi sont toujours complets ! »
La baisse des prix dans l’aérien, un autre facteur moteur du tourisme. « Les vols réguliers des compagnies du Golfe, d’Ethiopian Airlines et de Kenya Airways décloisonnent le continent », affirme-t-il. Une situation dont profitent des pays « émergents » du tourisme, comme l’Ouganda ou le Nigeria. Un pays qui, en termes de revenus des chambres, devrait être, dans les cinq prochaines années, le marché à la croissance la plus rapide avec une augmentation annuelle prévue à 12 %.
Internet plutôt qu’une agence
Une embellie dans un secteur où les infrastructures dédiées manquent encore. En 2019, le continent compte 75 155 chambres réparties dans seulement 401 hôtels. Le développement de la plateforme Airbnb en Afrique pourrait, en revanche, changer la donne. Et, sur un continent de plus en plus connecté, les nouvelles technologies modifient la pratique du tourisme. « Les voyages organisés ne sont plus à la mode. Aujourd’hui, les gens privilégient Internet aux agences de voyages. Organiser son voyage en ligne, comme on l’entend, est moins cher et moins compliqué », explique Abdesslam Benzitouni. Estelle Verdier, cadre elle aussi chez Jumia Travel, l’atteste : « En 2018, la majorité de nos réservations provenait de la téléphonie mobile et représentait environ 74 % du trafic sur notre site web. »
L’intelligence artificielle (IA) modifie elle aussi les pratiques des professionnels. « Les hôtels, qu’ils soient des marques locales ou internationales, ont recours à l’IA pour identifier et prédire les tendances comportementales des clients, et les aider à organiser des expériences personnalisées pour de meilleurs séjours », affirme-t-elle.
La « renaissance » nord-africaine
Si le secteur est encore balbutiant au regard d’autres régions du monde – l’Afrique ne représente que 5 % du tourisme international –, les perspectives de croissance y sont très encourageantes. Symboles de ce sursaut d’intérêt : le Maroc et la Tunisie, deux pays où les chiffres ont beaucoup progressé. En Tunisie, les revenus liés au secteur ont grimpé de 45 % et ont atteint 1,36 milliard de dollars de recettes en 2018. Près de 8,3 millions de visiteurs ont d’ailleurs voyagé dans le pays, soit une hausse de 17,7 % par rapport à l’an passé.
Au Maroc, près de 5,4 millions de touristes ont visité le pays de janvier à juin 2019. Soit une progression de 6,6 % par rapport à la même période en 2018, d’après l’Observatoire du tourisme (OTM), qui inclut les Marocains résidant à l’étranger. Une « véritable renaissance », pour Abdesslam Benzitouni. Mais la concurrence sera rude. Car ces destinations « classiques » du tourisme international doivent désormais compter avec le sud du Sahara.
MARLÈNE PANARA (Le Point.fr)