Optimiste pour sa carrière et pour le cinéma rd-congolais, le réalisateur-producteur Tshoper Kabambi qui ne se réjouit pas encore de son parcours, malgré le succès des films « Mbote ! » et « Heart Of Africa », de part le monde, souhaite vivement que le gouvernement rd-congolais s’investisse totalement sur cet art pour diversifier les entrées en devises de l’économie rd-congolaise et pour la mise en place de l’identité nationale. Il croit mordicus que le cinéma est l’un des vecteurs du développement de son pays. Au cours de cette interview, il a également émis le voeu de voir les rd-congolais (entreprises, mécènes et autres) se serrer les coudes pour avancer ensemble dans différents projets. Quant à la tenue de la 8ème édition du Festival international du cinéma de Kinshasa – FICKIN -, il nous a soufflé qu’avec le comité organisateur, ils observent l’évolution de la riposte contre le Coronavirus en République Démocratique du Congo. Au cas où cela tardait, ils tiendront une édition en ligne. Lecture.
En quelques phrases, parlez-nous de votre parcours professionnel en 7ème art ?
J’ai commencé ma carrière étant acteur dans l’agence Collywood Cinéma qui est basée au Théâtre National de Kinshasa avec Papy Witshima et Elvis Lompufu (paix à son âme) qui venaient fraichement du Nigeria. C’est avec eux que j’ai compris les b-a ba des métiers du cinéma. Ensuite, je me suis inscrit à l’Institut National des Arts de Kinshasa où j’ai eu mon diplôme de graduat en art dramatique, option théâtre et réalisation cinématographique.
Ensuite, j’ai fait plusieurs masters dans l’apprentissage des métiers du cinéma comme les ateliers organisés par Djo Munga (réalisateur du film VIVA ! RIVA), les ateliers Cinédoc avec Rufin Mbu à Brazzaville, l’Université d’Été à la FEMIS, École nationale du cinéma français à Paris, les ateliers Africadoc à St Louis du Sénégal , à Avrec Art House (USA) et tant d’autres. J’accumulais toutes ces formations avec les tournages de mes différents films.
Vous aviez réalisé et produit plusieurs films au niveau de votre pays, la République Démocratique du Congo. Quel est celui qui vous a le plus marqué ?
J’ai en effet réalisé plusieurs films et à vrai dire tous ces films sont mes bébés. Mais deux de mes films m’ont particulièrement marqué jusque-là. Il s’agit du film MBOTE ! (court métrage 27 Min).
Mboté ! est un film miraculeux qui me fait vivre son bonheur jusqu’aujourd’hui. Grace à Mboté, j’ai visité plusieurs pays du monde. J’ai été sélectionné et invité dans des grands festivals au monde. C’est le film Mbote qui m’a permis d’avoir beaucoup de confiance en moi et a permis à plusieurs jeunes de ma génération de croire en l’avenir du cinéma congolais.
Le second film qui m’a marqué est HEART OF AFRICA (Coeur d’Afrique). Je pouvais tout imaginer de ce film, mais pas au point de voir le succès qu’il a fait lors de ses sorties aux États-Unis d’Amérique. C’est le premier film produit par des congolais au Congo Kinshasa avec une équipe technique complètement congolaise à faire une sortie en salle aux États-Unis d’Amérique. Et si Covid-19 n’avait pas interrompu ses projections, le film allait éclater dans toutes les salles du monde à l’heure actuelle.
Le film continu son parcourt dans le VOD comme à https://www.livingscriptures.com/movies/?t=heart-of-africa et il sera très bientôt dans d’autres plateformes numériques du monde.
Parlons justement de « Heart Of Africa ». Tshoper alors, francophone, quelles sont les motivations de le titrer en anglais ?
À vrai dire, je suis lingalaphone et j’aime aussi mettre en avant nos langues nationales. Vous n’avez qu’à aller voir mes précédents films pour confirmer. Pour ce qui est du titre de ce film, je pense qu’il y a des moments où je le dis en lingala et en français.
Les visuels des communications ont été fabriqués aux États-Unis d’Amérique. C’est pourquoi, ils ont mentionné le titre en anglais. Mais le film est universel et son contenu est en lingala. On y parle également 4 autres langues de la RDC, et comme nous avons un acteur américain, nous avons évidement des parties en anglais.
Parlez-nous de votre rencontre avec Brandon Ray Olive, cet acteur américain qu’on retrouve dans « Heart Of Africa » ?
Je ne connaissais pas Brandon Ray Olive jusqu’en janvier 2018, mais lorsque nous étions en train de chercher un acteur américain pour le rôle de Jason Martin dans le film, il nous a été proposé. J’avais demandé à mes collaborateurs américains d’auditionner plusieurs personnes et j’avais des images des castings. C’est comme ça que je l’ai choisi pour le film et j’en suis fier parce qu’ils ont fait un excellent duo avec le célèbre acteur congolais Moyindo Mpongo.
Avant la sortie de ce long métrage jusqu’à ce jour, votre bourse de sollicitation médiatique et la délivrance des récompenses à travers le monde a explosé. Ensemble, devons-nous dire que c’est le début d’une ère nouvelle dans votre carrière de cinéaste ?
C’est depuis 2014 que ma carrière est souvent sous les projecteurs des différents médias avec l’obtention du trophée francophone du meilleur court métrage pour mon film Mboté ! C’est vrai que ce qui arrive maintenant est spécial, mais je dois dire que tout ceci ne représente rien pour moi, si le cinéma congolais de manière général ne fait pas un bon en avant. Le plus important pour moi, c’est le succès et le progrès de tout le secteur du 7ème art en République Démocratique du Congo.
L’ère nouvelle de ma carrière viendra lorsque le gouvernement congolais décidera enfin de créer un fonds spécial pour le financement du cinéma congolais. Même si ce fonds sera 1 ou 2 million de dollars et que j’ai accès à ce fonds ou pas, je serai heureux et fier.
Y-a-t il des partenaires ou toute autre personnalité qui vous accordent l’appui dans cette démarche ?
Pour la production du film HOA, nous avons été principalement soutenu par Bruce Young et sa femme Margaret Blair Young. Ce couple américain a de son coté puisé dans leurs poches et a mobilisé toutes les ressources nécessaires auprès de leurs amis et connaissances pour financer à grande partie le film.
Bien que nous n’avons reçu aucun fonds de la part des mécènes ou entreprises congolaises pour la production du film, excepté l’appui de quelques membres de famille et de la majorité de membre de l’équipe de tournage, nous avions été soutenus pour l’avant-première à Kinshasa par quelques entreprises comme la Rawbank, Canal Plus, la Bracongo, DAB, Africell, des médias comme le vôtre (Eventsrdc.com) et tant d’autres.
Nous espérons désormais que les hommes d’affaires, les banques et toutes les autres entreprises seront ouvertes pour accompagner le cinéma congolais parce que nous avons suffisamment prouvé nos talents et nous sommes capables de faire plus.
En tant que responsable de Bimpa Production, quel est le prochain projet ?
Nous avons plusieurs projets de films longs métrages qui sont prêts. Si jamais, nous recevons un soutien financier aujourd’hui, dès demain, nous démarrons un tournage.
Sur notre liste, il y a des films comme « Le teste », un projet porté par Paradis Mananga (RDC- CANADA), « Run » porté par Laila Kulungu Fulu (RDC-USA), « Du sexe à Matonge » co-écrit avec Laila Kulungu que je réaliserai à tout moment, « Ba yaya » que j’ai co-écrit avec l’acteur congolais Farial Denewade, et « Bel Inconnu », une comédie musicale porté par Tati Mwanza Bin Jacob.
Nous venons également de finir la co-écriture du film « Lumumba » avec Margaret Blair Young et Mr l’Abbé Véron Okundji. À part tout ça, nous avons deux séries télé en écriture et beaucoup d’autres projets.
C’est seulement les moyens financiers qui manquent pour demarrer l’un ou l’autre des projets que nous avons.
Il y a quelques années, vous pensiez attribuer un rôle à la star de la chanson rd-congolaise Fally Ipupa. Où en êtes-vous avec ce projet cinématographique ?
Fally Ipupa est une star dont le Congo tout entier est fier et j’ai toujours rêvé le voir dans le cinéma (du vrai cinéma) et pour le respect que j’ai pour lui, j’attends d’être prêt avant de lui parler du projet de film que je dois réaliser avec lui. Il s’agit de « Bel Inconnu », une comédie musicale qui met en évidence la musique congolaise et des multiples péripéties que doivent traverser un artiste. Je sais à 100% qu’il aimera le projet et qu’il sera partant. C’est un très beau scénario porté par des personnes très talentueuses.
Ce projet demande beaucoup de capacités et moyens techniques, car il doit rivaliser et tenir tête à des films comme « La La La Land » et d’autres comédies musicales de renom. Pour que cela se réalise, il nous faut beaucoup de moyens financiers.
Votre regard sur le cinéma congolais ?
Etant parmi ceux qui se battent et actent pour l’émergence du cinéma congolais, je reste très positif, car nos actions commencent à porter des fruits. Je suis sûr et certain que dans les années qui viennent l’industrie du cinéma congolais sera effectif et que les politiques qui ont souvent négligé ce secteur, auront honte et regretteront de tous les temps perdus.
Ils devraient savoir que le cinéma peut facilement relancer l’économie de notre pays. Il peut contribuer au développement de l’homme congolais, il peut créer l’imaginaire collectif et aider à mettre de coté certains antivaleurs qui deviennent aujourd’hui l’identité du congolais à l’exemple de la corruption, de la mendicité, du manque d’éducation et de la culture générale etc.
L’avenir du cinéma congolais est bon et réserve plus de belles choses aux congolais.
Le cinéma rd-congolais avance selon les réalités socio-économiques et culturelles de la République Démocratique du Congo. Citez-nous cinq jeunes acteurs qui défendent valablement cet art au niveau national et international ?
Je ne saurai pas citer 5 jeunes. Je sais tout simplement qu’au niveau où nous en sommes, chacun essaie de faire de son mieux avec les moyens qu’il a pour faire exister ce cinéma dans un contexte socio-économique et culturel très très compliqué.
Nous faisons parfois l’erreur de penser que seuls ceux qui voyagent et obtiennent des prix dans différents festivals sont ceux qui méritent la gloire. Il y en a beaucoup qui travaillent et qui prennent des initiatives courageuses qui font qu’on en soit là.
À quand la prochaine édition du Festival international du cinéma de Kinshasa – FICKIN – ?
Le Festival international de cinéma de Kinshasa est initialement prévu pour le début du mois de septembre, mais nous observons l’évolution de la situation sanitaire mondiale. Au cas où le virus perturbe, nous allons tenter l’expérience d’une édition en ligne tout en tenant compte des problèmes d’internet dans notre pays et tout en espérant une collaboration étroite avec les compagnies de distribution d’internet de la RDC. En attendant, nous recommandons à tout le monde de bien respecter les règles d’hygiène pour éviter la propagation du virus.
Pour ceux qui ne connaissent pas Tshoper Kabambi, qui êtes vous ?
Pour ceux qui ne me connaissent pas je m’appelle Tshoper KABAMBI KASHALA, je suis née à Kinshasa le 9 juillet 1985. J’ai plusieurs casquettes dans le sphère du 7ème art en RDC.
Premièrement, je suis réalisateur et producteur. Ensuite, je suis directeur de Bimpa Production qui est l’une des structures cinématographique la plus active en RDC pour le nombre et la qualité des films produits et co-produit.
Je réalise des films fictions, documentaires et institutionnels pour plusieurs organismes internationaux basés en RDC.
Je suis également initiateur et directeur du Festival international de cinéma de Kinshasa (FICKIN) et du Festival Vision documentaire.
Par rapport aux réalités culturelles et surtout, cinématographiques en République Démocratique du Congo, vivez-vous seulement de cet art ou avez-vous d’autres occupations pour nouer les deux bouts d’un mois ?
Comme le secteur ne permet pas à ses acteurs de vivre convenablement, je collabore avec beaucoup de structures étrangères comme producteur exécutif dans leurs projets de films, mais aussi comme fixeur pour des journalistes, documentaristes, publicistes, photographes, chercheurs et télévisions internationales. C’est ce qui me permet d’auto financer mes projets.
Je suis également initiateur des ateliers appelés « De l’idée au film », un cadre de formation qui, avec le soutien de mes camarades cinéastes, a pu former en 4 ans une trentaine de cinéastes qui s’affirment chaque jours et contribuent à l’émergence de notre jeune cinéma.
CINARDO KIVUILA