L’actualité politique de l’heure en rapport avec le processus électoral, le dialogue et autres ne laisse personne indifférente au sein l’opinion. Des réactions fusent de partout pour en donner de la voix. C’est ainsi que le journaliste et analyste politique et économique, Israël Mutala n’est pas resté sur son mutisme. Au micro d’Eventsrdc.com, il a scruté toutes les questions de l’actualité politique de l’heure.
Parlez-nous de votre parcours ?
J’ai une licence en droit de l’Université de Kinshasa. Option : Droit économique et social. Mais j’ai suivi au pays comme à l’étranger plusieurs formations (NTIC, Journalisme, droits humains, développement, etc.).
Métier : Je suis journaliste. Mais aussi analyste sur des questions politiques et économiques que je suis de très près. je me suis aussi beaucoup penché sur les questions relatives aux ressources extractive dans l’exercice de mon métier.
Que prévoit la Constitution, si les élections présidentielles ne s’organisaient pas avant décembre 2016 ?
Renseignée par le passé sanglant de la RDC, la Constitution véhicule avant tout un message global de paix et d’harmonie s’agissant de la dévolution et l’exercice du pouvoir. Il faut donc la comprendre aussi bien sa lettre que son esprit. Le pouvoir est dans l’urne et non au bout du fusil. Ceci dit, la présidentielle étant prévue de longue date dans la constitution, un cycle de 5 ans, elle devrait se préparer et s’organiser assez facilement. Mais ce n’est qu’en cas de force majeur, qu’un report est envisageable.
C’est dans cette hypothèse que le chef de l’État va demeurer en fonction jusqu’à ce que les conditions soient de nouveau réunies pour l’organisation d’une nouvelle élection. Il utile de préciser que la force majeur est caractérisée par deux éléments : il est imprévisible et insurmontable. Mais les politiques abusent très souvent de cette notion juridique.
Que deviendront toutes les institutions existantes ?
Un État fort suppose des institutions fortes. Les deux pieds sur lesquels reposent les institutions solides sont : la légitimité et la légalité. Si les élections ne s’organisent pas dans les délais constitutionnels, les institutions politiques seront fragilisées car n’ayant pas ni la légitimité- qui est l’adhésion populaire, ni la légalité-qui est la conformité à la législation. Il faut absolument que les rd-congolais sources du pouvoir, s’expriment à travers les élections libres et transparentes pour le remettre aux personnes de leurs choix qui composeront les futures institutions.
Même sevrées de la légitimité et de la légalité, les institutions vont restées en place sur pied en vertu du principe de la continuité de l’État. Dans ces conditions leurs pouvoirs seront très limités car elles expédieront les affaires courantes. Or l’état actuel dans lequel se trouve la RDC postule que les institutions soient fortes et pleinement légitimes pour prendre les décisions qui s’imposent. Or pour prendre des décisions courageuses, il faut une base de légitimité assez forte dans le chef des détenteurs du pouvoir politique. Voilà pourquoi de bonnes élections sont incontournables pour hâter le développement et pour consolider la paix et l’unité nationale.
En 2011, au cours d’un meeting au stade Tata Raphaël, le célèbre et mythique politicien rd-congolais Etienne Tshisekedi wa Mulumba avait dit ci-haut que le pouvoir vient de l’Occident et non des élections. Comment analysez-vous ce propos ?
Je n’ai pas souvenance de ces propos, je vous en laisse donc la responsabilité. Mais elle évoque la question de la source du pouvoir. La source du pouvoir c’est le peuple congolais qui à travers les élections choisit ses dirigeants. Voilà pourquoi il faut que le processus électoral soit le plus crédible possible pour que le vote de la population ne soit pas détourné. Mais il est vrai que l’occident joue un rôle dans l’ascension de nos dirigeants. Cela était plus manifeste avant la restauration du processus électoral en 2006.
Avant cette date, la plupart de ceux qui ont présidé aux destins de la nation rd-congolaise avaient été adoubé par les occidentaux. De Mobutu à Laurent Désiré Kabila en passant par Joseph Kabila (de 2001 à 2006). Leur accession au pouvoir s’est fait principalement avec l’aide des étrangers. Mobutu par les belges, les francais et les américains. M’Zee Kabila par les forces Rwando-ougandaises soutenues par les anglo-saxons (USA et R.U). Kabila est héritier de cette filiation politique extravertie mais s’est exercé à introvertir son pouvoir avec les élections de 2006. Les élections apparaissent donc comme le seul moyen de nous approprier et de consolider notre souveraineté. Il n’y a pas d’autres alternatives.
L’occident, tel un lobby a une influence certaine dans la désignation de nos dirigeants et cela est incontestable car le point de vue des occidentaux sur nos dirigeants compte beaucoup dans la formation de l’opinion. Pour réduire cette ingérence, il faut que le processus électoral soit régulier et transparent. Et surtout rendre son financement endogène. Sinon la dévolution du pouvoir en RDC aura un fort accent occidental. Mais il n’est pas interdit aux occidentaux d’émettre des avis sur la préférence qu’ils ont sur tel ou tel autre homme politique. Mais en définitive le dernier mot doit revenir au peuple congolais.
Car, les occidentaux les font entre eux. Merkel avait apporté son soutien à Sarkozy lors de la présidentielle de 2012 mais les français ont choisi Hollande. Encore une fois un processus électoral efficace comme le seul instrument pour consolider la souveraineté.
Depuis septembre, plusieurs défections ont eu lieu au sein de la Majorité (G7 et Moïse Katumbi) et les démissions se sont succédé. Pensez-vous que cela aura un impact lors des élections ?
C’est une évidence. L’hémorragie des cadres qui s’est produite à la Majorité présidentielle (MP) est inédite par son ampleur. Avec la défection de Moïse Katumbi notamment, c’est une très grosse perte politique pour la MP même si elle ne l’admettra pas. Elle a perdu son jocker politique. Ce départ du populaire Katumbi précédé par d’autres défections importantes, notamment celle de Pierre Lumbi (ex conseiller spécial de Kabila), de Olivier Kamitatu (ex ministre du plan), de Gabriel Kyungu (président de l’assemblée provinciale du Katanga) et de Charles Mwando Nsimba (ex vice-président de l’Assemblée nationale), Christophe Lutundula et Dany Banza, est un vrai coup dur porté à la MP. Leur départ a changé fondamentalement la donne politique. Car, Katumbi était la personnalité la plus populaire du camp présidentiel. Pierre Lumbi est à la tête de ce qui était encore le 2ème parti de la MP.
Le camp présidentiel s’est donc considérablement affaibli et a vu ses chances de conservation du pouvoir réduites comme peau de chagrin. Faisant semblant d’être affectée, la MP a néanmoins pris la mesure de cette crise en son sein. D’où sa recherche d’une alliance aussi improbable que désespérée avec l’UDPS d’Etienne Tshisekedi pour rétablir l’équilibre politique rompu. La nouvelle donne étant largement en sa défaveur. Les lignes politiques ont bougé avec le départ du G7 et cela aura des conséquences certaines sur les futures élections. Mais tout n’est pas pour autant perdu pour le camp présidentiel. Il peut limiter les dégâts et même reprendre du poil de la bête. Mais à condition de bien organiser le dauphinat à Kabila en recherchant la personne la mieux placée pour fédérer, pour défendre le bilan et pour proposer un nouveau projet. Mais surtout cette personnalité doit être appréciée par l’opinion nationale et internationale. Et, la Majorité présidentielle regorge en son sein bien des personnalités de qualité qui peuvent défier l’Opposition politique recomposée.
Avez-vous une proposition à faire à la Commission Electorale Nationale Indépendante) et au Gouvernement central pour que le train des élections démarrent et ne s’arrêtent pas en cours de route ?
Ce que j’ai à dire en tant que citoyen ce que j’ai envie d’exercer mon droit de vote. Je vis à Kinshasa et je ne supporte plus les institutions qui dirigent la capitale. Et ce sentiment est partagé par la majorité de kinois. De manière générale j’aimerais exercer mon droit de vote pour renouveler les institutions de la République. La CENI ne doit donc pas tergiverser. Elle doit s’atteler à produire un calendrier pour les élections présidentielle, législatives et provinciales en 2016. Elle doit les coupler pour en minimiser les coûts. Tous ces moyens (matériels, humains et financiers) doivent être affectés prioritairement à ces trois élections qui me paraissent primordiales.
Les autres élections notamment les locales, municipales et urbaines peuvent intervenir plus tard. Même en 2017 vu leur impact budgétaire et leur moindre importance dans le façonnage de notre destin collectif. Mais la tenue de la présidentielle, des législatives et des provinciales doit être précédée par la confection d’un nouveau fichier électoral, plus fiable, qui doit intégrer impérativement les nouveaux majeurs qui ne l’ont pas été depuis 2011. Ça fait beaucoup de monde qui ne doit pas être laissé de côté. Mais la CENI dépend financièrement principalement du gouvernement. Ce dernier a prévu une enveloppe d’un peu plus de 550 millions USD.
Si les décaissements se font à temps, il y a lieu d’espérer d’avoir de bonnes élections l’an prochain. Mais la question de la sécurisation du processus électoral étant importante, il faut une campagne civique à l’endroit des candidats, des électeurs et des agents de l’ordre. Et c’est maintenant qu’elle doit commencer pour pacifier les esprits.
La Cour Constitutionnelle existe depuis plus d’un semestre, mais la Cour Suprême continue de fonctionner. Comment expliquez-vous cela ?
La Cour suprême de Justice (CSJ) ne disparaitra qu’à l’issue du processus de reforme de l’appareil judiciaire tel que décidé par la constitution. En effet, la nouvelle constitution de la RDC (2006) a apporté une réforme majeure : il n’y a plus désormais un seul ordre de juridiction concentré à la CSJ dans ses différentes chambres comme avant, mais plutôt trois ordres de juridiction. A savoir : ordre judiciaire chapeauté par la Cour de cassation, l’ordre administratif coiffé par le Conseil d’État et l’ordre constitutionnel sur lequel trône la Cour constitutionnelle. Toutes ces prérogatives étaient dévolues à la CSJ. La CSJ a été délesté de sa compétence en tant que juge de la constitutionnalité depuis l’installation de la Cour constitutionnelle. Avec l’installation prochaine du conseil d’État, elle sera amputée de l’autre compétence qu’elle détient encore en tant que juge administratif. La CSJ deviendra la Cour de cassation, qui va présider toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.
La sécurité des journalistes est toujours en actualité à travers le pays et au sein des ONG internationales des droites de l’Homme. Selon vous, qui peut résoudre cette question ?
Le premier bourreau des journalistes c’est l’État. C’est lui qui emprisonne les journalistes. Je plaide pour la dépénalisation des délits de presse. Mais d’une manière générale, l’opinion générale doit considérer que s’attaquer à l’intégrité physique d’un journaliste c’est mettre en péril la démocratie car la presse est un de ses piliers. La presse et la justice sont les deux gardiens de la démocratie. Il faut un engagement ferme de l’État pour la défense des droits de journalistes. L’État ne doit pas percevoir les journalistes comme une menace comme c’est le cas actuellement. De la sorte il ne fermera plus les médias et n’embastillera pas les chevaliers de la plume pour des broutilles. Naturellement, l’appui des ONGs locales et internationales dans la promotion des droits de journalistes est indispensable pour l’avènement d’une presse libre. Presse libre qui va concourir à l’assainissement de la gouvernance et partant va promouvoir le développement.
CK / DK