Les hommages au légendaire Papa Wemba se poursuivent encore. Le NduleSlaman rd-congolais Yekima De Bel Art témoigne sur cette star planétaire qui était décédé le 24 avril et enterré le 4 mai 2016, à Kinshasa. A 24heures de sa prestation The One Man Slam à l’Institut Français de Kinshasa -Halle de la Gombe (6 mai 2016, à 19h), Yekima nous a accordé une interview pour dévoiler ce qu’il garde et ressent de cet Artiste pluridisciplinaire.
Le monde a perdu un grand, en l’occurrence Papa Wemba. Quel souvenir gardez-vous de lui ?
Mis à part, le fait que c’est un Artiste dont j’aime énormément la musique et l’être. Au fil de temps, il est devenu pour tout, une idole, un vrai modèle… J’ai été pour la première fois présenté à Papa Wemba, par mon Curé de la Paroisse et grand ami Monsieur l’abbé Koko, puis, nous avions gardé contact.
Ce qui était tout à fait surprenant avec Papa Wemba, quand il m’arrivait de lui téléphoner, il prenait seul son téléphone et nous restions parler le temps que prenait l’échange, aussi normalement que possible. Papa, il l’est vraiment. En 2014, quand j’enregistrais à la RTNC au studio de Maestro Zola Tempo sous la réalisation ingénieuse de Maestro Maïka Munan, une chanson avait été enregistrée et d’ailleurs jouée par Olivier Tshimanga, mais juste l’instrumentation, sur laquelle je devais inviter Papa qui m’avait d’ailleurs donné son quitus, dommage que je ne l’aie plus fait le plutôt… Sans doute, il ne faut jamais renvoyer à un autre jour ce qu’on peut ce jour faire aujourd’hui.
Gloire à Dieu. Plus tard en 2015, j’ai été contacté par Ados Ndombasi pour un projet extraordinaire avec Papa, » Passion du Maître « , l’un de plus grands derniers concerts de Papa. Si je peux me permettre de le dire sans peur d’être contredit. Sur le projet, j’ai rencontré des jeunes super talentueux chacun dans son domaine dont le travail était de pousser ce projet au summum, vers le nec plus ultra. Ma foi, ce qui fut fait! Je parle ici de Nicole Sulu, Hono Kitenge, Aymé Kluv, Kojack Kossakamwe, Ados Ndombasi, Vincent Kunda … sans oublier la manager de Papa, Marie Laure Yaone, Viva la Musica et la liste est non exhaustive.
Il m’a été demandé de revisiter en Slam la chanson » Esclave » de Papa Wemba pour un duo en duel. J’ai écrit mon texte que j’ai proposé à l’équipe qui l’a tout de suite adopté. Je revois ici le contentement de Nicole, la patronne de Sultani et la satisfaction d’Ados. Ensuite, Papa qui m’a adopté comme Artiste. Après qu’il ait écouté mon texte, il m’a demandé de faire un deuxième titre avec lui, ça m’a fort rassuré!
Deux titres avec Papa Wemba ? Un tel événement où spectacle, lumière, son, chorégraphie, mise en scène, … sont étudiés minutieusement ! C’était la chanson » Blessure « . J’ai écrit un deuxième Slam en français, mais il s’agissait surtout de reprendre toutes les phrases parlées en lingala de Papa dans l’audio. Beaucoup d’ateliers de travail qui parfois commençaient de 15heures à 1heure du matin. Chaque jour, c’est lui qui arrivait plusieurs fois avant tout le monde et qui repartait avec tout le monde, parfois même après. Il mangeait les mêmes plats nous servis, restait avec nous à table, riait, blaguait, provoquait, … Je me souviens d’une anecdote qui me revient, au cours d’une séance de répétition, il me dit : Costa, mais longola maboko n’a poche, oza Papa Wemba tein, le frimeur c’est moi… On s’est mis à rire tous comme des fous.
Le jour du concert, je revois mes ressentis de la soirée avec Grand Corps Malade, sans bien sûr négliger les miennes propres. Mais être sur scène en face-à-face avec Papa Wemba, cet instant spécial qui m’était donné cette grande soirée là avec ce public là, je n’aurai jamais des mots justes pour le décrire… J’ai vu dans la salle Fally Ipupa, le Prof. Liyolo, Jean Claude Eale, la poétesse Bestyne Kazadi, l’écrivaine Yolande Elebe… pour ne citer que ceux-là. C’est un autre moment pour moi.
Papa Wemba, très cool, très jeune, très artiste… Maillon entre toutes les générations de musique congolaise jusqu’à faire un duo scénique même avec un Slameur que je suis. Il a ouvert sa musique à plusieurs articulations. Il avait déjà su résister à l’usure du temps. Il est donc Immortel. Roi de la Rumba Pop Rock, Pape de la Sape…
Quelle chanson préférez-vous dans son riche répertoire ?
Je serai tenté de dire » Esclave » compte tenu de ce duo, mais surtout pour sa valeur lyricale, son contenu, le message et l’histoire. La Rumba est souvent perçue comme une musique d’amour à cause de la démarche textuelle que la plupart de musiciens congolais empruntent, et quand elle sort un peu de ces schémas millénaires. Cette chanson porte des allures cognitives bien intéressantes dont Esclave, Longembo, Ebale ya Congo, Blessure, le Voyageur… Si non, j’ai toute une litanie de préférences à retrouver dans de pleins albums, Émotion, Fula Ngenge, …. Phrase me plaît beaucoup aussi.
Papa Wemba au-delà de la voix, c’est un tout Artiste. Au Congo Démocratique, il y a beaucoup de musiciens vocaux qui prétendent qu’il ne suffit que d’une belle voix pour se dire musicien. Je crois que la musique va au-delà de la simple voix. Papa Wemba a su tout concilier.
Ces 6 et 27 mai 2016, interprétez-vous certaines de ces chansons en mode slam ?
D’abord, quand j’ai appris la nouvelle de sa mort inopinée qui d’ailleurs, malheureusement, a eu lieu le même jour de mon anniversaire le 24 avril, déchiré entre joie et tristesse. Un contraste qui risque de l’être toujours. Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais tenté d’annuler mon spectacle du 6 mai. Ressaisissant, je me suis dit Papa Wemba est décédé sur scène comme un vrai Soldat sur le champ de bataille, arme en mains, je lui rendrai bel hommage en montant sur scène.
Dans mon programme, nous avions déjà prévu un titre Le Sapeur. C’est depuis bien longtemps, un texte que j’allais proposer à Papa lors du concert sus évoqué, et que je me suis persuadé d’insérer dans mon répertoire. Coïncidence ! ça lui rendait hommage de son vivant, ça fera de même avec beaucoup plus d’implications pour sa mémoire.
Le Sapeur va être une performance avec des sapeurs, l’un d’eux est le plus proche de Papa au demeurant. Je crois qu’un hommage vibrant lui sera rendu demain soir du 6 mai à la Halle et le 27 mai, à Boboto, nous ferons plus. Peut-être, bien faire revivre notre duo de Sultani Hôtel.
Quel conseil prodiguez-vous aux musiciens évoluant dans Viva la Musica à Kinshasa et à Paris ?
Je n’ai pas de singulier conseil à leur prodiguer. Du tout, ils sont peut-être plus vieux que moi dans la musique. Un souhait par contre. Qu’ils demeurent unis et fassent en sorte que l’héritage musical de Papa lui survive longtemps aussi et surtout sur scène, mais de façon la plus ordonnée possible…
Forte pensée, ici je garde, pour toute la famille artistique éplorée, sa famille biologique, et toute l’équipe de » Passion du Maître « .
CINARDO KIVUILA