Martin Fayulu est une figure de proue de l’Opposition congolaise connue pour sa constance, sa probité morale et surtout son courage et sa pugnacité face au régime Kabila. Il a été de tous les combats. Respect de la constitution, révolte contre la loi électorale en janvier 2015, le président de l’Ecidé ne se donne aucun répit pour l’avènement de l’Etat de droit. Son combat politique n’est pas sans risque. Son hôtel est en redressement fiscal, sa jeep Mercédès ML est à la Demiap, ses proches en prison et lui-même dit avoir échappé à la mort. Dans une interview accordée à la rédaction de 7SUR7.CD, le député national revient sur la récusation de Kodjo qu’il qualifie de « corrompu ». L’élu de Kinshasa a aussi donné les raisons du boycott du dialogue. Il a dénoncé les violations des droits de l’homme. Et a conseillé à Kabila de « plier bagage » le 19 décembre. Fayulu appelle les congolais à se mobiliser pour faire pression sur le régime. Fayulu a profité de cet entretien pour démentir catégoriquement qu’il aurait rencontré les cadres de la majorité le weekend passé. Fayulu qualifie cette information d’intox dont le but est de le nuire. Ci-dessous l’interview.
Quelle est la pensée du rassemblement par rapport au dialogue qui va s’ouvrir dans 48 heures ?
Le Rassemblement n’a strictement rien à voir avec le dialogue de monsieur KODJO. Ce dernier vient d’aggraver la crise que traverse notre pays. Monsieur KODJO accepte d’accompagner monsieur KABILA dans sa détermination à obtenir un 3ème mandat, donc à violer la constitution. Nous sommes catégorique là-dessus : pas de 3ème mandat pour KABILA. Et donc pour nous, KODJO a été récusé, récusé formellement le 24 juillet 2016. Récusation confirmée le 31 juillet au meeting du Rassemblement.
Si jamais tous les préalables posés le Rassemblement étaient rencontrés, vous continuerez à maintenir la récusation de KODJO ?
Mais KODJO aussi c’est un préalable. KODJO doit partir ! Nous continuons à maintenir la récusation de KODJO, et nous avons dit que cette récusation est irrévocable, je souligne irrévocable. Donc KODJO doit partir purement et simplement, c’est un monsieur qui joue à un jeu dangereux. Il est totalement discrédité, il s’emploie à débaucher les membres de la Dynamique et du Rassemblement, et même du MLC (je ne parle pas au nom du MLC mais c’est-ce que nous constatons). Il s’emploie à débaucher les gens pour donner une crédibilité à son Dialogue. Non, ce n’est pas sérieux. Et nous savons tout ce que KODJO a fait au niveau de l’Union Africaine alors OUA, nous savons ce qu’il avait fait dans son pays (Togo), comment il a déstabilisé l’Opposition, comment il a détruit l’Opposition dans ce pays. Et monsieur KODJO veut faire exactement la même chose ici. Nous connaissons les relations de KODJO avec son président actuel (Fort Eyadema), et nous connaissons tout ce qu’il fait, alors nous nous disons que KODJO ne peut pas être un arbitre dans la crise politique congolaise.
Mais la Communauté Internationale ne semble pas vous suivre dans cette piste-là (récusation Kodjo)?
La Communauté Internationale nous suivra, la Communauté Internationale n’a rien d’autre choix à faire que celui de suivre la frange la plus représentative de l’opinion. Et partout ailleurs dans les discussions, dialogues, pourparlers et autres tables rondes à chaque fois lorsqu’une partie récusait le médiateur ou le facilitateur ; la Communauté Internationale après s’être impliquée, prenait acte. Aujourd’hui, qu’est-ce que la Communauté Internationale veut ? Qu’est-ce qu’elle veut exactement ? Mais elle voit bien qu’en nous imposant KODJO, nous ne plierons pas, nous ne céderons pas. Donc, la Communauté Internationale doit tirer des leçons de cette attitude. KODJO, comme on l’a dit, est corrompu, KODJO n’a aucun crédit pour lui.
Et que pensez-vous de ce que KODJO a dit dans Jeune Afrique, que les hommes politiques congolais disent une chose en privée et une autre en public ? Que vous êtes des hypocrites ?
Mais c’est lui qui l’est ! Ce n’est pas tous les hommes politiques. Il faut demander à monsieur KODJO s’il m’a vu là-bas, dire une chose et son contraire à la fois ? Il faut lui poser la question qui il a vu ? Mais s’il voit ces gens-là qui, hier ont dit soutenir une chose, c’est qu’il a raison ! Parce qu’il est avec des gens qui, hier ont soutenu qu’il ne pourront pas le voir, qui hier, ont soutenu que KODJO doit partir, et qui ont soutenu que nous sommes pour la résolution 2277, et qui, aujourd’hui, ces messieurs travaillent avec le même KODJO, et sans que rien n’ait changé. Donc KODJO est en droit de dire ça par rapport à ses amis d’aujourd’hui, mais il ne peut pas dire ça de tout le monde ! Lui-même était homme politique togolais, il a dit des choses et il a changé ! Il a écrit un livre intitulé « Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire », il faut qu’il se replonge là-bas, qu’il voie ce qu’il a dit, que la seule valeur maintenant pour les dirigeants africains c’est « l’argent ». Et c’est ça qu’il est en train d’utiliser lui.
Si les résolutions du dialogue étaient conformes au cahier de charge du Rassemblement, est-ce que vous les endosserez après coup ?
De toute façon, ça ne peut pas être conforme à notre cahier de charge.
Pourquoi ?
Regardez les principes-directeurs. Est-ce que vous avez vu un principe-directeur qui dit que KABILA doit partir le 19 décembre ? Le respect de la constitution veut dire que, un mandat renouvelable une seule fois. Et donc Monsieur KABILA le 19 décembre à minuit, il plie ses bagages, il s’en va. Est-ce que dans les principes-directeurs on l’a dit ? On ne l’a pas dit. Et si on ne l’a pas dit comment voulez-vous ou par quel miracle ces résolutions seront en accord avec notre cahier de charge ? Non, n’y a pas de miracle. N’y a pas de miracle possible. Donc, nous le savons, et nous savons que la volonté de ces messieurs et dames, et la volonté de monsieur KODJO, c’est d’accompagner KABILA dans sa détermination d’obtenir un troisième mandat, en violation flagrante de la constitution.
C’est-ce qui cache le point 11 de la feuille de route, en rapport avec un accord politique ?
Exactement ! C’est ça qui cache le point 11. Tout est là, sur le point 11. Maintenant, ils nous font de la littérature, « respect de la constitution », « respect de l’Etat de droit », « alternance politique démocratique »…Non, ça c’est des choses que nous connaissons. C’est pour cela nous demandons au peuple congolais, de rejeter toutes les conclusions qui sortiront de ce pseudo-dialogue. Ce que pour nous, ce pseudo-dialogue est le complot organisé contre la nation pour liquider le pacte républicain que nous avons signé à Sun City, l’Accord Global et Inclusif, qui est la source de tout ce que nous sommes en train de faire ici. Le pacte républicain qui a produit la Transition, qui a produit le référendum et la constitution, la constitution qui est là aujourd’hui. Non, donc nous demandons aux collègues, de simplement rejeter les conclusions qui sortiront de ce forum de monsieur KODJO. Nous disons aussi aux congolais de se mobiliser et de participer activement aux actions de résistance pacifique que le Rassemblement va convoquer, va décréter à partir du 1er septembre et ces actions vont culminer lundi 19 septembre, et ce jour, nous demandons au peuple congolais, de participer massivement au sit-in auprès des bureaux de la CENI et différents chefs-lieux de provinces. Toutes les provinces, Kinshasa, pour le Kongo-Central, Matadi, pour le Bandundu (démembré) Bandundu-ville, Kikwit, pour le Katanga (démembré) Lubumbashi, Goma, Bukavu, Kisangani, Mbuji-Mayi, Mbandaka, Kindu, bref partout, d’aller dans ces chefs-lieux de provinces, et aussi les congolais qui sont à l’étranger d’aller dans les missions diplomatiques de le RDC, afin de réclamer d’abord la convocation immédiate de l’élection présidentielle, ça c’est l’article 73 de la constitution, et ensuite, de déposer le préavis de Monsieur KABILA, parce que Monsieur KABILA doit libérer la présidence de la République le 19 décembre 2016 à minuit.
Comment avez-vous accueilli la libération de Christopher NGOY qui est votre collaborateur ?
Je suis très proche à Christopher NGOY, nous avons demandé ce relâchement depuis, Christopher NGOY n’a rien, absolument rien fait.
Le jour où il a été enlevé, il était toute la journée avec moi, si je ne m’abuse, c’était le mercredi 20 janvier, nous étions ensemble, on a failli nous tuer à Mama YEMO ensemble avec les autres députés et autres collègues, heureusement que nous sommes sortis 2 minutes avant, et 2 minutes après, les gars sont venus, ils ont commencé à tirer à tout bout de champs. Nous sommes rentré chez moi avec Christopher NGOY, et Christopher NGOY, en partant de chez moi, en cours de route il été enlevé. Donc je ne peux que me réjouir qu’il soit relâché parce qu’il n’a absolument rien fait. Les 11 chefs d’accusation, c’était de la fabrication pure et simple des services secrets de Monsieur KABILA.
Et Fred BAUMA et Yves MAKWAMBALA ça vous réjouit aussi ?
Bien sûr ! Fred BAUMA et Yves MAKWAMBALA, j’ai été régulièrement les voir en prison pour les soutenir, comme d’ailleurs Diomi NDONGALA et Jean-Claude MUYAMBO, j’ai été à Goma pour voir les jeunes-gens de la LUCHA qui ont été incarcérés, et je me réjouis simplement, et je me dis qu’il faut libérer tout le monde, tout prisonnier politique. Aujourd’hui il y a notamment Erick KIKUNDA qui est là, qu’est-ce qu’il fait là-bas ? Il y a Diomi qui est là, qu’est-ce qu’il fait là-bas ?
Mais à la Majorité on dit que pour avoir commis le viol, Diomi n’est pas libérable, quelle est votre opinion ?
Pourquoi Diomi n’est pas libérable ? Est-ce qu’il y a un médecin qui a donné un certificat médical attestant qu’elles ont été violées ? C’est ça le problème ! Alors Diomi a été condamné sur base de quoi ? Et pourquoi il n’est pas libérable ? C’est ça la question fondamentale. Donc pour nous, ce sont des mesures dictatoriales, c’est la dictature qui ne sait à quel saint se vouer, et qui veut museler l’opposition, qui veut punir la jeunesse. Le ministre de l’information a notamment qualifié les militants de LUCHA et FILIMBI de « terroristes » ? Une absurdité ? Vous voyez comment les gens utilisent des gros mots pour déstabiliser les gens et pour justifier leur forfait ? Non, ces gens-là n’ont absolument rien fait. Christopher NGOY a été enlevé depuis quand? Jean-Marie KALONJI depuis le 15 décembre dernier. Vous voyez ce que ça fait pour la vie d’un homme ? Christopher NGOY a passé presque 1 an et demi en prison pour rien. Et sa santé a pris un coup pour rien. Jean-Claude MUYAMBO, sa santé a pris aussi un coup pour rien. Diomi sa santé a également pris un coup pour rien. Qui doit restaurer à chacun d’eux sa santé ? Qui ?
Pour finir, la presse a soutenu que vous avez rencontré les cadres de la majorité présidentielle le week-end passé. Qu’en est-il exactement ?
J’ai toujours considéré que le journaliste, avant de porter les faits à l’intention du public, devrait d’abord les vérifier, parce que le journaliste a une déontologie, le journalisme c’est un métier noble. Moi-même j’aime bien le journalisme, je peux vous citer ici ALBERT MAVUNGU, KASONGO MBUNGA KALALA, dans beaucoup de pays où je suis passé, j’aime bien le journalisme, j’aime écouter, j’aime les analyses des grands journalistes.
C’est de l’intox, c’est du sensationnel, c’est archifaux à propos de cette prétendue rencontre entre moi et les cadres de la majorité présidentielle. C’est des coups en dessous de la ceinture pour me nuire. Bien des gens ont essayé avant eux, ils ne réussiront pas à ternir mon honneur. Je n’ai jamais été sur une même table avec Néhémie Mwilanya, Alexis Thambwe Mwamba et Léonard She Okitundu. Je ne connais pas monsieur Néhémie. Félix Tshisekedi qui a été aussi cité aussi était en Europe. Je ne l’ai vu que dimanche et lundi or les faits allégués par ce journal datent du samedi 27 août. Ai-je le don d’ubiquité ? Minutes par minutes je peux vous retracer mes activités du samedi. La politique ce n’est pas l’art de mentir mais de gérer la cité.
Quid de la confiscation par la Démiap de votre Jeep Mercèdes ML ?
Depuis le 14 février 2016, ma Mercedes ML est toujours à la Demiap (Détection militaire des actes anti-patrie). Mes cartes de crédit, mon argent en devise, mes livres, mes journaux et mes effets personnels sont toujours là-bas. Je m’apprêtais le mardi 16 février à aller dire aux congolais de Masina qu’il fallait observer la journée ville morte du 19 février 2015 et leur en donner les raisons. Est-ce un péché ? Conscientiser la population, n’est-ce pas un droit garanti par la constitution ? J’ai porté l’affaire en justice, j’attends toujours. C’est de la dictature car ma voiture privée a été saisie par les services secrets de Kabila.
Un message à Joseph Kabila ?
S’il aime la nation comme il le prétend qu’il dise solennellement qu’il va respecter la constitution, qu’il sera sénateur à vie. Il doit dire au revoir aux congolais. Il éviterait beaucoup des drames au pays. Et les congolais lui en sauraient gré.
ISRAËL MUTALA (7sur7.cd)