L’itinéraire musical monumental de Tshala Muana, reine de Mutwashi, rime avec ses motivations suffisantes, sa rigueur artistique et la force de ses valeurs identitaires qu’elle a su forger au sein de sa communauté donnant au folklore du peuple Luba une grande notoriété.
L’émotion est d’autant plus pesante. Le décès le samedi 10 décembre 2022 de l’artiste rd-congolaise Tshala Muana à l’âge de 64 ans, a provoqué une onde de choc. Des hommages planétaires à la Mamu Nationale se sont succédés. Musiciens, comédiens, politiques, journalistes…ont salué la mémoire d’une icône.
Bête de la scène et véritable leader, Tshala Muana a fait de sa musique une science durant plus de 40 ans de carrière. Sa magie scénique, ses déhanchements électriques et envoûtants, sa fière allure et son charme éternel ont fait d’elle un personnage unique qui aura marqué des générations.
De danseuse à chanteuse
Grâce à son style féerique le Mutwashi, Tshala Muana aura fait des émules qui pourtant ne lui arrivent pas à la cheville, même si, reconnaissons-le, la patte de la nouvelle génération qui s’y met désormais n’est pas si mal que ça.
En plus d’être une chanteuse d’exception, elle aura été au départ une danseuse, celle avec des reins de roseau et des danses sulfureuses. Sa magie a encore plus opéré quand elle rejoignit d’abord en 1977 le groupe “Tsheke Tsheke Love” de M’pongo Love, puis une année plus tard “Les Tigresses” d’Abeti Masikini.
Tshala Muana veut en mettre plein la vue avec sa danse typique aux airs traditionnels, le Mutwashi. Difficile de s’imposer tout de suite et d’être reconnue devant deux mastodontes, M’Pongo Love et Abeti Masikini, beaucoup plus plongés dans le Soukous et la rumba.
Tshala Muana en 5 hits 🙏🕊️#RDC #RDCongo @minculturap_rdc #RIP pic.twitter.com/N7fHFdOX23
— EVENTSRDC (@EVENTSRDCCOM) December 10, 2022
Son énergie est d’autant plus ensorcelante et débordante. Elle marquera les scènes du monde entier notamment grâce à une tournée de l’orchestre de son mentor, “la tigresse aux griffes d’or”, Abeti Masikini.
Celle qui était autrefois une danseuse irréprochable, sonnera la révolte non pas de se convertir en chanteuse, mais de faire de la musique parce qu’elle en avait des arguments. Trouver les voies et moyens pour prouver au monde entier son talent et imposer son style longtemps ignoré, a été l’un de ses plus désirs. Sa résilience, sa niaque et ses nombreux voyages lui ont permis d’arriver à bon port.
Quand elle débarque à Abidjan en Côte d’Ivoire, elle va enregistrer en 1982 son maxi 45T “Amina”, bien aidée par l’agence Ivoire Hit. Le début d’un succès qui dépassera les frontières.
Une aubaine pour la Reine du Mutwashi d’imposer cette fois-là son style au monde entier. Face aux critiques réfractaires de certains, elle n’a pas baissé pavillon et a su tirer son épingle du jeu à point nommé.
Le Mutwashi, une révolution
Le Mutwashi n’est pas qu’un simple genre, c’est surtout une identité, une révolution.
À 1964, quand son père, Amadeus Muidikayi, est exécuté par les maquisards Mulelistes, la petite Elizabeth Tshala Muana alors âgée de 6 ans, va passer son enfance en compagnie de sa mère. Elle cultive le sens de responsabilité auprès de cette dernière, mais surtout apprend d’elle des chants traditionnels qu’elle interprétait dans les fêtes de mariage.
Le goût d’une jeune femme décidée à garder les valeurs traditionnelles est palpable. Mais encore faudra-t-il trouver une formule magique pour que cela passe auprès d’un public tourné vers des rythmes occidentaux. C’était sans compter par sa redoutable résilience.
Bien que créé par le Dr. Nico Kasanda en 1965, le Mutwashi n’avait jamais aussi reçu des critiques dithyrambiques quand il a été popularisé et révolutionné par Tshala Mwana le mélangeant avec du rythme moderne grâce notamment au concours de l’incontournable Souzy Kaseya.
Grâce au Mutwashi, Tshala Mwana a été sacrée “Meilleure Artiste de l’Afrique centrale” et faite Chevalier de l’Ordre National du Léopard par l’ex-président Mobutu.
Une œuvre intemporelle
L’image qu’on retient de Tshala Muana après son décès n’est pas que celle d’un sex-symbol, mais d’une grande artiste avec une œuvre immense.
La reine du Mutwashi a su forger une grande réputation dans ses chansons qui valorisent la culture Luba. Avec plus de 20 albums enregistrés, elle a marqué des générations. Dans les fêtes, sa musique a une très grande importance et met toujours de l’ambiance.
Sa riche discographie démontre l’artiste qu’elle a toujours été. Une férue de la musique, de la culture et une bête de la scène. Parmi ses chansons à succès, nous pouvons citer : « Malu », « Lwa Touye », « Nasi na bali », « Tshanza », « Tshibola », « Menteurs », « Amina »…
Une artiste qui restera immortelle.
Lire aussi :
CHADRACK MPERENG