Le discours du Chef de l’Etat Joseph Kabila occupe encore les Une des journaux de Kinshasa et d’ailleurs, des autres médias, et fait l’objet de plusieurs analyses dans les États-majors des partis politiques rd-congolais. Les uns se sont retrouvés et les autres se sentent lésés. Membre du Rassemblement des forces acquises au changement, Dadou Moano a émit son point de vue à travers une interview qu’il nous a accordé. Il a souligné que sa plateforme politique n’embarquera pas dans le même bateau avec les politiciens rd-congolais ayant signé l’Accord du 18 octobre 2016, à la Cité de l’Union Africaine, reconnaissant les conclusions du Dialogue National Inclusif. « Cet accord viole aux règles constitutionnelles », a-t-il dit.
Quel est votre commentaire sur l’adresse du Chef de l’État Joseph Kabila Kabange à la nation, ce mardi 15 novembre 2016 ?
A écouter le Chef de l’État s’exprimait devant le Congrès, j’ai cru entendre un roi parler à ses sujets. Pour résumer son allocution, le Chef de l’État Joseph Kabila a dit en substance: » Je ne vous écoute pas, je fais ce que je veux, et je reste aussi longtemps que je pourrais « .
Donc, le Président de la République a fait un bras d’honneur au peuple congolais et il a fait preuve d’un manque de tact en faisant une litanie d’insultes à l’endroit de l’opposition. Le Rassemblement considère ce discours comme « un discours d’au revoir ».
Que retenez-vous du passage des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies à Kinshasa ?
Avant toute chose, j’aimerais faire un rappel important concernant le Conseil de sécurité des Nations Unies. La Charte des Nations Unies confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le Conseil compte 15 membres disposant chacun d’une voix. Aux termes de la Charte, tous les États Membres sont tenus d’appliquer les décisions du Conseil.
Le Conseil de sécurité est compétent au premier chef pour constater l’existence d’une menace contre la paix ou d’un acte d’agression. Il invite les parties à régler un différend par des moyens pacifiques et recommande les méthodes d’ajustement et les termes de règlement qu’il juge appropriés.
Il est clair que la visite du Conseil de Sécurité en République Démocratique du Congo n’est pas du tourisme onusien comme certains du pouvoir s’amuse à le dire, c’est plutôt une mission d’alerte.
En effet, la République Démocratique du Congo est mis délibérément par le Président Kabila sous une crise artificielle, je veux dire par là l’obstruction aux élections. Cette situation est susceptible d’être explosive pour notre pays et la sous région. Je ne vous rappelle pas que nous avons 9 voisins, un conflit chez nous aura un impact direct ou indirect sur nos voisins en terme militaire et humanitaire.
La visite de la mission du Conseil de sécurité des Nations Unies s’inscrit donc dans une démarche qui relève « de la diplomatie préventive ».
Le Rassemblement, notre plateforme a réaffirme son adhésion à la résolution 2277 qui est un cadre, la seule qui peut désamorcer la tension via « un dialogue politique véritablement inclusif ».
Certains médias kinois ont annoncé le samedi 12 novembre 2016, que le Rassemblement des forces acquises au changement a accepté l’Accord politique issu du Dialogue National Inclusif de la Cité de l’Union Africaine en échange de la Primature. Confirmez-vous cela ?
Le Rassemblement est un contre-pouvoir sérieux qui ne peut pas trahir la confiance que lui donne le peuple congolais. Contrairement aux tshathistes qui ont couru comme de la volaille à la vue d’un fermier tenant du grain, le rassemblement se bat pour les intérêts fondamentaux du peuple congolais: Lutter pour qu’il n’y ait pas le retour de l’illégitimité généralisée, qu’il y ait les élections en vue d’une alternance le plutôt possible.
Le Rassemblement ne va pas adhérer à l’accord de la cité de l’union Africaine signé le 18 octobre 2016, accord qui est en soi un contrat d’adhésion contraire aux intérêts du peuple car « c’est une prise de pouvoir avec ruse« , car cet accord viole aux règles constitutionnelles.
Pour le Rassemblement le 19 décembre 2016 à 23h59, Joseph Kabila achèvera son second et dernier mandat en tant que président de la RDC. A cette même date, toutes les autres institutions de la république à mandat électif n’auront plus ni légalité ni légitimité. Et pour pallier cette situation inédite, par rapport à laquelle la constitution est muette, un régime spécial devra être convenu entre les parties congolaises, au cours d’un dialogue, réellement inclusif, de manière à cheminer vers l’organisation des élections, conformes aux standards internationaux.
Où en est le Rassemblement avec la libération des prisonniers politiques et la fin des poursuites judiciaires à l’ endroit de Moïse Katumbi ?
Monsieur Kabila restreint de plus en plus l’espace politique congolais. Après les violations des droits de l’homme, il s’attaque à la presse. Il a choisi en premier la presse étrangère qui semble le dérange, car ce sont des radios libres par lesquelles l’opposition s’exprime en toute liberté. Il coupe brutalement les signaux de la radio onusienne et de Radio France Internationale, et le Ministre de la Communication lance dans la foulée une mesure qui revoit le fonctionnement des médias étrangers.
Cette situation a alerté même le Président français François Hollande qui juge cette situation « d’alarmante ».
Vous remarquez donc avec moi que le Président Kabila ne fait aucun effort pour favoriser l’éclosion des éléments qui emmèneront à une paix sociale.
La mise en scène judiciaire à l’endroit de notre candidat Moïse Katumbi est une affaire politique qui trouvera sa solution « dans la politique ».
Êtes-vous optimiste sur la tenue des élections triplets (présidentielle, législative et provinciale) en avril 2018 ?
2018 est l’année électorale de la majorité reconfigurée issue de l’accord anticonstitutionnel du camp Tshatshi. Pour le Rassemblement 2017 est l’année électorale.
Plusieurs Chefs d’État africains ont présenté des messages de félicitations au nouveau président américain Donald Trump. Pensez-vous que ce dernier changera ou modifiera la politique extérieure des États-Unis d’Amérique ?
La politique extérieure des Etats-Unis d’Amérique est décrite par l’alternative « Missionary/Monastery« . Je le décris très brièvement.
Le « Monastery », c’est la vision de l’Amérique comme nouvelle Jérusalem, la « cité sur la colline », le Nouveau Monde qui se construirait en évitant les erreurs de l’Ancien, l’Europe vouée aux démons de la volonté de puissance, de l’autoritarisme et du militarisme. Face à cet ancien monde irréformable ou peu s’en faut, l’Amérique aurait pour vocation d’édifier une société de paix, de liberté de démocratie où « la poursuite du bonheur », expressément mentionnée dans la déclaration d’Indépendance, serait la préoccupation principale.
Le « Missionary », cette vision dit que la « destinée manifeste » des États-Unis serait d’étendre au monde entier les valeurs dont ils sont porteurs : liberté, démocratie, recherche du bonheur devraient être les normes pour le monde entier et pas seulement pour l’Amérique.
Je pense très profondément que selon la vision « Missionary », les États-Unis d’Amérique resteront inflexibles sur les questions de liberté et de démocratie en Afrique en générale, et en République Démocratique du Congo en particulier.
« La RDC aux congolais ». Soutenez-vous ce slogan ?
Nous pouvons admettre certains slogans par « nationalisme » qui est un courant, ça s’est un fait. Mais le monde aujourd’hui est en mutation, il y a des flux puissants qui créent un mouvement d’ouverture des frontières.
Je pense qu’il serait plus intéressant que la République Démocratique du Congo arrive à aligner ses intérêts et ceux du monde, tout en ne renonçant pas à elle-même.
CINARDO KIVUILA