Société : les choix capillaires naturellement africains continuent d’être discriminés plus de 60 ans après la colonisation

La coiffure, quand on est noir, est un sujet de nombreuses controverses. Hier, nos aïeux ont souffert, et aujourd’hui la discrimination capillaire persiste alors que l’envahisseur blanc n’est plus là depuis plus de 60 ans. Que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, on n’est toujours pas vu d’un bon œil lorsque l’on porte des dreadlocks, des cheveux naturels ou encore des tresses.

Ces choix capillaires sont souvent jugés comme un signe précurseur de délinquance ou d’une vie peu exemplaire. Alors, d’où viennent ces préjugés liés au choix capillaire ?

Une chose est sûre

Ces conceptions archaïques sont liées à notre passé colonial. Les colons, n’aimant pas la texture des cheveux des hommes noirs, ont tout fait pour conditionner ceux-ci contre les traits caractéristiques naturels de leur race. Ce rapport de domination des « Blancs » sur les « Noirs » s’est inscrit jusque dans la valorisation des traits corporels caractéristiques d’un groupe par rapport à l’autre. Ainsi, les traits physiques des colons « civilisés » et « génétiquement supérieurs » ont été associés au raffinement et à la beauté, tandis que ceux des esclaves et des colonisés « sauvages » sont devenus ceux de la laideur ou d’une connotation bestiale, voire démoniaque.

Et cette conception perdure jusqu’à maintenant : un homme portant des dreadlocks, des tresses ou ayant simplement beaucoup de cheveux est considéré comme un délinquant.

Pour Larissa Diakanua, écrivaine et journaliste porteuse elle-même de longs cheveux naturels, la perception qu’ont certaines personnes sur les choix capillaires consistant à ne pas dénaturer les cheveux ou à ne pas les couper est le résultat d’une mentalité collective faussée depuis la période coloniale, puisque nos aïeux étaient créatifs en matière de coiffure.

« Je pense que c’est une question de mentalité parce que ce n’est pas le système qui impose quoi que ce soit. Je ne pense pas qu’il y ait une loi qui dise à une personne comment elle doit se coiffer. Ce sont les hommes eux-mêmes qui indiquent ce qui est normal ou pas. Donc ce sont les mentalités qui doivent changer ou disons que ce sont les mentalités qui doivent revenir à ce qu’elles étaient avant. Dans les sociétés traditionnelles, il y avait beaucoup de créativité dans les coiffures ; il n’y avait pas de cheveux rasés comme ça, c’étaient des coiffures assez originales. D’ailleurs, la coiffure portait un message », a-t-elle dit.

C’est aussi l’avis de Florent Mongengo, artiste humoriste porteur de dreadlocks et victime des préjugés en raison de ce choix capillaire.

« Moi je pense que c’est dû au complexe culturel imposé par les colons qui nous ont désorientés. La majorité de populations ont du mal à faire un retour à l’authenticité puisqu’à la base nous avons perdu plusieurs choses qui devraient nous lier à notre passé », déclare-t-il.

Un changement des mentalités s’impose

Les connotations attribuées à une personne juste par sa coiffure ne sont généralement pas vraies. Dans les quartiers populaires de Kinshasa, avoir une autre coiffure que le rasé peut entraîner une arrestation. À l’église, on vous demandera sûrement de vous coiffer sérieusement ; à l’école, vous ne pourrez pas assister aux cours puisque le crâne doit être visible. Au travail, c’est pire : être avocat, médecin ou comptable devient plus complexe car il faut une coiffure « sérieuse ».

Chez les femmes, c’est moins grave mais l’acceptation des coupes afro ou naturelles voire traditionnelles n’est pas encore à la mode. Aussi beaux et longs soient ses cheveux, madame préférera mettre une perruque pour aller au bureau parce que les coupes et tresses afro sont jugées « peu professionnelles » ou « dégradantes ». Les qualificatifs associés à la coupe afro sont parfois très péjoratifs.

Tout cela a un impact sur l’acceptation personnelle des traits naturels. Ici nous faisons allusion au défrisage ; plusieurs n’aiment pas s’afficher sans foulard sur la tête, et le défrisage continue de perdurer dans le temps alors qu’il est source de plusieurs problèmes de santé dont le cancer du col de l’utérus et la destruction du cuir chevelu.

Un choix capillaire libre et sans contraintes

La génération 1990 est celle qui ose le plus. De plus en plus des parents demandent la permission aux écoles pour que leurs enfants portent leurs cheveux naturels, et un nombre croissant de mères comprend que le défrisage est nocif pour la santé et enseigne cela aux jeunes filles. Sur la scène musicale, cette idée est prise à bras-le-corps par des artistes comme Zozo Machine du MPR qui en a fait son combat. « Un homme porteur de longs cheveux naturels n’est pas un délinquant », défendant ainsi surtout les jeunes artistes et sportifs souvent confondus avec des délinquants.

Depuis quelques années, on remarque un nombre croissant de personnalités publiques comme Didistone Nake ou Céline Banza réhabilitant des coiffures africaines tombées en désuétude en les arborant sur les tapis rouges.

On peut tout dire mais les cheveux crépus sont tout sauf moches et il serait temps de changer cette conception.

(Ré) écoutez en podcast La Libre Antenne du 6 août 2024 sur Eventsrdc FM Live avec The Coach NMS (rappeur)

Sujet : « Dreadlocks et discrimination capillaire, comment y faire face ? »

PLAMEDI MASAMBA