Un an après la mort tragique du pilier de la rumba congolaise, le festival ivoirien a organisé ce lundi soir une soirée émouvante et explosive en l’honneur de sa mémoire. La clameur s’entend de très loin. Et à mesure qu’on se rapproche de l’épicentre du séisme sonore, au cœur du quartier d’Anoumabo, le décor se précise. Plus de 2 000 spectateurs sont rassemblés sous les étoiles devant la scène gigantesque du festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) ce lundi 24 avril.
Volume à vous vriller les tympans, déluge d’effets lumineux, caméras partout, et même en l’air grâce à un drôle de drone survolant le public… Les grands moyens ont été mis pour cette soirée d’hommage à Papa Wemba, qui précède le lancement officiel de la dixième édition du Femua, jusqu’au 30 avril.
Ce ne sera pas une soirée triste.
Le leader de Magic System, A’Salfo, à l’origine de l’événement, avait prévenu : « Ce ne sera pas une soirée triste. » Promesse tenue. Le public populaire et familial du quartier s’est pressé en masse avec émotion, mais aussi avec la ferme intention de danser et de chanter en l’honneur de celui qui a enflammé les scènes africaines pendant près de 50 ans avant de succomber en plein concert sur la scène abidjanaise.
Hier, aujourd’hui, et demain, viva Wemba
Tandis que des gamins s’amusent assis dans le sable, des audacieux tentent de s’introduire dans le carré VIP, devant les enceintes grondantes du concert. Sans trop d’espoir : des forces de police sont présentes en nombre, épaulées par un service de sécurité « maison » du Femua.
L’après-midi, au même endroit, une cérémonie officielle avait eu lieu mêlant discours des officiels (les ministres de la Culture du Congo et de la Côte d’Ivoire), parade de Sapeurs et inauguration d’une « place Papa Wemba ». Le soir, les artistes ont pris la relève près d’une énorme affiche disposée à côté de la scène : « Hier, aujourd’hui, et demain. Viva Wemba. »
Vers 22 h, c’est d’abord Nash, rappeuse ivoirienne culottée et survoltée qui a assuré le show. En costume de scène blanc, et arborant sur son T-shirt le visage de « Papa », la chanteuse nouchi a plusieurs fois chanté les louanges de son parrain. « Tu as cru en moi, a lancé celle qui a participé au titre Sapologie. C’est grâce à toi qu’on connaît Nash aujourd’hui dans le monde entier. Tu restes un père pour moi. »
L’année dernière, Papa a chanté 20 minutes avant de succomber. Nous venons terminer son concert.
C’est ensuite Viva la musica, le groupe emblématique du Congolais, qui est venu faire vibrer le public, arborant les mêmes costumes qu’en 2016 et reprenant quelques-uns de ses titres les plus efficaces (Maria Valencia, Show me the way…). « L’année dernière, Papa a chanté 20 minutes avant de succomber, rappelait le député congolais Zacharie Bababaswe. Nous venons terminer son concert. »
« Nous craignions qu’il n’y ait pas d’après-Papa Wemba »
Pendant le show, des sapeurs ivoiriens commençaient à pénétrer le carré VIP. Haut de forme, chaussettes à pois, bottes hautes, mains gantées et vestes en cuir, malgré la chaleur (plus de 35 degrés), ils célébraient à leur manière le père de la Sape, s’épongeant parfois le front et la nuque avec des carrés de tissu, évidemment assortis aux costumes.
Sa voix ne sortait plus, nous pensions qu’il s’agissait d’un problème technique…
« Nous craignions qu’il n’y ait pas d’après-Papa Wemba, mais nous sommes rassurés, le show de Viva la musica est très bon, se réjouissaient deux d’entre eux, Ekoum Junior et Jack Mule Mule. Nous sommes aussi honorés que la première sortie officielle du groupe se fasse à Abidjan. » Les deux hommes se souviennent émus de la fin de l’artiste. « Sa voix ne sortait plus, nous pensions qu’il s’agissait d’un problème technique et avons été voir la régie. Mais Papa était déjà sorti de scène… Quelques minutes plus tard, il est tombé. »
Plutôt qu’une minute de silence, Viva la musica a demandé aux spectateurs de respecter une minute d’applaudissements pour l’artiste disparu. Le tonnerre qui a résonné sous le ciel d’Anoumabo, mêlant notables, dandys sapés comme jamais, invités congolais, simples amoureux de musique, est sans doute le plus bel hommage rendu à Papa Wemba « l’éternel ».
LEO PAJON