Piloté par Michel Nzau, l’orchestre Bantunani venait de sortir son huitième album intitulé « Musicalist ». En moins d’un trimestre, ce nouvel album connaît un franc succès en France et dans d’autres coins du monde. Vu l’originalité de leur musique et l’intérêt qu’elle suscite auprès de la communauté africaine à travers les couleurs de sa rumba, Bantunani s’est décidé de se produire à Kinshasa en septembre. Ce voyage sera la première sortie de cette formation musicale en Afrique. Elle est très métissée par sa musique qui a des sonorités afro groove et par les origines de ses divers musiciens.
Que signifie Bantunani ?
Je dirais tout simplement qu’il ne peut y avoir de musique sans forme de spiritualité et cet art lie le musicien à la matière et l’au delà. L’artiste doit s’interroger et doit interpeller. Bantunani a une triple signification :
-Bantu Nani ? Qui veut dire qui sont les bantous pour rappeler au monde l’histoire de la civilisation et du royaume bantou.
-Batu Nani ? Un sens philosophique. Qu’est-ce que l’humanité et qu’elle place joue l’homme dans ce monde ?
-Bantu Nani ? Un sens musical. Qui est ce groupe musical aux rythmes percussifs teinté de funk et de rumba ?
Comment définissez-vous le style de musique de Bantunani ?
J’évite cette question parce qu’au fond cette musique n’est sans doute que l’expression d’une force dynamique et incessante qui croise d’autres formes d’arts tels que la nu-rumba qui est une plateforme vers laquelle le groupe à converger les styles et nouvelles technologies pour offrir un groove toujours plus funky et dansant. Peu importe, le nom que le monde lui donne : Afropop, Afrofunk, nous voulons une musique qui ait du sens et qui ne fasse pas danser bêtement le public.
Quelle différence y-a-t-il entre ce disque et les précédents ?
L’album « Musicalist » est notre huitième opus. C’est un double album qui annonce donc un recommencement tel que le chiffre 8. La vie est un éternel retour alors autant anticipé. Il est l’affranchissement de toutes les influences que nous avions pu avoir auparavant, mais le plus marquant c’est la libération de la voix qui est chargée des différentes émotions qui traversent l’album tel que la colère face aux injustices et aux guerres, la peine profonde des amours perdus, de l’éloignement des êtres chers, mais aussi parfois, une joie débordante comme sur le titre « Mystic boogie ». La danse est une réponse à la mort.
Avez-vous déjà livré des concerts en Afrique ?
Pour le moment, le groupe n’a pas encore presté dans des pays africains. Mais, nous pensons qu’il est grand temps de le faire en exportant notre musique à travers l’Afrique.
Quel message véhiculez-vous dans la chanson « Maria Valencia » ?
Ce titre aurait pu être un bel hommage à l’artiste Papa Wemba et crée une réconciliation avec une génération de musiciens congolais. Mais elle est surtout une évolution de la nu-rumba des origines. Nous avons voulu voyager dans le temps et l’espace dans cet album et ce son illustre tout à fait cette rencontre improbable entre Kinshasa des années cinquante et le New York de Billie Holiday où nous retrouvons une voix feutrée sur un tapis des guitares mi-jazz et mi-rumba sur un fond de piano jazz. Ce titre évoque une rencontre amoureuse et tout ce qu’elle recèle d’attentes, de questionnements, d’appréhensions avant de sauter les grands pas et tout le monde aime cette chanson.
Qui composent votre groupe ?
Le groupe Bantunani est composé d’un chanteur (moi, Michel Nzau), d’un ingénieur de son, Umberto Luambo (sage garant d’une guitare sebene aux couleurs musicales rock et héritier de la voix de Luambo), Johnny Pululu (batteur aux milles grooves), Niwa Koshi (japonais devenu congolais et maîtrisant les rouages de la musique congolaise en y apportant une touche des années seventies et funky en même temps), Papy Boele (jeune guitariste aux rythmes joyeux et chaleureux), Jean Loup-Morette (magnitou de la console, ingénieur de son aux cents album. Il a été le cœur des studios Davout et il est l’ami du mix du son du groupe).
Combien de titres compte le nouvel opus de Bantunani ?
Ce nouvel album compte vingt-deux titres. C’est l’histoire de dix ans de quête de groove et d’une parfaite synthèse. C’est aussi une façon efficace d’éviter la répétition. Bref, c’est le renouvellement des équipes. Nous avons voulu avoir un son qui touche le public de la nuit et qui conserve la douceur du jour. Nous avons travaillé avec des ingénieurs des sons et des DJ qui ont une capacité de mettre un Beat moderne sur un groove live.
Big Mig (Miguel) nous a parfaitement compris sur le son « Passion Gone ». Musicalist est un bel album. C’est aussi le son et sa finition qui accordent une place importante au mastering. D’où, la collaboration des équipementiers et des meilleurs ingénieurs des sons tels que Bob Katz, Sefi Carmel, John Webber et bien sûr, la marque PSI Audio.
Quels sont les projets du groupe Bantunani pour les prochains mois de cette année 2018 ?
Fini la nostalgie. Mes projets sont multiples. Je compte sillonner la RD Congo d’Est en Ouest, du Nord au Sud afin de puiser certaines racines musicales et culinaires qui me manquent. Sans doute, tout cela sortira un nouvel album enregistré localement et appelé « Tango ekomi ».
YVES DIBOKO