Féministe convaincue, chantre des grandes causes humanitaires, la diva béninoise a reçu un troisième Grammy Award pour son album Sings.
N’était son incontestable talent, on en viendrait presque à croire qu’elle les a envoûtés, les Américains ! À 55 ans, la chanteuse béninoise Angélique Kidjo vient de remporter le troisième Grammy Award de sa carrière. Le deuxième datait de… l’année dernière, son album Eve dédié aux femmes d’Afrique ayant été distingué dans la catégorie World Music. Bis repetita cette année avec Sings, enregistré avec l’orchestre philharmonique du Luxembourg. Le 15 février, toute de wax vêtue, la native de Cotonou a jailli sur la scène du Staples Center de Los Angeles, et sa voix vibrante a électrisé l’atmosphère. Après avoir chanté ses remerciements, la diva a répété son habituel mantra, affirmant que la musique peut bâtir des ponts entre les êtres et éloigner le spectre de la violence. « L’Afrique se lève ! L’Afrique est positive ! L’Afrique est joyeuse ! » s’est-elle exclamée.
On pourrait la croire habituée aux honneurs, elle dément : « Je peux vous assurer que je ne suis pas blasée ! Le jury des Grammys est composé de musiciens, de producteurs et de professionnels de l’industrie musicale. Je suis très fière qu’ils s’intéressent à mon travail et à la musique africaine en général. » Cette récompense, elle la dédie aux nouvelles générations comme aux musiciens traditionnels d’Afrique : « Au Bénin, j’ai collaboré avec Dibi Dobo et Olga Vigouroux, le Gangbe Brass Band et le Trio Teriba. Je rêve de travailler avec Zeynab Habib, Kalamoulai, Sessimè… Diamant Noir a repris une de mes chansons. Au Nigeria, j’ai collaboré avec Omawumi, mais j’essaie aussi de suivre tous les jeunes artistes comme Wizkid, Davido, le Ghanéen Sarkodie et tant d’autres. »
La scène, « un petit bout de paradis sur terre »
Zouk, rumba, jazz, gospel, rythmes afro-caribéens, musiques latines, classique… Autant d’influences dans lesquelles Kidjo puise sans se perdre, curieuse, ouverte, enthousiaste. Mais c’est sur scène que sa joie de vivre s’exprime le mieux : qui, comme elle, se permet d’inviter les spectateurs à venir danser à ses côtés, au milieu des musiciens ? « La musique me donne de l’énergie, déclarait-elle à J.A. à l’occasion de la sortie d’Eve. Je ne suis pas sur scène en dilettante. C’est mon petit bout de paradis sur terre, ce qui me donne la capacité d’avancer tous les jours, malgré les problèmes, la bêtise de gens stupidement racistes. Ma sœur me dit toujours : « Toi, tu mets le feu. À tes concerts, les gens sortent avec la banane. » C’est exactement ce que je veux, que les gens aient la ba-na-ne ! »
Cette énergie de feu follet, Kidjo la met aussi au service de causes humanitaires qui lui tiennent à cœur, participant notamment à des concerts avec Youssou Ndour, Peter Gabriel, Annie Lennox, Hugh Masekela… Ambassadrice de bonne volonté de l’Unicef, elle soutient également l’ONG Oxfam et a créé sa propre fondation, Batonga, qui œuvre pour l’éducation secondaire des filles en Afrique. Féministe convaincue, elle considère que c’est là « l’investissement le plus rentable pour les nations africaines » parce que, « sans les femmes, l’Afrique s’écroulerait, car elles en sont la colonne vertébrale ».
Littéralement habitée par ces idées, qu’elle défend dès qu’elle a un micro entre les mains, Kidjo suit de près la politique béninoise mais se veut au-dessus des partis. « La responsabilité d’un artiste est de rester indépendant, dit-elle à quelques semaines de l’élection présidentielle. C’est ce qui rend son message social plus fort. Je suis tellement fière que le Bénin soit une vraie démocratie. C’est un bien si précieux qu’il faut chérir. »
NICOLAS MICHEL (JEUNEAFRIQUE.COM)