La filiale de Google cherche à regagner la confiance des annonceurs en relevant les critères d’accessibilité à la monétisation des vidéos. Mauvaise nouvelle pour les Youtubeurs : désormais, il ne suffit plus de faire plus de 10.000 vues sur une vidéo pour commencer à toucher des revenus publicitaires. Pour regagner la confiance des annonceurs, la filiale de Google a décidé de durcir ses règles d’accès au « Programme Partenaire Youtube »
A compter du 20 février, les chaînes devront compter au moins 1.000 abonnés et 4.000 heures de temps de visionnage sur l’année précédente pour pouvoir monétiser leurs vidéos sur la plateforme. Il s’agit d’une condition nécessaire mais pas suffisante. YouTube se réserve toujours le droit de supprimer la publicité aux chaînes qui enfreindraient son règlement.
YouTube refuse de dire combien de chaînes se verront fermer le robinet de pub. Mais selon le groupe, 99% des créateurs affectés gagnent aujourd’hui moins de 100 dollars par an. Cyprien ou Squeezie n’ont pas à s’inquiéter.
Au chevet des annonceurs
Deuxième changement d’importance : YouTube va simplifier considérablement la manière dont il permet aux annonceurs de sélectionner les types de contenus sur lesquels ils souhaitent voir leurs publicités apparaitre. La plateforme a divisé son inventaire en trois parties, en fonction du caractère plus ou moins sûr des vidéos. Les annonceurs réticents à accoler leur nom à tout propos fleuri ou toute image vaguement suggestive pourront d’un clic choisir l’option la plus prudente, quitte à diminuer la portée de leurs campagnes.
Pour couronner ce grand lifting, YouTube a également promis de passer au peigne fin son inventaire premium, Google Preferred. Facturé plus cher aux annonceurs, ce sous-ensemble regroupe les 5% de chaînes sur lesquelles l’engagement des utilisateurs est le plus fort. Le groupe s’est engagé à passer manuellement en revue les vidéos bénéficiant actuellement du label, ce qui devrait lui prendre jusqu’à fin mars pour la France. Et tous les nouveaux contenus « Preferred » seront à l’avenir avalisés par des humains.
2017, une année de boycotts des marques
Avec cette salve d’annonces,; Youtube cherche à mettre fin à une série de polémique, commencée en mars dernier lorsque des grandes marques générant des millions de dollars de publicité, comme AT & T, Verizon, Pepsi, McDonald’s, L’Oréal et Walmart, s’étaient retirées de la plateforme pour ne plus être associées à des vidéos incitant à la haine ou au terrorisme.
En réaction à ce problème qu’elle jugeait alors « très très restreint », la plateforme avait annoncé en avril une première mise à jour de sa politique d’utilisation des publicités. L’idée était d’intégrer davantage d’intelligence artificielle dans le système et de donner plus de contrôle aux annonceurs sur les emplacements où ils apparaissent. C’est également à ce moment-là que Youtube avait fixé le seuil de 10.000 vues pour un créateur avant de commencer à monétiser ses vidéos. Mais cela n’a pas suffi.
Quelques mois plus tard, rebelote. Mars, Adidas, Lidl, Cadbury, HP, ou encore Deutsche Bank ont à leur tour boycotté le portail vidéo. En cause : des contenus mettant en scène des enfants peu vêtus, et commentés par des prédateurs sexuels, étaient accessibles et associés à des publicités de grandes marques. De plus, des contenus scabreux ont été trouvés sur Youtube Kids, un portail sur lequel les parents laissent surfer leurs enfants en toute confiance.
La maison mère de Youtube s’était engagée à créer une « liste blanche » recensant les chaînes dont les contenus sont destinés à la famille et éligibles à la publicité des annonceurs. Des humains, et non pas des algorithmes, ont été chargées de cette sélection.
Un filtrage par des modérateurs humains
« On ne peut nier que 2017 a été une année difficile avec plusieurs problèmes ayant affecté notre communauté et nos partenaires publicitaires », concède Paul Muret, vice-président de Youtube, dans un message de blog posté mardi . Mais il assure que ces « défis » auxquels ils ont fait face les ont « aidés à entreprendre des changements difficiles, mais nécessaires, en 2018 ».
Ces changements seront-ils suffisants ? Youtube doit jongler d’un côté avec les exigences des annonceurs, qui essaient notamment d’atteindre un public jeune à travers leurs publicités, mais aussi avec les plaintes de nombreux créateurs, qui estiment que la plateforme devrait davantage leur permettre de monétiser leur travail.
La filiale de Google, qui tire la majorité de ses revenus de la publicité, assure que ces décisions visent à éloigner « les spammeurs, les imitateurs et les mauvais individus […] tout en continuant à récompenser ceux qui rendent (leur) plateforme géniale ».
Pour y parvenir, le groupe compte continuer les embauches en 2018, pour atteindre 10.000 personnes dédiées à la validation des contenus dans le courant de l’année. Cette armée de modérateurs ne manquera pas de travail : 400 heures de contenus sont postées chaque minute sur le portail.
LEÏLA MARCHAND et SEBASTIEN DUMOULIN (LESECHOS.FR)