Culture : Aristote Mago, un artiste féru du sac et de la diversité

Son talent et sa fougue lui ont permis de décrocher une place au sein du projet dénommé « Résilience » lancé par le laboratoire d’arts visuels Kin ArtStudio durant cette période de crise de covid-19 à travers le monde. Lui, c’est le jeune de la trentaine Aristote Mago.

Durant deux mois, il a silencieusement travaillé sur la diversité avec à la clef, une pièce intitulée « Jeunesse« . Là, il s’est interrogé sur la relation humaine existant entre l’homme et la femme hier, aujourd’hui et demain. L’artiste estime que dans le passé les deux êtres vivaient en parfaite harmonie. Mais, au fur et à mesure, que le monde se développe, les deux sexes s’éloignent et l’harmonie ou l’amour commence à perdre sa forme et une fissure s’installe. « Dans cette œuvre, j’ai essayé de les mettre dans un même univers pour voir comment est-ce que nous pouvons voir notre société dans l’avenir et comment nous pouvons aussi donner à la femme sa place. Pour que l’harmonie soit de retour dans le monde, la femme présente à l’homme une fleur« , a expliqué l’artiste.

« Jeunesse », l’œuvre d’Aristote Mago réalisée durant la résidence « Résilience ». Ph. Eventsrdc

 

Toujours optimiste, Mago espère qu’après cette résidence à KAS, ses oeuvres sensibiliseront et apporteront un plus dans la société rd-congolaise.

Il sied de signaler que « Résilience » est ce projet mis en place par Kin ArtStudio pour soutenir les artistes qui ont été frappés pendant cette période de covid-19 en République Démocratique du Congo et ailleurs. « Comme il y avait fermeture des frontières partout dans le monde et les artistes ne pouvaient pas bouger comme d’habitude. Kin ArtStudio et certains de ses partenaires avaient trouvé utile d’occuper les artistes dans leur studio ici à Kinshasa et j’étais parmi les artistes bénéficiaires de ce projet« , a témoigné Aristote.

 

Rappelons que l’objet de la démarche artistique de cet artiste visuel est avant tout le sac et le fil.

« S’il faudrait se poser des questions pourquoi le sac ? Je dirai qu’il y a de cela des années qu’on a assisté aux deux ans de pillage à l’époque de Mobutu. Ces pillages avaient bousculé le programme économique du pays et cela a influencé aussi ma famille. Ma grand-mère vendait des sacs au marché, je devais aussi aller au marché pour vendre ce même produit afin de soutenir la famille. Du coup, cela a imposé un système en moi, de l’auto-prise en charge. Raison pour laquelle quand j’ai fini mes études à l’Académie des Beaux-Arts, je devais mettre ce support en pratique pour me souvenir de mon passé et essayer de sensibiliser certaines personnes qui traversent la même situation« , a-t-il attesté.

Les artistes participant à la résidence « Résilience ». Ph. KAS

 

Lorsque tous les artistes en résidence auront fini de réaliser leurs œuvres, la direction artistique de Kin ArtStudio organisera une journée porte-ouverte, au cours de laquelle elle invitera la presse, ses partenaires et d’autres personnes afin qu’il y ait un échange avec les artistes sur les difficultés qu’ils ont vécu durant cette période de covid-19.

Après cette journée de visite, les oeuvres seront à KAS pour sensibiliser l’opinion. Quant à leur commercialisation, Aristote Mago pense que l’oeuvre d’art en soi-même n’a pas vraiment un prix exact. Il faudrait un moment de réflexion pour pouvoir mettre en équilibre le prix et le temps passé à la création.

 

Biographie

Né en 1988, en République Démocratique du Congo, précisément à Kinshasa, Aristote Mago est un produit pur de Kin ArtStudio. Très actif depuis son jeune âge, il brillait déjà dans ses cours de dessin à l’école primaire. En 2007, il décroche son Bac à l’Institut des Beaux-arts de Kinshasa en option sculpture.

Il s’inscrit ensuite à l’Académie des Beaux-arts tout en intégrant un collectif de jeunes artistes visuels dénommé « Néo Ngongisme » afin de trouver un espace d’échange et de partage entre amis évoluant dans la même discipline. C’est en 2014 qu’il a été sélectionné pour participer au Master Art 2, atelier d’échange et de professionnalisation autour de la pratique de l’art visuel contemporain organisé par KAS Project. Cette confrontation avec d’autres artistes lui a permis d’avoir une autre approche de son travail.

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Sculpteur de formation, Aristote Mago Betsaleel a trouvé une autre manière pour s’exprimer. Il reste toujours dans l’art mais utilise un support bien différent de celui qu’il a appris à utiliser. Partant des « choses-matériaux » banales, qu’il transforme, déforme, et dont il dénature parfois l’essence en les dépiécant d’abord, et les unissant à sa manière ensuite les unes aux autres, pour en faire des objets d’art, Mago y accorde du sens, de la valeur ajoutée, un pouvoir d’« expression », qui fait de ces éléments des objets d’art.

Le soin et la charge émotive qu’il y apporte sont perceptibles dans le moindre « pixel », comme il nomme les points qui constituent sa toile, en associant une technique de collage de fils synthétique ou coton sur la toile laminée. Le discours de Mago est simple, mais sa démarche est loin d’être simpliste.

CINARDO KIVUILA