Après une première édition réussie en octobre 2019, la plateforme Kin ArtStudio se met déjà au travail pour la réussite totale de l’édition 2021 de Congo Biennale prévue du 10 septembre au 24 octobre, au Kin ArtStudio même, dans des espaces publics et d’autres lieux de la ville de Kinshasa. Elle se tiendra sous le thème : « Le Souffle des Ancêtres ».
Confiée à Armelle Dakouo et Fahamu Pecou, deux curateurs indépendants, cette deuxième édition se déroulera durant 45 jours et accueillera plus de 40 artistes (designers, architectes, historiens de l’art, curateur et critiques d’Art) de tous les 5 continents. « Ils seront tous invités à proposer un projet qui sera réalisé et présenté dans le cadre de cet événement international dans la ville cosmopolite de Kinshasa », a avancé Vitshois Mwilambwe Bondo -initiateur de ce festival d’art.
De poursuivre : « Pour cette année 2021, la biennale s’imposera comme un évènement incontournable sur la scène artistique congolaise avec un grand impact à l’international. Car, toutes les stratégies de communication sont mises en place pour que les médias présentent ou représentent au public des artistes qui seront retenus par le commissariat du festival ».
« Le Souffle des Ancêtres » « The breath of the ancestors »
Ce thème ouvre un nouveau chapitre qui est celui d’une humanité qui tente de se relever face aux maux qu’elle a créés. Il parle d’un monde « d’après » qui se doit d’être à nouveau en harmonie avec ce qui l’entoure et qui l’appelle à une autre manière d’interagir avec notre environnement.
« Cette nouvelle relation à l’environnement, à la nature et aux êtres qui nous entourent nous renvoie à un autre rapport au monde que l’on retrouve en Afrique, en Asie ou encore en Amérique sous une autre forme parente, l’animisme. Le philosophe Gaston-Paul Effa, dans « Le Dieu perdu dans l’herbe » explique que l’animisme est une compréhension neuve de la nature (…) c’est le fait de reconnaître que le vivre n’est pas la propriété du seul humain, nous partageons un espace commun avec les autres êtres. Si pour lui, « l’animisme est un rapport amoureux au monde et aux choses », pour Birago Diop, c’est un sentiment d’humilité que devrait imposer notre condition d’homme face à la nature et au sacré. Dans son poème « Souffle», c’est l’âme des choses qu’il convoque : « Écoute plus souvent les Choses que les Êtres (…) C’est le Souffle des ancêtres » », nous a exposé les curateurs.
Le culte des ancêtres, la contemplation du ciel ou encore « la discipline du souffle », sont associés à une philosophie animiste encore largement inscrite dans une mémoire collective et pratiquée dans une grande partie des pays du continent.
Un mariage, un décès, un baptême ou tout autre évènement majeur dans la vie peuvent être soumis à l’approbation et à la protection des anciens. La mémoire des anciens s’imbrique dans une mémoire individuelle et transcende une mémoire
collective.
La singularité de l’histoire de la République Démocratique du Congo interpelle par l’importance des chocs historiques qu’elle a traversés depuis l’État indépendant du Congo sous Léopold II, puis du Congo Belge, en passant par le Zaïre sous Mobutu
jusqu’à notre époque. La richesse de ses sols, l’étendue de son territoire, l’incroyable diversité ethnique, ses spécificités culturelles mais également la violence subie dans son identité spirituelle, économique et politique confèrent à ce pays une dimension unique et un destin hors du commun à l’échelle du continent. Le pays a vécu de nombreuses périodes troubles de spoliations, de domination coloniale et de chaos politiques. Mais on constate néanmoins qu’il y a un réel sentiment d’identité nationale, d’appartenance à une histoire commune ancrée dans une même tradition ancestrale. L’incroyable effervescence artistique en témoigne par son attachement à un héritage culturel, intellectuel et historique.
Kinshasa en constitue le parfait exemple par l’étonnante énergie créatrice qu’elle concentre, ses artistes plasticiens, ses danseurs, ses musiciens et ses performers s’appropriant l’espace public dans l’une des plus grandes villes au monde. Le regard porté par ces artistes sur leur héritage nous invite en tant que spectateur, à mieux appréhender cette histoire particulière dans le contexte d’aujourd’hui. Alors, quelle est la part du souffle des ancêtres dans le génie créatif de cette bouillonnante scène artistique ?
L’empreinte du passé dessine la mouvance artistique et la création contemporaine kinoise, les racines plongées dans l’Histoire flirtent avec les us et coutumes et le quotidien de chacun. Les fondements des croyances en Afrique faisant l’équilibre dans l’ordre des choses car « les morts ne sont pas morts » disait Birago Diop. Mais l’art fait-il le lien entre les croyances, l’âme qu’on attribue à ces objets du passé, et ce monde d’après ce que les artistes nous aident à inventer ? Les artistes contemporains en sont le miroir, reflétant ce « souffle des ancêtres » par l’appropriation qu’ils ont d’une pratique et d’une fétichisation d’objets retransmis dans leur création. Réhabilitant des vérités, ils permettent ainsi une continuité de l’Histoire.
De même, les enfants de la diaspora africaine continuent de trouver leur chemin du retour. Le souffle très ancestral anime tout autant le Congo que les poumons de l’Afrique. Malgré le violent démembrement du contexte culturel et spirituel, le
pouvoir des ancêtres ne peut être effacé. La résilience constante de ce peuple a mené les artistes et les universitaires à écouter «les choses plus souvent que les êtres», inspiration que l’on retrouve dans le travail des artistes africains de la diaspora. Le contact avec l’esthétique, les matériaux, les idées et autres influences occidentales se fondent avec les valeurs et ambitions traditionnelles pour forger un nouveau langage et construire des ponts qui ramènent à sa source. De nouvelles feuilles poussent sur des arbres profondément enracinés. Nous nous asseyons à leurs pieds et nous respirons profondément.
Cette invitation célèbrera par sa thématique, les liens entre l’Afrique, ses diasporas et ses afro-descendants, nos racines communes et la diversité des expressions culturelles et artistiques. C’est aussi une remarquable occasion de développer des échanges artistiques entre les Amériques, le Congo, et les pays du continent africain.
Cette année, la Biennale veut engager les artistes, performers, designers, architectes et participants à travailler sur l’espace public, à repenser l’espace social, commun et partagé.
En dialogue avec son histoire et sa réalité urbaine, les artistes et la population impliqués seront invités à se focaliser sur une partie de la ville de Kinshasa. Ce sera un moyen de soutenir les pratiques artistiques engagées dans un contexte local et international avec des projets innovants dans l’espace social.
DANNY KABANGA