Après des années passées dans des groupes de rap à Matadi et à Kinshasa, la rappeuse engagée Grace-Marielle Lubanza Kamina, connue sous le pseudo de Kamin’ce, vient d’entamer sa carrière solo au sein de l’empire Kinshasound dont le QG est situé dans la commune de Bandalungwa. Pleine des talents, cette jeune artiste urbaine se distingue depuis mi-novembre 2017 avec le single « Terre mère » à travers lequel sont évoqués les problèmes qui gangrènent l’Afrique au quotidien. Coïncidence, ce morceau a été largué au moment où ses semblables africains sont vendus aux enchères en Libye. Pour l’artiste, son œuvre interpelle tant les dirigeants que les peuples africains pour qu’enfin le continent noir puisse vivre ses plus beaux jours. Profitant de l’entretien avec Eventsrdc.com, Grâce-Marielle invite les rappeurs rd-congolais à revenir à la mission première du hip-hop: réveiller les consciences. Lisez.
Il y a presqu’un mois, vous avez largué « Terre mère ». Quel message véhiculez-vous à travers cette œuvre ?
« Terre mère » dénonce les problèmes majeurs qui touchent notre continent, l’Afrique. Son message principal est l’appel à la prise de conscience du peuple africain pour le maintien de la paix, qui est la seule voie devant nous amener au développement, et pour unir nos forces.
Indignés, plusieurs artistes ont donné de la voix suite à la traite négrière qui se pratique en Libye en plein 2017. Quelle est votre perception de cette situation ?
Chaque être humain a le désir de découvrir d’autres cieux. Seulement, nous, noirs d’Afrique, pensons trouver le paradis au-delà de nos frontières. Chose qui n’est pas vraie. J’affirme que si les conditions en Afrique noire étaient meilleures, nos frères et sœurs iraient en Europe pour faire du tourisme et non pour y résider en quête d’une vie meilleure.
Un message aux autorités africaines et européennes qui, nuit et jour, multiplient des discours et des réunions pour cette jeunesse africaine en quête du bonheur.
Je demande aux autorités africaines de respecter les dispositions de nos différentes lois et qu’elles priorisent les actes d’intérêt général afin de permettre aux jeunes africains de réussir dans leur propre continent. A ce que je sache, il existe des politiques de gestion de la jeunesse sur papier dont l’application laisse à désirer.
A nos frères dirigeants de l’Europe, je sais qu’en droit international, il n’y a pas d’Etat ami, il n’y a que des intérêts. Pensez au moins à investir en Afrique où vous trouverez du potentiel humain (la jeunesse) et des matières premières. En investissant en Afrique dans la légalité et le respect des textes internationaux en vigueur, nous serons tous gagnants et les jeunes verront leur avenir assuré. Je ne pense pas que si un jeune africain touchait 1.000$ et bénéficiait des autres avantages socio-professionnels, il envierait la vie d’immigré en Europe.
Depuis le début de votre carrière, combien de chansons avez-vous déjà largué sur le marché ?
Parler du marché, c’est évoquer le rendez-vous de vente et d’achat. Chose difficile dans ce pays surtout pour style de musique que nous avons choisi. Mais, sur certaines plateformes de téléchargement, vous trouverez les chansons de Waram Girls comme Leo Leo, La Patrona. Sur YouTube, vous trouverez les prestations de mon ancien groupe. J’ai écrit beaucoup de chansons, mais « Terre Mère » est ma première en solo. Elle est déjà disponible dans quelques plateformes digitales de téléchargement.
À quand la sortie de votre 1er album ?
Sortir un album implique pas mal des conditions. Je me réserve encore ce droit. Toutefois, je vous mettrai au courant dès que je serai prête.
Qui est votre producteur ?
Rires. Je travaille avec Mr DDT de Kinshasound. Il a produit l’enregistrement de « Terre Mère ». Selon mon entendement, un producteur fait plus que cela. A vrai dire, je n’ai pas un producteur. Je n’ai que des collaborateurs.
Vous êtes rappeuse. Selon une certaine opinion, les femmes évoluant dans ce genre musical en Rd-Congo n’émergent pas et gagnent leurs vies autrement. Que comptez-vous faire pour ne pas disparaître comme les autres rappeuses ?
Je suis auteur-compositeur, rappeuse et chanteuse. Bref, je suis artiste. Rien n’est facile en Rd-Congo pour beaucoup d’artistes. Pour ne pas disparaitre, je continuerai à mener ma lutte sans rechercher la popularité, ni le vedettariat. J’ai des messages importants à faire entendre pour vu qu’un poignet d’africains m’écoute et embrasse ma lutte. En ce moment-là, je serai satisfaite.
Quelle lecture faites-vous du hip-hop en #RDC ?
Ma lecture est triste dans plusieurs aspects. Même le hip hop americain au début revendiquait des droits, dénonçait les abus jusqu’à arriver où il est. Mais au début, c’était une musique qui réveillait les masses. En Rd-Congo, les artistes hip-hop s’embrouillent ou rêvent. Voilà pourquoi nous sommes parfois appelés des rêveurs.
Être artiste hip-hop n’est pas une apparence, mais une attitude, une vision et une tenue. Dans notre pays, le hip hop devrait avoir un contenu qui boosterait les choses dans le sens de lutte pour des bonnes causes, sans suivre l’allure des autres courants musicaux dont nous connaissons le contenu. Voilà pourquoi c’est triste. Déjà, nous ne vendons pas cette musique. Nous ne vivons même pas de cela. Autant l’utiliser pour des causes nobles que sentimentalistes.
Votre parcours musical en quelques phrases ?
Je suis dans la musique urbaine depuis 2004 quand j’ai fondé le groupe Free Girls à Matadi, au Kongo Central. Puis, je suis devenue membre actif dans le label United Fire toujours à Matadi. En 2011, j’ai rejoint le groupe Waram Music du label Ultimatum Republic à Kinsahasa. Entre 2014 et 2016, j’ai participé au festival aiRDiCi avec Waram Girls. Toujours en 2016, j’ai été membre du collectif féminin, Femel, mis en place par Lexxus. En début 2017, je me suis lancée en solo dans une collaboration avec Kinshasound.
CINARDO KIVUILA