Le burkini sera-t-il finalement autorisé sur les plages françaises ? Le Conseil d’Etat doit rendre son ordonnance ce vendredi 26 août concernant un arrêté municipal pris par la mairie de Villeneuve Loubet, ville de la côte d’Azur, interdisant le port de ce maillot de bain islamique. Jeudi, l’audience a donné lieu à un intense débat entre les avocats des associations (Ligue des droits de l’homme et Collectif contre l’islamophobie) réclamant la suspension de cet arrêté et celui de la commune de Villeneuve-Loubet.
Il a été beaucoup question de troubles à l’ordre public durant cette audience. L’argument de la laïcité est rapidement mis sur le côté. C’est bien la peur d’incidents sur les plages qui a motivé cet arrêté anti-burkini, explique François Pinatel, l’avocat de la mairie de Villeneuve-Loubet. « Si on attend qu’il y ait des coups et blessures volontaires pour prendre les mesures de police administratives, c’est trop tard, affirme-t-il. Il y avait un climat, un climat de très vive tension, qui faisait peur, et qui a conduit à l’adoption d’un arrêté. Cet arrêté, il a évité jusqu’ici le moindre trouble à l’ordre public. C’est-à-dire qu’il a rempli sa finalité et son objectif. »
Une efficacité de cet arrêté qui n’a pas été démontrée, assure de son côté Patrice Spinosi, l’avocat de la Ligue des droits de l’homme. « Il n’y a pas eu d’émeutes sur les plages de Villeneuve-Loubet comme sur d’autres plages, note-t-il. En réalité, on a plutôt l’impression que c’est le contraire. C’est-à-dire que ce sont les interdictions qui créent le trouble à l’ordre public ainsi qu’on a pu le voir ces derniers jours. Et nous espérons que le Conseil d’Etat se rangera à cette opinion et considèrera qu’il y a bien une atteinte disproportionnée au regard du risque à l’ordre public. »
Pour la ligue des droits de l’homme, ces arrêtés municipaux représentent une atteinte aux libertés fondamentales. Elle espère donc une suspension de celui pris à Villeneuve-Loubet. Ce qui ferait probablement tomber tous les autres arrêtés anti-burkinis.
■ Des arrêtés qui divisent les socialistes
La position très ferme de Manuel Valls, qui défend les arrêtés pris par certains maires pour interdire le burkini sur les plages, ne fait pas l’unanimité, même au sein du gouvernement.
Najat Vallaud-Belkacem a été la première à mettre en garde contre la « prolifération » des arrêtés municipaux anti-burkini. Marisol Touraine a ensuite manifesté sa crainte de voir cette polémique ouvrir la porte « à toutes les stigmatisations ». Deux ministres qui ont donc pris le contre-pied de Manuel Valls, l’obligeant à se justifier.
Le Premier ministre soutient les maires qui veulent interdire le burkini. Mais cette fermeté ne plaît pas à tous les socialistes. Même parmi ces proches, certains comme le député Philippe Doucet, s’interrogent. « Je ne pense pas que la république et la laïcité soient gagnantes d’une mamie qui ne peut pas se poser sur une plage ou une femme d’être en legging sur une plage, sachant que des femmes en legging il y en a dans toutes les rues », souligne-t-il.
Le maire de Lyon Gérard Collomb appelle lui aussi à plus de modération : « ce qu’il faut faire, c’est rassembler. »
Du coup, Jean-Marie Le Guen essaie de minimiser les divergences avec la ministre de l’Education nationale. « Elle a raison d’appeler à la vigilance et en même temps il faut surtout aussi appeler à la vigilance par rapport à des manifestations politiques d’un islam séparatiste », affirme-t-il.
François Hollande n’a pas tranché. Le chef de l’Etat a fait allusion au burkini en évoquant le respect des règles communes « sans provocation, ni stigmatisation ». Pas de quoi éteindre la polémique.
RFI