Que reste-t-il de l’ouverture au monde et du langage progressif dans la musique rd-congolaise ? Alors que la rumba et certains genres urbains ont toujours la cote, la musique de fusion est accueillie comme un chien dans un jeu de quilles par des mélomanes exigeants mais culturellement limités.
En République Démocratique du Congo, beaucoup écoutent la musique sans développer une véritable oreille musicale. Alors que le vent dynamisant du progrès est indispensable, la plupart des artistes musiciens rd-congolais n’en tirent aucune leçon. Jouer d’autres styles que les genres populaires locaux est encore perçu par beaucoup comme une hérésie.

Pourtant, la musique rd-congolaise, notamment la rumba, aussi belle soit-elle, repose souvent sur trois ou quatre accords. On parle donc peu de véritable évolution. Abeti Masikini fut l’une des rares artistes de son époque à comprendre que la musique ne pouvait rester figée. Le groupe Bobongo Stars, lui aussi, a favorisé une ouverture au monde en donnant une place importante à la fusion musicale.
Cependant, le très exigeant public rd-congolais d’hier comme d’aujourd’hui n’a jamais réellement compris, ni accepté, le traitement cérébral que ces musiciens donnent à leur art.

S’ouvrir et se cultiver
Tout comme la sape, la musique, son alliée inséparable, est une véritable religion en République Démocratique du Congo. Amateurs et professionnels jugent à leur manière la progression — ou la stagnation — d’une musique légendaire et résiliente.
Il ne suffit pas d’être « citoyen du monde » pour comprendre la puissance d’une musique. Entre inculture et introversion, le mélomane rd-congolais passe souvent à côté de l’essentiel dans son jugement vis-à-vis des musiques nouvelles.

Il est incompréhensible, par exemple, que des groupes comme Jupiter & Okwess — seul groupe rd-congolais à avoir joué au Festival Coachella —, Staff Benda Bilili, Kingongolo Kiniata, ou encore Konono N°1 — le seul groupe rd-congolais nommé aux Grammy Awards — passent quasiment inaperçus auprès du public rd-congolais. Pourtant, ces musiciens, pionniers de la musique évolutive futuriste, jouissent d’une forte reconnaissance à l’international.
Le public rd-congolais doit apprendre à se cultiver, à s’ouvrir au monde et à accompagner l’audace créative de ses artistes. C’est à ce prix que la musique rd-congolaise pourra espérer une réelle marge de progression.
CHADRACK MPERENG