Ferrari Manzila passe au peigne fin le sponsoring en Rd-Congo

De plus en plus, en Rd-Congo, les entreprises qui acceptent de sponsoriser les artistes et organisateurs des événements  sont rares.  Ce  constat est d’autant plus amer qu’Eventsrdc.com s’est proposé de faire une autopsie de la situation en allant à la rencontre des acteurs de ce secteur. La tribune a cette fois été accordée à Ferrari Manzila,  entrepreneur en communication et manager de Bilily Awards (récompense des meilleurs réalisateurs du marché  en  Rd-Congo).  Au cours de notre entretien, Manzila a passé au peigne fin le marché du sponsoring qui, de son avis, est encore  atypique sinon  au ghetto. « À l’exception des événements propres, très peu d’entreprises  participent efficacement sur un événement indépendant à moins d’un miracle digne de la résurrection de Lazare », a analysé  avec regret Manzila. Entretien.

Comment concevez-vous le sponsoring ?

Simplement, c’est l’appui ou la contribution d’une personne morale sur un projet en vue d’un certain retour sur investissement.

 

Quelle analyse faites-vous de la situation du sponsoring des événements et des artistes en Rd-Congo?

Le sponsoring des événements en Rd-Congo est atypique voire au ghetto. Il est fait par une minorité d’entreprises. Certaines de leurs interventions ne sont pas significatives, car elles ne viennent que si l’événement n’a pas fait ses preuves.

 

Or, l’un des buts du sponsoring est de lancer des événements qui sont en concordance avec les valeurs et la communication de l’entreprise sponsor.  À l’exception des événements propres,  très peu d’entreprises  participent efficacement sur un événement indépendant  à moins d’un miracle digne de la résurrection de Lazare.

 

Plusieurs grands noms de la musique rd-congolaise tels que Werrason, JB Mpiana, Félix Wazekwa, Ferré Gola et Bill Clinton Kalonji évoluent depuis quelques temps sans sponsor. Cela ne constitue-t-il pas un manque à gagner tant pour eux que pour les entreprises ?

Les entreprises peuvent vivre sans des grandes stars. Le sponsoring des artistes n’est qu’un canal parmi  tant d’autres que comptent  les  entreprises. Et ce n’est pas le canal le  plus efficace. C’est plutôt  les artistes qui sont perdants. Le sponsoring est une source sûre des revenus puisque les artistes rd-congolais ne bénéficient pas des revenus issus des droits liés à leurs œuvres.

 

Pensez-vous qu’être ouvert à tout sponsoring comme Fally Ipupa est une assurance pour la vie d’un artiste ?

Déjà, la seule assurance à vie pour un artiste devrait être les revenus générés par son travail artistique. Les droits d’auteurs donc. Ils sont indéniables. Après, cela dépend de la valeur de l’artiste. Quand on est bien côté sur le marché et si le management de l’artiste le prouvait ou évaluait la valeur de l’artiste, vaut mieux rester ouvert à plusieurs sponsors que d’être coincé par un sponsoring exclusif qui, quelque part, bloque l’artiste. C’est difficile de trouver ce genre d’artistes sur le marché rd-congolais.

 

Sur base de quels critères  une entreprise publique ou commerciale peut sponsoriser un artiste ou un événement ?

La formule est universelle sur base de ses objectifs de communication et/ou de ses targets commerciaux ou de son créneau d’affaires. Une entreprise qui partage la valeur du professionnalisme peut sponsoriser un événement comme Bilily Awards qui encourage les professionnels de la vidéo. Car, c’est dans la logique de ses objectifs de communication (communiquer sur nos valeurs).

 

Une entreprise qui vise de générer des revenus par utilisation de sms (targets commerciaux) peut y être aussi. Car, le vote du meilleur implique des sms. Une entreprise qui produit des écrans doit être sur l’événement qui valorise la vidéo, laquelle est regardée par les écrans.  En Rd-Congo, cette formule est peu appliquée. Les entreprises sponsorisent plus pour  la visibilité de leurs marques plutôt que pour des objectifs bien cadrés. C’est pourquoi très peu d’entre elles investissent vraiment dans la durée.

 

Que reprochez-vous aux responsables du département de communication et marketing ou  événementiel des entreprises commerciales basées en Rd-Congo ?

Rires! Comment les reprocher  de  quoi que ce soit? Ces entreprises commerciales font  le travail de l’État qui a aussi pour mission d’encourager la diversité culturelle par les événements. Ces responsables d’entreprises ne peuvent faire mieux. La loi de l’offre et de la demande est universelle. Lorsque vous recevez autour de 200 demandes de sponsoring le mois, vous êtes comme l’unique femme parmi 100 hommes. Vous jouez à Eva Mendez même si vous êtes belle niveau 3/10.

 

Ainsi, nous avons beau dire que les responsables MarCom et Event ne donnent  rien, mais nous revenons toujours vers eux. Au lieu de se disperser en plusieurs petits sponsorings, il serait efficace de se focaliser  sur  deux ou trois événements qui correspondent à l’entreprise afin de construire dans la durée. C’est efficace. Mais, le marché rd-congolais vit encore la ghettoïsation du sponsoring.

 

Comment faites-vous pour avoir au tant des sponsors à Bilily Awards ?

Croyez-moi, nous n’en avons pas encore assez. La création originale de Bilily Awards a fait qu’après avoir débuté sans sponsors, nous pouvons en avoir maintenant et espérer plus. Plus, l’événement est unique, originale ou carrément le seul dans son créneau, plus vous avez des chances d’avoir des sponsors. Ce, en dépit de la ghettoïsation du sponsoring qui nous impose de commencer seul, nonobstant notre originalité dans ce créneau.

 

Un conseil aux artistes talentueux non sponsorisés ? 

Le mot d’ordre reste le même:  «Giving up is not an option». En français, «n’abandonnez  jamais, si vous avez du talent artistique ou votre concept event/ culturel qui a du potentiel». A cela,  rassurez-vous d’être un(e) passionné(e) au même titre que Jésus-Christ. Sinon, quittez l’autoroute du sponsoring, car, vous risquez la crucifixion avec votre concept original ou votre talent.

CINARDO KIVUILA