Au siège de la Délégation de l’Union européenne en République Démocratique du Congo, l’Ambassadeur européen, Bart Ouvry, ensemble avec la présidente de l’EUNIC-RDC, Gitte Zschoch, ont, en exclusivité, répondu aux questions d’Eventsrdc.com au sujet de la 5ème édition de la « Festival du film européen », programmé pour le mois de mai prochain. Entretien!
La culture européenne est vaste. Pourquoi l’Union européenne a opté d’initier un projet qui vulgarise son cinéma en Rd-Congo ? Bart Ouvry : Je crois que nous ne parlerons pas uniquement de la culture européenne. La culture est universelle. Notre but est de faire parler dans le sens le plus large possible, ce thème, les européens et les rd-congolais. Les africains aussi. Finalement, le cinéma est un medium. C’est une manière de parler des sentiments, de vie sociale, de politique et d’énormément de choses. Medium de notre époque, le cinéma est un moyen pour mieux communiquer. Souvent, nous pensons mieux connaître l’autre. Nous pensons mieux connaître l’Afrique. Inversement, je crois que beaucoup d’africains ont des idées très marquées sur ce que c’est l’Europe. Finalement, nous nous connaissons très mal. La culture est une manière de se rencontrer et de mieux se connaître et surtout de communiquer sur ce que nous sommes. Je rêve d’aider les acteurs de la culture pour aller en Europe. Nous voyons des musiciens rd-congolais aller en Europe. De cet échange vont croître de belles choses et de coopérations. C’est ça notre but. Depuis quelle année cette initiative existe-t-elle ? Bart Ouvry : Il y a une longue tradition de festival du cinéma. Aujourd’hui, nous avons EUNIC, qui est un réseau d’institutions et de centres culturels européens actifs en Rd-Congo avec un effort financier relativement modeste de l’Union Européenne. Nous essayons de trouver des moyens de coopérer pour que ces institutions puissent mettre leurs procédés ensemble et arrivent à porter quelque part un message culturel européen ici au Congo et de faire des échanges. Le but n’est pas uniquement de venir ici avec notre culture européenne. C’est avant tout d’avoir des échanges. 5 ans déjà depuis que la « Semaine du film européen » est organisé en Rd-Congo. Quel bilan en faites-vous? Bart Ouvry : Pour moi, c’est la deuxième année que j’organise ce festival ici en Rd-Congo. L’engouement des rd-congolais pour ce festival est une des choses qui m’a frappé. Dans plusieurs pays où je suis passé, ce festival réunissait pour la plupart des européens et relativement peu de nationaux. Ce qui m’a marqué au premier festival auquel j’ai assisté l’année dernière, c’était l’intérêt que porte les Rd-congolais à cet événement. Je crois que c’est une force des institutions culturelles basées ici à Kinshasa et en provinces du fait qu’elles attirent les jeunes qui s’intéressent à la culture congolaise et européenne. Un public vivant qui réagit même pendant les diffusions des films. Ces jeunes sont très explicitent. Ils émettent leurs opinions par rapport à ce qu’ils voient dans des films. Cet engagement de congolais me pousse à aller de l’avant pour la prochaine édition et de mettre plus de moyens. Gitte Zschoch : L’idée n’est pas seulement de montrer aux congolais ce qu’est la culture européenne, mais aussi de faire impliquer le public congolais, surtout les artistes congolais à travailler avec nous. C’est pour cela nous avons invité les cinéastes congolais à nous fournir leurs courts-métrages pour cette édition de la Semaine du film européen. Cette manière de travailler nous permettra de mieux échanger et d’avancer. A quand la prochaine édition de la « Semaine du film européen » ? Gitte Zschoch : Cette 5ème édition se tiendra autour du 9 mai qui est la journée de l’Europe. Avec l’immensité du territoire de la Rd-Congo. Ce festival va-t-il couvrir l’ensemble du pays ? Gitte Zschoch : Au cours de trois dernières éditions, nous avions fournis un effort d’être présente dans plusieurs villes de la RDC telles que Matadi, Goma, Lubumbashi, Bukavu, Kananga, Mbuji-Mayi, Kisangani et dans d’autres villes et territoires où les centres culturels congolais sont basés. Pour cette année, nous n’avons pas encore validés la programmation. Nous allons définitivement faire la même chose. Nous pensons envoyer les cinéastes congolais et européens à aller dans les provinces pour présenter leurs films et échanger avec le public et leurs collègues. Cette année, il y aura également un volet formation avec des Master Class avec les jeunes cinéastes et tous les techniciens qui travaillent dans ce circuit cinématographique congolais. Quelle célébrité du cinéma européen est au programme de cette 5ème édition ? Gitte Zschoch : Jusque-là, aucune de célébrités européennes ne nous a confirmé sa participation. Nous pensons faire de Machérie Ekwa Bahango avec son film « Maki’La », diffusé à la Berlinale, notre invité d’honneur. Car, c’est le premier film congolais qui a été retenu et présenté dans ce grand festival mondial du cinéma. Nous pensons aussi mettre en avant le film « Congo Tribunal », tourné à Bukavu avec le producteur Miloran de nationalité Suisse et son label Imon. Comme le festival aura lieu en mai prochain, d’ici fin mars ou mi avril, nous vous confirmerons le nom de la célébrité qui sera en l’honneur à cette édition de la Semaine du film européen en RDC. Le cinéma rd-congolais manque de financement pour vivre son éclosion. La délégation de l’Union européenne prévoit-elle une ligne budgétaire pour l’appuyer ? Bart Ouvry : En organisant le festival, notre rôle est de sensibiliser et de créer un public. C’est-à-dire de montrer au monde que le cinéma européen et congolais a leur public. C’est que vous évoquez est une autre demande. Je crois que ce n’est pas une institution internationale telle que l’Union européenne qui doit rentrer dans la production des films. Nous pouvons faire simplement la promotion. La production des films est un métier qui nécessite l’implication des hommes d’affaires, des institutions congolaises et autres.
Pourriez-vous mettre en place un lobbying pour que les grandes maisons de production d’Europe viennent investir dans ce secteur en RDC ? Bart Ouvry : Il est très clair qu’il y a beaucoup d’Etats européens qui sont dans cette logique. Il y a des maisons de production françaises, allemandes, belges et britanniques qui font des co-productions où les uns ramènent des capitaux et les autres des projets ou des jeunes cinéastes africains. Là, il y a énormément des possibilités. Quel message apportez-vous au travers de la 5ème édition de la « Semaine du film européen » ? Bart Ouvry : Il est très tôt pour que j’annonce ce message. Au moment opportun, je le ferai par rapport à la programmation que l’équipe de l’EUNIC me présentera. La Délégation veut qu’il y ait encore des échanges comme lors des projections des films. Il y a un vrai engouement en Europe pour des films africains, congolais en particulier. Il y a une vraie curiosité pour ce pays que les européens ne connaissent pas très bien. Réciproquement, je pense qu’il y a un intérêt du public africain et congolais pour les films européens projetés en Afrique. Je dirai en ces termes : « Bien se connaître est une manière de se respecter. Le respect mutuel est finalement notre but ».
Lors de cette « Semaine du film européen », est-ce seulement les œuvres produites par des pays membres de l’Union Européenne qui seront au menu ou celles de toute l’Europe ? Bart Ouvry : A ce jour, il est difficile de voir un film produit simplement par des personnes issues d’une seule nationalité. Nous assistons à des équipes multinationales où le metteur en scène est de la nationalité X, le producteur Y … C’est une industrie qui, par nature, est multilingue et très ouverte. Comment arrivez-vous à sélectionner des films pour avoir une programmation équilibrée ? Gitte Zschoch : A notre niveau, nous contactons des ambassadeurs qui demandent aux Attachés culturels de nous proposer des films pour lesquels ils peuvent acquérir des droits. Après, l’EUNIC RDC élabore la programmation finale. C’est compliqué pour les pays européens qui n’ont pas d’ambassades en RDC. Durant votre mandat ici en Rd-Congo, que prévoyez-vous en termes des coopérations culturelles entre Kinshasa et Bruxelles ? Bart Ouvry : Pour moi, le contrat EUNIC est l’essentiel. L’Union Européenne en tant que telle est une grande institution qui se repose sur des grands acteurs qui connaissent le paysage culturel congolais. Je cite le Centre Wallonie-Bruxelles, l’Institut Français, le Goethe Institut, Camoes-Portugal, l’ambassade d’Espagne et d’Italie. Ces structures ont une présente remarquable à Kinshasa et en provinces. A travers notre contrat, nous appuyons ces acteurs de la culture à aller au-delà de leurs couvertures actuelles pour apporter le festival de cinéma dans plusieurs villes comme cela n’était pas le cas dans le passé. Quels objectifs sont poursuivis par EUNIC ? Gitte Zschoch : Nos objectifs sont d’une part de contribuer à la professionnalisation des acteurs culturels locaux par le renforcement de capacités ainsi que par le soutien à la mobilité, à la circulation et à la diffusion sur la base des dialogues et des échanges interculturels. De l’autre, c’est d’accorder une attention particulière à la jeunesse et de promouvoir une vision pluraliste, actuelle et accessible au plus grand nombre de la culture.
Depuis quand existe EUNIC ? Gitte Zschoch : EUNIC existe au niveau mondial depuis plusieurs années. En RDC, nous avions signé notre charte en 2016. Très vite, l’Union Européenne avait montré son intérêt de nouer un partenariat avec nous pour mieux réaliser certains de ces projets. Nous organisons des ateliers avec les journalistes et des événements culturels. Jusque-là, quelles sont vos réalisations ? Gitte Zschoch : Nous organisons annuellement le Prix littéraire européen pour la RDC appelé « Makomi », la Fête du livre de Kinshasa, la Semaine du film européen et l’exposition photo sur l’égalité des genres. Nous organisons fréquemment des ateliers sur la photographie où nous primons 12 lauréats.
Quelles sont vos perspectives ? Gitte Zschoch : EUNIC RDC accompagne le Centre Wallonie-Bruxelles et l’Institut National des Arts qui, depuis des années, militent pour l’inscription de la rumba rd-congolaise comme patrimoine mondial de l’UNESCO. Bart Ouvry : Si nous voulons que la reconnaissance de la rumba congolaise par l’UNESCO comme patrimoine mondial soit effective, nous devons multiplier des rencontres et des productions musicales pour approfondir les connaissances et aller de l’avant. Il ne faut pas les soutenir une fois. Il faut le faire dans la durée. La même chose pour la photographie et le cinéma. L’idée d’avoir des rendez-vous annuels est une manière de construire des capacités et plus d’intérêts parmi les acteurs pour fouiner la connaissance et les aptitudes pour faire vivre une telle culture. Le cinéma est quelque chose qui s’apprend aussi. C’est-à-dire comprendre un film, les déchiffrer… Il ne s’apprend pas à un festival. CINARDO KIVUILA