La jeune femme de 27 ans, originaire de la RDC, est arrivée deuxième lors du concours Afropreneur Awards qui s’est déroulé, le 24 mars dernier, à Bruxelles. Le jury de haut niveau du concours a été séduit par son projet « Pimp My Hair » qui consiste en la création d’un institut de formation, spécialisé dans les cheveux crépus, frisés et bouclés.
Même si ce n’est pas son premier métier, Hélène Salumu Lenge est une passionnée de coiffure, une styliste du cheveu crépu, frisé et bouclé, une virtuose en devenir des soins capillaires si elle ne l’est pas déjà. La jeune femme à l’allure de mannequin, business analyst dans une entreprise en Belgique, est en phase avec les tendances émergentes liées à la coiffure afro. Elle les capte et les traduit sur ses clientes dont elle sublime la chevelure avec des coiffures originales qu’elle partage en photos sur ses comptes Instagram et Facebook « Sista’s Beauty, Simplement Nous ».
C’est depuis toute petite qu’Hélène Salumu a pris goût à la coiffure dont elle a commencé la pratique, sans avoir suivi un cursus. « J’accompagnais ma grande sœur, Virginie, lorsqu’elle allait coiffer. C’est elle qui m’a tout appris. Je terminais les bouts de ses clientes. Par la suite, j’ai commencé à coiffer mes petites sœurs et mes amies », explique la jeune femme, détentrice d’un diplôme en gestion d’entreprise, option finance et entrepreneuriat, de l’Institut catholique des hautes études commerciales à Bruxelles et qui suit aussi actuellement une formation en soins capillaires au centre Isa Make up à Uccle.
C’est donc aux côtés de sa sœur qu’Hélène Salumu aiguise sa science de la coiffure, spécialement celle des cheveux crépus. Au cours de cette période d’apprentissage des techniques de base de l’art capillaire, elle opte également pour les cheveux naturels, lassée par l’inexpérience de certaines coiffeuses auxquelles elle confiait le soin de sa chevelure. « Je me suis dit qu’il fallait que je me serve de mon don et j’ai commencé à me tresser toute seule. Les gens appréciaient les coiffures que je faisais sur moi-même et, petit à petit, je me suis lancée dans l’aventure ». Depuis lors, grâce à ce succès express dans son cercle de proches, elle coiffe à domicile (surtout le week-end) ou se déplace sur rendez-vous, selon ses disponibilités. Ses créations capillaires, à l’esthétique atypique et parfois excentrique, enchantent ses clientes dont le cercle s’élargit au fil du temps. « Je me suis rendue compte que la demande était forte. J’ai aménagé un coin chez moi où je reçois les clientes si je ne me déplace pas. J’ai fait le choix de ne pas avoir de salon de coiffure car j’aime bien bouger, rencontrer des personnes. C’est une facette de ma personnalité. J’aime discuter et échanger. Rencontrer différents types de personnes me permet d’avoir un esprit ouvert, de poser des questions, de connaître leurs attentes et de savoir comment m’améliorer », souligne Hélène Salumu.
Un blog pour partager ses expériences
En 2014, les « Sistas » Salumu lancent un blog afin de partager leur expérience capillaire, en testant des produits et en donnant des avis neutres. Hélène Salumu, aussi passionnée d’écriture, rédige les avis donnés par sa soeur, prend des photos et les poste sur le blog. Mais son agenda d’étudiante en dernière année s’accommode mal de cette nouvelle activité de blogueuse. La jeune femme préfère se concentrer sur ses études mais continue de coiffer et à poster ses photos sur ses pages Facebook et Instagram. Son mémoire de fin d’études justement était consacré à la visibilité des cosmétiques chez les femmes subsahariennes. « Existe-t-il un marché de cosmétiques pour les femmes d’origine subsaharienne en Belgique ? » s’interroge Hélène Salumu. « Ce mémoire m’a fait comprendre que je devais aller plus loin dans mon projet. Je n’avais pas encore l’idée de faire Pimp My Hair. C’était encore flou dans ma tête. J’ai reçu des éloges des membres du jury car mon approche était différente de ce que l’on voyait d’habitude dans les sujets de TFE sur l’économie », admet-elle.
Se former pour mieux former
L’obtention de son diplôme et d’un travail juste après ses études répond aux attentes des parents et garantit une sécurité financière et sociale. Néanmoins, Hélène Salumu reste animée par sa passion de toujours : la coiffure. Elle s’inscrit en cours du soir chez Isa Make up afin de mieux s’armer pour l’aventure qu’elle a choisi de vivre. Mais, en suivant la formation, elle se rend compte que le manuel reçu ne contient aucune information sur les cheveux crépus. « Au début, j’ai trouvé ça normal car nous avons l’habitude que la communauté africaine ne soit pas mise en avant. Mais, en réfléchissant longuement, je n’ai pas trouvé logique qu’en 2018, il n’y ait aucun centre de formation dédié aux cheveux crépus, frisés et bouclés en sachant qu’il y a des Caucasiens qui eux ont aussi des cheveux crépus comme nous. Par ailleurs, quand on se rend dans des salons de coiffure qui ne sont pas tenus par des Africains, on nous dit que l’on ne peut pas s’occuper de nos cheveux car ils ne savent pas comment faire. On ne peut pas leur en vouloir car ces personnes n’ont jamais été formées pour ce type de cheveu. Même ma formatrice a reconnu qu’elle ne savait pas me donner des informations sur l’entretien des cheveux crépus », confie Hélène Salumu.
Retrouver sa personnalité grâce à ses cheveux
C’est ainsi que naît l’idée du projet « Pimp My Hair », un nom qui lui a été suggéré par son amie Emilie Lubukayi, cofondatrice de W.E.E consulting et des Afropreneurs Awards, l’une de ses deux coaches aux côtés de Stella Bida, qui a remporté le concours. L’objectif de « Pimp My Hair » est de créer un cadre professionnalisant autour de l’entretien du cheveu afro, frisé et bouclé mais aussi de permettre aux personnes de trouver la coiffure qui correspond à leur personnalité. « Je souhaite simplement que les gens puissent se réapproprier leurs cheveux, retrouver leur identité à travers une coupe ou un style de coiffure et que n’importe quel professionnel de ce secteur puisse manipuler correctement nos cheveux. Aujourd’hui, certaines personnes adoptent le style naturel sous l’effet de la mode sans se demander si cela leur correspond réellement », indique la jeune coiffeuse.
Son projet « Pimp My Hair » va pallier les lacunes constatées dans les salons de coiffure en Belgique. « Cela va désormais au-delà de la passion, c’est une nécessité. On est en 2018 et tout le monde doit être sur un pied d’égalité. Les professionnels, qu’ils soient afros ou non-afros, doivent être formés à la coiffure afro, ne serait-ce que pour le brushing. Mon but est de rendre professionnalisante et qualifiante la formation des cheveux crépus, frisés et bouclés. Je voudrais qu’il y ait un label de qualité derrière car, aujourd’hui, il existe plein d’événements et de workshops sur les cheveux afros mais rien n’est professionnalisant », martèle la dynamique jeune femme qui a toujours voulu être entrepreneure.
Sortir de sa zone de confort
Le concours Afropreneur, soutient-elle, l’a mise en confiance et confortée dans l’objectif de concrétisation de son projet, grâce aux observations pertinentes du jury et à ses encouragements ainsi que des rencontres avec d’éventuels partenaires. « Le concours m’a sortie de ma zone de confort et m’a permis de prendre conscience que je dois commencer maintenant. Je vais tout mettre en œuvre pour que ce projet aboutisse », promet Hélène Salumu. Pour ce faire, elle s’est inscrite auprès d’un incubateur d’accélération de projets à Bruxelles afin de se donner tous les moyens de mettre en place ce centre de formation pour apprentis coiffeurs et experts de la coiffure afro. Les premiers pourront acquérir les techniques de base dans les soins des cheveux afro et les seconds bénéficieront de formations de qualité afin de maintenir leur expertise. En attendant l’ouverture de ce centre, Hélène Salumu prévoit, dans les prochains jours, des activités créatives et innovantes de formation à la coiffure afro qui seront la préfiguration de « Pimp My Hair ».
PATRICK NDUNGIDI (ADIAC-CONGO)