Kinshasa a tout pour se développer. Elle a des cerveaux capables de contribuer à son redressement. Pour arriver à des solutions réalistes et futuristes, le jeune kinois Dieumerci Limeme, expert en marketing, communication et publicité, mais aussi acteur politique, cadre du parti politique UDPS/ Kibassa, a accepté de nous accorder cette interview pour passer sous peigne chaud la situation de la publicité extérieure dans la ville-province de Kinshasa.
Toujours optimiste, il pense que la nomination d’un expert au poste de Directeur général de la Direction Générale de la Publicité Extérieure de Kinshasa –DGPEK- permettra au gouvernement provincial de la capitale rd-congolaise de maximiser en crescendo les recettes et de contribuer significativement au budget annuel. « Il y a possibilité de tripler en deux ans, le budget de Kinshasa et atteindre 30 millions au bout de 3 ou 4 ans », a-t-il déclaré.
Comme le droit et la médecine, la communication est également vaste et chaque branche est une spécialité. Comment définissez-vous la communication extérieure ?
La communication extérieure qui ne doit pas être confondue à la communication externe, est en fait l’affichage publicitaire extérieur, ceci regroupe plusieurs types de supports publicitaires notamment : – le mobilier urbain comme les abribus, les panneaux publicitaires, l’affichage mural, les banderoles, la publicité dans et sur les moyens de transports dont les bus, les taxis, les taxi-bus, les trains, les bateaux, le street marketing, mais aussi l’affichage en point de vente.
Dans la ville-province de Kinshasa, en République Démocratique du Congo, l’Arrêté n°SC/220/CAB/GVK/GNM/2019 du 14 août 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la DGPEK sous le mandat du Gouverneur Gentiny Ngobila. Bientôt 5 ans, quel bilan faites-vous de cette direction spécialisée ?
Malheureusement, cette institution n’a pas aidé la ville à atteindre ses objectifs, que ce soit côté mobilisation ou côté régulation. J’ai constaté beaucoup d’insuffisances. Je considère toujours la publicité extérieure comme la clé du développement des entités territoriales décentralisées. Les dirigeants des ETD doivent y réfléchir et mettre du sérieux dans la mobilisation et la régulation pour le bien de la population.
Après une série d’enquêtes avant, pendant et après la vive période électorale de décembre 2023, notre média a constaté que n’importe quel kinois érige ou place les panneaux publicitaires selon son désir. N’existe-t-il pas une ou des normes dans ce sous-secteur de la communication ?
Tout d’abord, les panneaux publicitaires ne peuvent être érigés que par des régies publicitaires après la validation du lieu et du format par la DGPEK. Exclusivement, pendant la période électorale, on autorise aux candidats d’ériger temporairement les panneaux conformément à la durée de la campagne électorale, mais lorsqu’ils doivent être construits sur l’artère publique, il faut toujours l’avis de la DGPEK pour veiller sur la visibilité des conducteurs, les câbles souterrains et d’autres biens publics présents sur la route.
Avant que les choses reviennent à la normale, à combien, selon vous, reviennent les recettes annuelles de cette direction ?
Je crois que la recette annuelle de la DGPEK tourne autour de 8 millions USD, mais cela ne représente rien, vu le potentiel énorme de cette direction. Je pense qu’il y a possibilité de tripler cette somme en deux ans et atteindre 30 millions au bout de 3 ou 4 ans.
D’après vous, qu’est-ce qui occasionne les coulages des recettes de cette direction ?
Il faut beaucoup de réformes pour pouvoir restructurer les choses au sein de cette institution, le renforcement des capacités de mobilisation, la sécurité de la population habitant à proximité des lieux où sont érigés les panneaux, la propreté et l’esthétique de la ville.
Il faut à la DGPEK un cadastre publicitaire sérieux, répertorier et identifier chaque structure publicitaire extérieure et veiller au respect des taxes au moyen des vignettes numériques par exemple, il faut uniformiser les dimensions des panneaux dans certains endroits et imposer un modèle de génie civil pour la construction des structures publicitaires, il est anormal de voir certaines structures s’effondrer et créer des dégâts au milieu de la population, ensuite les régies doivent impérativement s’occuper de la propreté au moins dans les 10m aux alentours de sa structure, des fois il est triste de voir traîner les immondices en dessous de certaines structures publicitaires, aujourd’hui les engins roulants paient la taxe annuellement ou mensuellement, mais personne ne respecte le délai de desaffichage après expiration et la DGPEK n’a aucun moyen de contrôle sur les engins roulants pendant qu’ils sont sur terrain, pourtant aujourd’hui il y a le digital qui peut aider la DGPEK à être efficace dans son contrôle.
J’ai été longtemps en agence, je sais de quoi je parle, et enfin il faut un standard de distance séparant le sol et le début de la structure, c’est catastrophique ce qui se passe aujourd’hui, certains panneaux sont quasiment à la taille de l’homme et ne sont pas éclairés; en terme de sécurité des personnes, ce n’est pas bon.
Pensez-vous que l’autorité provinciale peut nommer n’importe qui (membre de l’UDPS et alliés, membre de sa famille ou de son église ou encore de sa confrérie, sa qualification ou sans expérience) comme directeur général ou membres du conseil d’administration ?
La nomination des profanes à cette fonction est souvent l’objet des tensions entre les régies, les agences publicitaires et la DGPEK; cette tension ne favorise pas un bon climat d’affaires pour permettre à la DGPEK de mieux s’organiser, il faut un homme du domaine, qui maîtrise le secteur de la publicité, qui est diplomate parce qu’il faut une bonne gestion d’égos surtout auprès des agences de publicité, ce climat apaisé va favoriser l’amélioration des performances de la DGPEK.
Quel est le profil des futurs dirigeants de la DGPEK ?
Comme je l’ai dit au départ, un cocktail des technocrates et politiques serait nécessaire, quelqu’un du domaine, qui maîtrise la publicité extérieure, pourquoi pas un ancien des agences de publicité converti en politique et surtout un kinois, il faut des kinois pour résoudre les problèmes de fond des kinois, la publicité extérieure n’est pas seulement un problème de mobilisation des recettes, c’est aussi un problème qui touche la communauté. Lorsque les panneaux s’écroulent et fond des dégâts c’est d’abord la population qui subit des pertes, il y a aussi la pollution visuelle dont on en parle très peu, certains panneaux vont jusqu’à empêcher les câbles aériens de la SNEL ensuite causer des court-circuits et après c’est la population qui va vivre dans le noir et qui va cotiser pour acheter le câble, vous comprenez qu’il faut quelqu’un qui maîtrise le secteur.
Êtes-vous sûr qu’un bon manager au poste de directeur général entouré d’une bonne équipe permettrait la bonne mobilisation des recettes traçables et cela éviterait au gouvernement provincial de contracter des dettes dans les banques commerciales ?
Absolument, le potentiel de la DGPEK peut aller jusqu’à 30 millions de mobilisations annuelles; aujourd’hui ils en font 8millions, vous imaginez si cette structure se trouve entre les bonnes mains et qu’elle réussit à atteindre le pique de sa mobilisation, combien ça sera bénéfique pour la ville ? Le secteur de la publicité extérieure a évolué, avant on n’avait que le OOH (out of home) dans la publicité extérieure, mais aujourd’hui on a aussi le DOOH (Digital out of home) qui est un secteur en évolution et qui peut renforcer les recettes de la DGPEK.
Le nouveau gouverneur Daniel BUMBA devra réfléchir dans ce sens pour placer les jeunes compétents, soucieux de leur ville pouvoir créer de la richesse à Kinshasa. J’ai toujours plaidé pour que les recettes de la publicité interviennent pour l’embellissement de la ville, les structures publicitaires sont toutes placées dans les communes, mais les communes ne bénéficient pas des recettes publicitaires, il va falloir qu’une partie des recettes permette à la commune d’embellir ses rond-points, carrefours publics et autres.
Un mot à tous ces kinois qui consciemment ou inconsciemment violent les règles de la publicité extérieure.
Il faut une bonne politique de la ville en matière de la publicité pour faire comprendre aux kinois et kinoises que la recette de la publicité peut améliorer nos rues, nos avenues, nos quartiers et rendre notre ville salubre et agréable.
CINARDO KIVUILA