Au sommet malgré les pressions : Huawei est devenu au deuxième trimestre le premier vendeur mondial de smartphones, au moment où le groupe chinois lutte contre Washington pour déployer dans le monde sa technologie 5G. Le géant des télécoms se retrouve au centre de la rivalité sino-américaine, sur fond de guerre commerciale et technologique et de soupçons d’espionnage. Huawei est considéré comme le leader mondial de la 5G, une nouvelle norme de technologies mobiles amenées à révolutionner l’Internet et dont le déploiement doit s’accélérer.
Soupçonnant le groupe de collusion avec Pékin et arguant de risques en termes de cybersécurité, Washington a multiplié ces derniers mois les pressions sur ses alliés pour qu’ils bannissent les équipements Huawei. Dans ce contexte, la firme de Shenzhen (sud de la Chine) n’en a pas moins détrôné le sud-coréen Samsung pour devenir le premier vendeur mondial de smartphones au second trimestre, selon les données compilées par le bureau d’études Canalys. Paradoxalement, la pandémie de nouveau coronavirus a aidé Huawei, en pénalisant davantage son principal concurrent.
Entre avril et juin, le groupe chinois a vendu 55,8 millions de téléphones (-5% sur un an) contre 53,7 millions pour Samsung (-30%). « C’est un résultat remarquable que peu de gens auraient prédit il y a un an », souligne Ben Stanton, analyste de Canalys, y voyant l’effet du Covid-19. « Huawei a pleinement profité de la reprise économique en Chine pour relancer son activité dans le domaine des smartphones », alors que les principaux marchés de son concurrent Samsung (Brésil, Inde, Etats-Unis et Europe) restent fortement touchés par la pandémie, estime M. Stanton. Huawei s’est félicité d’une « résilience exceptionnelle en ces temps difficiles ». Avec moins de 1% de part de marché en Chine, Samsung n’a pas pu profiter de la reprise du géant asiatique, où une multitude de concurrents locaux sont présents.
Suspicions et culture opaque
Dans le viseur depuis un an et demi de l’administration Trump, Huawei est sur la liste noire américaine, pour l’empêcher d’acquérir des technologies « made in USA » indispensables à ses téléphones. Privé du système d’exploitation Android de Google, Huawei est contraint d’accélérer le développement de son propre système, HarmonyOS, dévoilé l’an dernier. Quant aux puces, Huawei accroît ses efforts pour les faire produire par sa filiale HiSilicon. Et Huawei fait face ces derniers temps à une pression croissante sur le front de la 5G.
Le passé militaire du fondateur de Huawei, Ren Zhengfei, son appartenance au Parti communiste chinois et une culture d’entreprise opaque ont alimenté les soupçons sur l’influence du régime sur le groupe. Washington martèle que les services de renseignement chinois pourraient utiliser les équipements Huawei pour surveiller les communications et trafics de données d’un pays.
Si Huawei s’en défend, l’argument américain commence à être entendu. Au nom de la sécurité, le Royaume-Uni a annoncé à la mi-juillet sa décision d’expurger à terme son réseau 5G de tout équipement produit par Huawei. L’Australie et le Japon ont choisi d’interdire Huawei sur leur sol. Singapour ne lui accorde qu’un rôle secondaire pour son futur réseau 5G, préférant les équipementiers Nokia et Ericsson. En France, Huawei ne fera pas l’objet d’une interdiction totale.
Mais les opérateurs utilisant déjà la marque auront des autorisations d’exploitation limitées dans le temps. Dans ce contexte de méfiance grandissante, il sera « difficile » pour Huawei de rester numéro un sur le marché des smartphones, estime un autre analyste de Canalys, Mo Jia. Selon lui, certains marchés cruciaux notamment l’Europe pourraient privilégier d’autres marques pour « réduire les risques ».
AFP
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