Maximilien Kungana : « On ne peut pas prétendre résoudre le problème d’insalubrité sans pour autant s’attaquer aux sources d’insalubrité »

Capitale de la Rd-Congo, la ville-province de Kinshasa compte plus d’une dizaine de millions d’habitants, baigne aujourd’hui dans une insalubrité criante. La plupart des quartiers ploient sous des tonnes de déchets de différentes natures dégageant des odeurs nauséabondes qui polluent l’atmosphère. Plusieurs facteurs beaucoup plus liés aux mauvaises habitudes des Kinoises et des Kinois ainsi que des insuffisances des services commis à la salubrité dans chaque commune, sont à la base de ce fléau.

Dans la plupart des municipalités, le spectacle offert est plus que désolant. Les décharges publiques en nombre insuffisant, les caniveaux, les rigoles, ruisseaux et rivières sont bondés d’immondices que les services publics d’hygiène et de la voirie urbaine peinent à dégager. Kinshasa-la-belle tant vantée hier a perdu sa belle robe suite à la mauvaise gestion des ordures et autres déchets liquides au point que le vocable péjoratif de Kin-la-poubelle lui colle désormais aux basques.

L’environnement kinois est tellement pollué qu’il constitue désormais un bouillon de culture propice à la prolifération des maladies de tout genre pourtant évitables dues à la saleté.

Dans un entretien avec Eventsrdc.com, Maximilien Kungana, biologiste et ingénieur en sciences de l’environnement, a passé au peigne fin cette problématique de gestion des déchets à Kinshasa. A l’en croire, pour y face, il faut non seulement des moyens énormes mais également des personnes suffisamment préparées pour accompagner cette migration vers un cadre de vie sain. Interview.

Quel est votre point de vue sur la problématique de la gestion des déchets dans la ville de Kinshasa ?

Il devient de plus en plus normal de retrouver dans les littératures que la gestion des déchets est un défi réel pour les pays en voie de développement, malgré des nombreux efforts consentis par les gouvernements. Cette affirmation trouve son origine dans la réalité que nous vivons aussi au sein de notre ville en matière de gestion des déchets. Cela n’est pour autant pas un plaisir pour nous environnementaliste de formation universitaire car, au-delà des contraintes qui se présentent dans la recherche de solution à ce problème, il y a d’énormes opportunités d’affaires qui se cachent derrière cette situation qui donne l’air d’être, pour la plupart des gens, l’apanage de l’Etat.

Mon point de vu est que la population a besoin d’une sensibilisation lui permettant de soutenir les efforts de l’Etat en matière de gestion des déchets. Personnellement, je suis de ceux qui pensent que même si le gouvernement met en place les moyens financiers, humains et matériels nécessaires afin de gérer rationnellement les déchets à Kinshasa, le résultat pourrait être à peine appréciable d’autant plus que la mentalité des bénéficiaires n’est pas du tout assainie. La problématique de la gestion des déchets à Kinshasa est un fait qui ne nécessite pas seulement des moyens énormes afin d’y faire face, mais qui requière aussi  des personnes suffisamment préparées pour accompagner cette migration vers un cadre de vie sain. Sans cela, il y aura certainement une inadéquation entre les ressources importantes mobilisées et les résultats attendus.

Qu’est-ce qui fait qu’en dépit de quelques initiatives prises pour l’assainissement de la ville, celle-ci demeure relativement sale ?

Le type d’intervention à apporter pour assainir la ville et le niveau d’efficacité des actions à développer pour remédier aux problèmes sont à examiner minutieusement. Ce, d’autant plus que toute initiative amorcée dans cet angle doit avoir pour corolaire une salubrité durable. On ne peut pas prétendre résoudre le problème d’insalubrité sans pourtant s’attaquer aux sources d’insalubrité. Pour le cas de Kinshasa, nous avons tous vu et nous sommes jusqu’à présent témoins des projets développés depuis plusieurs années mais qui jusque-là donne l’impression que rien ne se fait. Il faudrait qu’on arrive à faire jonction entre les actions et les mœurs si nous voulons à tout prix relever ce défi qui donne tendance à devenir chronique.

Que devraient concrètement faire les décideurs pour une gestion rationnelle des immondices ?

Généralement, les décideurs sont entourés des personnes ressources compétentes en la matière. Il convient que les gouvernants tâchent de mettre des moyens conséquents pour une gestion rationnelle des déchets mais aussi que les experts à qui les travaux sont confiés se déploient avec sérieux et bon sens. J’appelle personnellement les décideurs de la RD-Congo en matière de gestion des déchets à s’ouvrir aux multiples formes de partenariat se rapportant au transfert de technologie et le partage d’expériences. Encore faut-il qu’il y ait contextualisation conformément aux réalités de la RD-Congo en particulier.

Y a-t-il une différence entre les déchets en plastique et les autres déchets ?

Il existe différentes typologies des déchets qui sont fonction d’angle d’approche d’une situation les concernant. Néanmoins, il est connu que nous pouvons classer les déchets dans deux grandes catégories: les déchets biodégradables et non biodégradables. On peut ainsi classer les plastiques dans la catégorie des déchets non biodégradables, tout en gardant à l’esprit qu’il existe autant d’autres types des déchets qui sont non biodégradables.

De façon simple, la différence consiste à ce que les déchets produits n’ont pas la même nature. Cela fait recours à la matière initiale constituant le déchet en tant que tels.

A quelles conséquences s’attendre aussi longtemps que les bouteilles en plastique et autres ordures sont déversées dans les caniveaux, rivières etc. ?

Il est clair qu’on assiste déjà à la perte de la qualité du paysage, aux inondations, à la pollution en milieu aquatique et terrestre, … Ces conséquences vont sûrement s’accroître tant que le RD-Congolais ne se décidera pas de se retourner vers un mode de vie éco citoyen, c’est-à-dire un style de vie qui lui permette de poser des gestes respectueux face à l’environnement.

Dans certains pays d’Afrique et d’ailleurs l’on a interdit l’usage des emballages en plastique et sachets. Pensez-vous qu’une telle décision peut s’accommoder à la réalité kinoise ?

Bien sûr que oui. Mais, il faudrait une période de transition au cours de laquelle des alternatives devraient être  proposées et des mesures permettant aux citoyens de s’adapter à cette nouvelle réalité. Cela nécessitera un grand effort en termes de suivi, car il faudrait s’assurer qu’aucun circuit informel n’échappe au contrôle.

En tant que Représentant légal de l’ONG Homo Centrum, vouée à l’éducation environnementale, quelles actions avez-vous déjà initiées pour inciter les kinois à plus de salubrité ?

Nous organisons souvent ce qu’on appelle les séances culturelles d’éducation environnementale. Nous combinons musique, blague, interpellation et improvisation afin de sensibiliser les écoliers principalement. Certes, il existe d’autres types d’activités relatives à l’éducation environnementale que nous menons et nous invitons nos lecteurs de bien vouloir jeter un œil sur notre blog « homocentrum.wordpress.com et surtout d’aimer notre page Facebook «Homo-Centrum» pour en savoir plus.

Les résultats récoltés ont-ils été à la hauteur des attentes ?

Les résultats de nos activités sont très positifs mais on se donne à accroître le champ d’action et nous espérons y arriver dans un avenir proche.

Quel message lancez-vous aux kinois ?

Nous avons intérêt à passer à l’action en lieu et place de multiplier des théories autour du problème dont le danger se présente déjà presque comme étant irréversible. Il n’est jamais trop tard pour oser inventer l’avenir que l’on souhaite.

LAURENT OMBA