Musique classique en Rd-C, histoire et perspectives

Réputée pour ses rythmes endiablés, la musique congolaise regorge des nuances aussi différentes que surprenantes. Toujours désireuse de s’ouvrir culturellement, la Rd-C n’a pas fermé ses portes à la musique classique.En République Démocratique du Congo particulièrement, la musique classique n’a pas une grande histoire ; toutefois, des sources dignes de foi reconnaissent ses débuts et ses initiations dans les églises catholiques principalement pendant la colonisation. À en croire le chroniqueur musical Kikim Kingunza Afri, les prêtres belges recouraient à la douceur de ce genre de musique, disaient-ils,  pour ramener les fidèles chrétiens congolais à la présence de Dieu avec davantage de concentration. De ce fait, les choristes taguaient leurs voix sur les instrumentaux audio de La capella de sixtina y compris quelques airs de Jean-Sébastien Bach, Haendel, chantés en latin et en français.

Pour ce chroniqueur musical sexagénaire, les chants en lingala, tshiluba, kikongo ont rejoint les rites sous un fond rythmique classique après la politique du recours à l’authenticité mis en place par feu Président Mobutu Sese Seko. Alors, il fallait entendre la fin de la décennie quatre-vingt pour voir des artistes musiciens tels que Frère Menté proposer aux chrétiens d’autres sons qui s’écartaient de ce droit chemin. En dehors des murs des églises, ici aussi, la musique dite « savante » n’a pas eu beaucoup d’adeptes au Congo Zaïre. Il y a eu un espace au centre-ville de Kinshasa « Jambo Jambo » vers les années 60, qui regroupait les étrangers surtout les occidentaux, pour écouter de la musique classique chantée par quelques rares artistes noirs.

Des groupes qui donnent vie à la musique classique
Reconnue pour ses rythmes déchaînés  la ville de Kinshasa regarde la musique classique comme un chien galeux. Dans une mégapole où la musique locale subi la « dictature » du ndombolo et de la rumba, trois orchestres de musique classique tentent de se faire une place sans compter l’association Kinshasa Opéra.
En effet, dans son travail de mémoire de fin d’études universitaires, Agathe Sakina Ilunga affirme : « le fait d’interpréter exclusivement les œuvres classiques occidentales a poussé certains congolais à assimiler la musique étudiée à l’Institut national des Arts (INA) à celle de Mozart, Beethoven, Chopin,… ».

Pour se démarquer de l’idée que cette école a été créée pour apprendre la musique des blancs, en 2010, la version actuelle de l’Orchestre de Chambre de l’INA (OC-INA) a été adoptée, sous la direction du Maestro Michel Lutangamo, qui essaie de poursuivre le travail amorcé par ses prédécesseurs en privilégiant les techniques modernes de transcription, d’harmonisation, d’orchestration et d’interprétation qui sont du courant occidental à quelques œuvres de la rumba congolaise.

Constitué d’une trentaine de jeunes universitaires et caressant le désir de devenir un orchestre symphonique à part entière, l’OC-INA n’a pas un répertoire figé sur le « german dances de Beethoven », « le land of hope and glory d’Edward d’Elgos». Ce Maestro affirme qu’il varie le répertoire par rapport aux cérémonies auxquelles lui et son groupe sont conviés. L’on sait cependant que cet orchestre s’est frayé un chemin grâce à l’interprétation par des instruments classiques de tubes de la rumba tels que « Indépendance cha cha » et « Table ronde » du Grand Kallé, ainsi que « Attente » de Fally Ipupa.

Existant depuis 1977 comme chorale liturgique animant les célébrations eucharistiques de la paroisse Notre-Dame de la Sagesse de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), la Chorale Luc Gillon a enrichi, en 1995, son répertoire d’œuvres classiques et interprète des variétés, ce qui lui fit accéder aux scènes les plus prestigieuses sur le plan national et international. C’est dans son volet « Musique classique » que cette chorale a remporté, en août 2012, la médaille d’or du Concours de chant de chorale en Côte d’Ivoire. Cette chorale interprète les célèbres airs d’Opéra dont ceux de Carl Orff, La Traviata de Verdi, etc…

OSK, l’identité de l’Afrique subsaharienne
Les prouesses de l’Orchestre Symphonique Kimbanguiste (OSK) dépassent les limites congolaises. Avec des instruments de musique classique de bricole, des chanteurs passionnés, cet orchestre de l’église Kimbanguiste est né de la vision du prophète Simon Kimbangu.

Composé de plus de cent musiciens et instrumentistes, l’OSK s’est produit dans de nombreux pays. Partant du Royaume Uni, France, Belgique, Allemagne en passant sur la Principauté de Monaco sans oublier les pays africains, il est considéré actuellement comme la première formation musicale classique en Afrique noire. Spécialisé aux airs classiques de Carl Orff, Mozart, Brandon, Johann Pachelbel, Dvorak et chants traditionnels « Kongo », cet orchestre, après plus de vingt ans d’existence, prévoit  la création d’une école de musique pour pallier aux insuffisances constatées durant son parcours. Réunissant couturiers et commerçants, élèves et étudiants, coiffeuses et cadres de l’administration publique au sein d’un même orchestre, cet ensemble reprend des chefs-d’œuvre de classique occidentale à la perfection.

Kinshasa Symphony, zoom sur les Mozart et Beethoven du Congo

Pour mettre en lumière le sacrifice consenti par ses congolais, Claus Wichman et Martin Baer, deux réalisateurs, ont consacré un documentaire entier sur l’OSK intitulé « Kinshasa Symphony ». Les films musicaux africains sont peu nombreux, encore moins ceux qui racontent l’histoire d’un orchestre symphonique. En résumé, le documentaire montre des musiciens africains, démunis et autodidactes, qui interprètent avec fascination des œuvres du répertoire classique de grandes valeurs. Parfois dans ce récit, c’est une panne de courant qui survient et à d’autres moments, ce sont des instruments qui rendent l’âme… les difficultés sont énormes,… au-delà de tout, dans cet orchestre, la solidarité est toujours là, prête à intervenir. « Précurseur » de la musique classique en Afrique, Maestro Armand Diangenda, fondateur de l’OSK en 1994, surprend les mélomanes par la qualité de sons qui égalisent parfois ceux  des orchestres de l’opéra de l’hexagone.

« Kinshasa Opéra » et son projet « Afrika Opéra »
Fondé en 2002 par le Maestro Clovis Makabu (chanteur contre-ténor après son concert d’opéra en solo) Kinshasa Opéra, cette association a pris forme comme structure musicale d’Opéra en 2004 portant ainsi la dénomination de « Cantores Operatorum » (chanteurs d’opéra). S’ouvrant en 2010 pour donner des concerts isolés dans un restaurant de la capitale congolaise, « Kinshasa Opéra » est devenu une représentation de la musique d’opéra (baroque) en Rd-Congo. C’est en 2014 que Clovis Makambu a annoncé la tenue du Festival « Afrika Opéra, Congo chœur d’Afrique » avec comme ambition de faire écouter aux mélomanes des classiques interprétés avec du xylophone, le tam tam, du tambour ou la calebasse, tout en créant aussi des pièces d’opéra avec la musique de Luambo, Abeti, Grand Kallé, Papa Wemba,…

Parrainé par un contre-ténor évoluant à l’étranger Serge Kakudji, « Afrika Opéra », dans un autre volet, voulait organiser un atelier sur les techniques vocales et le solfège tout en prévoyant des descentes dans des quartiers périphériques de Kinshasa pour des prestations de proximité, afin de permettre aux autres couches sociales d’entrée en contact avec cette musique élitiste. Hélas ! Les organisateurs balbutient toujours pour justifier la non-tenue de ce premier grand rendez-vous dédié à la musique classique à Kinshasa.

Quid de l’avenir
La musique classique entant qu’un genre à part entière, pourrait avoir de l’avenir dans le contexte congolais, pourvu que les jeunes l’adoptent. Il faut donner le goût de cette musique aux enfants en l’insérant dans le programme scolaire mais également organiser des conférences, des séminaires et des colloques sur la musique classique. La musique classique est élitiste mais tout le monde peut l’aimer.
ONASSIS2308 (www. arts243.skyrock.com)