Montréal, autre bastion des artistes musiciens originaires de la République Démocratique du Congo, accroche le regard. Dans cette filière de la musique rd-congolaise dans la ville des cent clochers, Naxx Bitota, chanteuse à l’univers hybride sur le circuit de la chanson canadienne depuis 15 ans, s’est construite une belle réputation.
On ne le dira jamais assez, la musique a un pouvoir rassembleur. Les valeurs cosmopolites qui en décousent avec les idées introverties, promeuvent échanges et intégration dans un monde universaliste. Cette théorie, Naxx Bitota, auteure-compositrice-interprète originaire de la Rd-Congo, l’a si bien comprise. Enracinée par la musique de fusion, elle se décrit comme une artiste éclectique.
Sa musique est une revendication, voire une adresse à la liberté. À la croisée des routes où convergent Mutwashi, Rumba et Sebene, l’étoile filante de Montréal qui a récemment pris part au Festival International Nuits d’Afrique, prône une largesse de vues dans sa musique mâtinée en plus de divers rythmes. Son premier album « Kuetu » en est une illustration parfaite.
Emmenée par le travail, la persévérance et la consistance, elle baigne dans la musique traditionnelle et s’imbimbe en même temps d’autres horizons. « Je viens d’un milieu très éclectique, mon milieu familial. J’ai grandi de façon très éclectique et je veux toujours continuer dans ce sens-là. Mes influences peuvent varier, ce n’est pas typique de là où j’ai grandi ou typique du premier pays d’adoption ou du Canada où je suis maintenant. Ça change, ça va un peu dans tous les sens », a souligné Naxx Bitota.
« Kuetu », un album cosmopolite
Ses influences musicales sont légion. Abeti Masikini, Tshala Mwana, M’pongo Love, Lucie Eyenga, Whitney Houston, Céline Dion, Papa Wemba, King Kester Emeneya pour ne citer que ceux-là, ont permis à Naxx Bitota de mûrir artistiquement. Ils se sont tous fait désirer dans son écoute musicale. D’ailleurs, son tout premier album « Kuetu » publié le 30 juin 2022, décrit bien dans chaque rythme, l’identité de l’une de ces icônes.
Esprit méticuleux, voix suave et docile et mélodies gracieuses d’un côté, rythme entraînant, précision vocale et perspicacité artistique de l’autre, Alexandra Bitota Mulumba à l’état civil s’est montrée citoyenne du monde aux valeurs traditionnelles, celle qui promeut l’amour, la cohésion sociale et dénonce la tumeur des anti-valeurs.
De « Amour sans frontières » où elle fustige l’individualisme à « Poso oyo » où elle dénonce le racisme en passant par le titre éponyme de l’album « Kuetu » en Tshiluba traduit en français « De chez nous » pour dire qu’elle n’oublie jamais d’où elle vient, Naxx Bitota a oscillé entre le Mutwashi, la Rumba, le Sebene et la musique de fusion.
« J’ai dégainé Kuetu le 30 juin 2022, date de notre indépendance. En terme d’arrachement déjà il y a beaucoup de styles du Mutwashi en premier, et puis on a de la Rumba congolaise, on a aussi du Sebene. En bonne congolaise, je me dois quand même porter ce drapeau-là. Sinon mon style vraiment c’est le Mutwashi et les compositions sont faites par moi, il y a aussi quelques plumes de certains collaborateurs. Mais sinon, les compositions sont faites par moi. Et c’est une musique pour des gens avec un esprit ouvert. C’est un album qui vient un peu briser les règles. Je ne veux pas faire comme tout le monde », a déclaré la chanteuse qui travaille également dans le théâtre et au cinéma.
Naxx Bitota assure travailler déjà sur son deuxième album qui va sortir imminemment et qui contiendra des collaborations.
« Je reviens au Congo en janvier 2024 »
Si la Belgique l’a accueillie et que le Canada l’a adoptée, Naxx Bitota ne veut surtout pas être ingrate envers la RDC, son pays d’origine. La chanteuse qui avait effectué un voyage à Kinshasa en 2019 – 22 ans depuis qu’elle l’a quittée – n’avait pas pu malheureusement s’y produire pour des raisons organisationnelles.
Malgré ce raté qui lui avait rendue triste, la Diva du Mutwashi veut cette fois réussir son retour au pays de ses ancêtres. Et ce sera pour une bonne cause. « C’est un de mes gros souhaits. Depuis que j’avais quitté le Congo, je suis rentrée en 2019, ça faisait quand même 22 ans que je n’avais plus été dans mon pays d’origine. Je vous laisse imaginer que je n’avais pas de connexion. J’arrivais sur place, j’ai essayé de faire avec des personnes que j’avais rencontré sur Facebook, de faire une prestation au village Chez Ntemba, mais qui n’avait pas abouti malheureusement. J’étais rentrée très triste », a-t-elle dit.
Elle a ajouté : « Mais je reviens encore en janvier 2024 et j’espère vraiment parce qu’actuellement j’ai même un festival qui s’appelle Huruma qui veut dire Compassion en Swahili. C’est un festival où je fais jouer des artistes, on amasse de l’argent pour aider les enfants dans la rue. Moi je veux qu’il soit implanté au Congo, c’est ça que je vais essayer de faire en 2024. Parce que j’allais beaucoup en Afrique de l’ouest, Sénégal, Togo, Guinée, Mali m’ont plus invitée. Au Togo, c’est là où je faisais mon Festival, et après j’ai bien réfléchi, je me suis dit que je vais loger ce festival dans mon pays d’origine. Et c’est ça mon but en 2024 quand je viens, et j’espère vraiment faire de la scène. »
Naxx Bitota et la grande famille musicale des originaires de la Rd-Congo
Alors que les yeux de plusieurs sont tournés vers Paris et Bruxelles, incontestables places fortes des artistes musiciens originaires de la Rd-Congo, la famille musicale rd-congolaise outre-atlantique s’agrandit au Canada, précisément à Montréal.
Même si sa musique est vue comme celle de curiosité par les canadiens de souche, Naxx Bitota qui se bat pour l’Afrique, estime tout de même qu’elle a évolué, ses confrères originaires de la RDC aussi avec lesquels elle a constitué une véritable famille notamment Pierre Kwenders, Lionel Kizaba et bien d’autres.
« À Montréal précisément au Québec, nous avons justement Lionel Kizaba qui est un de mes frères, tout le monde le sait, ce n’est plus un confrère. Beaucoup de gens pensent même que c’est mon frère propre. Pierre Kwenders aussi qui est aussi un de mes frères. On pense vraiment qu’on est d’une même famille. Et aujourd’hui les médias ici au Canada parlent d’une filière de musique congolaise sans le vouloir », a souligné Naxx Bitota.
Et de conclure : « Il y a Kizaba qui fait son afro-futurisme par excellence, Pierre Kwenders qui fait sa pop électro avec beaucoup de brio, et moi j’amène le côté traditionnel, le Mutwashi, la Rumba congolaise et le Sebene. On fait un bon petit mélange, on s’entend très bien, on collabore souvent ensemble, on s’encourage. »
CHADRACK MPERENG