Chaque 27 septembre, le monde célèbre la journée internationale du Tourisme. À cette occasion, votre journal vous propose un état de lieu de la promotion et du développement de ce secteur en République Démocratique du Congo, avec une tribune signée par Monsieur Prince Yango Lukeka, juriste et expert certifié OMT – Fondation Thémis en politique et stratégie du tourisme.
I. Introduction
Depuis bientôt 8 ans les hautes autorités de la République Démocratique du Congo se sont fermement résolues de faire – à travers notamment l’institution d’un portefeuille autonome lui dédié – du Tourisme un des secteurs clés de l’économie nationale. Pour rendre effective cette résolution, le Gouvernement s’est attelé, entre autres, à la mise en place d’une fondation qui puisse soutenir l’émergence d’une véritable industrie touristique et sur laquelle s’arc-bouterait son développement. La confection d’un plan directeur du secteur, la régularisation de la situation de l’Etat congolais sur le plan de la coopération multilatérale (principalement en ce qui concerne sa participation dans l’Organisation Mondiale du Tourisme), les différentes formations de capacitation des acteurs du secteur, pour ne citer que ces quelques initiatives, participe de cet effort fondateur, nécessaire à un développement sectoriel solide, perceptible et durable.
La chute, fin 2015, du cours des matières premières qui constituent la majeure partie des exportations du pays, avait poussé le Gouvernement de la République réuni en Conseil des Ministres en janvier 2016, à approuver vingt-huit mesures d’urgence pour la stabilisation et la relance économique de la République Démocratique du Congo. Parmi ces mesures, deux concernaient particulièrement le tourisme. Initiée par Monsieur Elvis Mutiri wa Bashara, alors Ministre du Tourisme, une loi portant fondamentaux relatifs au tourisme sera finalement promulguée en juillet 2018.
Malgré la promulgation de cette loi qui soulignait la hauteur et l’urgence des attentes politiques vis-à-vis du secteur, lesquelles attentes devaient recevoir corps à travers des objectifs et actions clairement définis et réalisés au niveau stratégique et opérationnel, le secteur touristique ne semble malheureusement pas prendre de l’envol.
C’est à ce stade que se situe l’impérieux et sacro-saint devoir de réflexion sur les organes techniques, leur efficacité et, si possible, leur adaptation dans une optique d’optimisation. Car, en effet, tout n’est pas que question de l’adéquation des politiques nouvelles – teintes généralement d’un volontarisme court-termiste – mais très souvent de la force et de la justesse de l’impulsion émise et, sans hiatus, de la capacité d’appréhension, d’exploitation, d’adaptabilité et d’initiative des acteurs techniques. Et dans le cas échéant, il s’agit bien de l’analyse de capacité de l’Office National du Tourisme à répondre de manière optimale à ces défis présents et pressants.
II. Principaux points de cette analyse
1. Quel organe de promotion, pour quel type de promotion (organisation stratégique) ?
Sur base des missions lui attribuées et de l’objet de sa création, l’Office évolue-t-il dans quel environnement spatiotemporel ? Desquels moyens financiers dispose-t-il ?
Ce profond et non complaisant triptyque analytique (missions-environnement-moyens) permettrait aux manageurs de l’Organisation de définir des orientations stratégiques claires et efficaces et d’être répercutées par des options opérationnelles heureuses et efficientes.
Dans un environnement universel rétréci à l’aide des TIC, sans moyens pour de grands investissements (contrairement à l’esprit et à la lettre de la loi, l’Office ne gère pas le Fonds de promotion du tourisme, suite à un interventionnisme téméraire, outrancier et parfois illégal de sa tutelle, instauré depuis le Ministre Frank Mwe di Malila), l’Office devrait réfléchir sérieusement sur : la masse et qualité des ressources humaines (des ressources moins denses, plus jeunes, mordues d’idées innovantes, et résolument baignées dans les TIC) ; sur les partenariats techniques avec d’autres organisations publiques et privées avec lesquelles il peut avoir des objectifs convergents ou connexes, vu la transversalité du secteur ; etc.
2. Quel organe de promotion, pour quelle manière de promotion (nécessité d’un management conscient de l’importance et de l’urgence des défis) ?
L’organisation, la façon de travailler, les rapports entre organes (et leurs animateurs) entre supérieurs hiérarchiques et subalternes permettent-ils aux ressources d’être utilement exploitées et leur potentiel efficacement développé ?
Une des meilleures manières de s’assurer de l’organisation harmonieuse du travail et de la certitude des résultats repose sur les rapports et la gestion des ressources humaines, conformément au droit administratif et aux autres textes et principes qui régissent l’organisation sociale, en plus des qualités managériales exceptionnelles des dirigeants.
Il est rarement bénéfique pour un service public d’une aussi grande importance dans la promotion et dans l’innovation, appelé se régénérer au jour le jour, d’être sujet au népotisme démoralisant, incapacitant, condamnant finalement à un fonctionnement inertiel. Il est difficile de lutter contre ce genre des dysfonctionnements qui peuvent être signalés dans plusieurs services publics, mais il est important de donner aux cadres et agents la capacité de faire leur travail, avec une large marge de manœuvre pour permettre de répondre aux défis pressants et impersonnels auxquels l’Office est soumis.
Il faut donc réfléchir sur quel type de management est adapté en cette période cruciale. La rigueur, l’objectivité (l’impersonnalité), la productivité (la créativité, inventivité), l’efficacité (gestion basée sur les résultats), le respect et la concorde des ressources humaines (sans concorde des ressources, le potentiel global n’aurait pas de meilleure manifestation) sont quelques éléments impératifs dans un management efficace.
3. Quel organe de promotion, pour la promotion de quoi (rôle politique) ?
Quel est l’élément principal qui fait l’objet de la promotion de l’Office ?
L’Office est l’organe public principal sur la vente de la destination RDC. Avec, et au-delà de cela, son caractère technique, son rôle politique est évident dans un environnement mondial dominé par un « Congo bashing », de la part des ressortissants des destinations concurrentes, des ennemis irréductibles ou des nationaux inconscients de la nocivité de leurs propos ou activités distillés sur la toile. Une réflexion profonde pour lutter contre ce phénomène doit être sérieusement engagée.
L’Office doit donc être un outil stratégique de communication et de marketing sur l’image de marque du pays, pour autour duquel il doit construire et nourrir un narratif diversifié et attractif.
4. Quel organe de promotion, pour la promotion en faveur de qui (rôle économique et social) ?
En quoi l’action de l’Office impacte-t-il directement sur la vie économique et sociale des congolais ?
S’il est vrai qu’en tant qu’Etablissement public, l’apport de l’Office à l’économie est minoré par rapport à celui des autres services publics de contribution directe, et évidemment de nature juridique et de mission bien différentes, l’Office peut néanmoins servir, entre autres, de moteur important de développement de l’entreprenariat, en tant que vaste incubateur d’entreprises touristiques et un soutien à d’autres unités de production touristique, principalement des start-up et d’autres initiatives des jeunes. Les moyens financiers autonomes n’étant pas toujours disponibles, il faut mettre en branle une stratégie de réseautage entre différents acteurs de la chaîne de valeur du tourisme où, à travers un partenariat entre l’ONT et différents bailleurs privés du secteur, un fonds de garantie pourrait être créé, selon la philosophie qui consisterait à ce que la demande préfinance l’offre. Et dans des cas particuliers, stimuler ce genre des mécanismes, sans nécessairement passer par un fonds déjà constitué, au niveau local, et cela à travers l’entremise directe de l’ONT entre les bailleurs et les petits entrepreneurs.
Cela n’est pas d’abord question de gros sou ; c’est surtout de la profonde conviction, de la technicité et de la méthodologie.
Prince Yango Lukeka, juriste et expert certifié OMT – Fondation Thémis en politique et stratégie du tourisme