Alors que les yeux sont rivés sur le tapis vert du dialogue politique national à la Cité de l’Union africaine, l’analyste politique indépendant Serge Onyumbe Wedi, dans un article publié sur son blog, attire l’attention des autorités rd-congolaise sur le danger qui couve dans le camp d’accueil des troupes rebelles sud-soudanais fidèles à Riek Machar au Sud-Kivu. Pour cet expert en communication, il suffit de remonter l’histoire pour réaliser ce que la Rd-Congo a déjà récolté dans pareille situation. « Tout porte à croire que cette nouvelle présence de trop des rebelles Sud-soudanais est une autre preuve appuyant la thèse de la guerre au Congo à tout prix. Kinshasa devrait puiser dans l’histoire les conséquences des affrontements qui ont eu lieu en 2000, entre deux armées étrangères, celles du Rwanda et de l’Ouganda, pour s’emparer des minerais à Kisangani dans l’ancienne Province Orientale. Kinshasa devrait également se remémorer l’histoire récente des massacres perpétrés à Beni par des groupes armés non-autrement identifiés que le gouvernement appelle terroristes ».
Le gouvernement rd-congolais a validé l’accès sur le territoire national des troupes rebelles sud-soudanaises fidèles à Riek Machar après avoir subi des raids lancés par les forces loyalistes en Juillet 2016. Pour ce faire, une opération d’encadrement et de désarmement a été pilotée par la MONUSCO. Ce qui a permis le cantonnement de ces troupes étrangères au Nord-Kivu, précisément à Goma. La nouvelle est tombée comme une bombe dans les oreilles des rd-congolais en général et en particulier, des natifs de cette contrée. La Société civile au Nord-Kivu est vite montée au créneau pour fustiger une telle entreprise qualifiée de menaçante pour la paix dans cette partie du pays, objet de plusieurs incursions des forces étrangères. Une question orale avec débat a aussitôt été lancée à l’endroit d’Evariste Boshab, Vice-premier ministre en charge de la Sécurité et de l’Intérieur par le député Muhindo Zangi du MSR qui tient mordicus à entendre de la bouche du ministre, les raisons de cette option gouvernementale. Officiellement, les rebelles fidèles à Riek Machar étaient en très mauvais état de santé à leur arrivée en RD-Congo, selon Stephane Dujarric, le porte-parole de la Mission de l’ONU. Blessé lors des combats de juillet dernier à Juba, la capitale du Soudan du Sud, Machar avait déjà été soigné en Rd-Congo au mois d’août. Mais tout ça, l’arbre qui cachait la forêt a fini par pousser des branches et murir ses fruits.
Qui est Riek Machar ?
Le Rebelle-puisque c’est comme ça qu’on l’identifie par ses pairs, a été deux fois, vice-président de son rival, le Président Salva Kiir. Soupçonné puis accusé d’une tentative de coup d’Etat et craignant pour sa sécurité, Machar refuse de retourner à Juba et le 25 juillet dernier, il est remplacé par Taban Deng Gai comme premier vice-président de la République, mais il conteste son éviction et, retourne en rébellion. Une question se pose: pourquoi la RD-Congo devait-t-elle le secourir à tout prix? A cela il y a deux scénarii possibles: primo, l’élimination de Machar pourrait faire revivre au pays, le Mythe de l’Hydre de Lerne car ce digne fils de l’ethnie Nuer bénéficie du soutien indéfectible et de l’attachement idéologique de ses frères de sang. Il est fort faisable que ce seigneur de guerre ait inspiré d’autres «Machar» pour poursuivre son combat. Autrement dit, Sa perte replongerait le pays dans le chaos duquel il s’était enfoncé il y a quelques années. Le pouvoir en place sait bien qu’il tient sur un piédestal en terre et qu’un simple vacillement, l’ébranlerait. Les événements du 8 juillet dernier qui ont suivi l’annonce par des médias sociaux de son arrestation par des partisans de Kiir, sont encore frais dans les mémoires. C’est clair, il ne veut pas d’une autre guerre civile.
Il faut l’affaiblir, l’isoler davantage mais pas le tuer. Ainsi, a-t-on vu toute la Communauté internationale s’agitait lorsque Machar s’est retrouvé blessé. Kinshasa n’a eu d’autre choix que d’obtempérer. L’ordre est venu d’en-haut! Secundo, la question du pétrole reste au cœur du débat même si plus personne n’en parle. L’or noir qui coule dans le sous-sol du Soudan du sud a toujours attisé les regards des antagonistes et protagonistes. On sait également que certains puits de pétrole sont aux mains des soldats fidèles à l’ancien vice-président et l’on craint qu’ils ne provoquent des dégâts sur les installations et l’environnement. Des dégâts qui auraient des conséquences désastreuses pour le pays dont les recettes dépendent à 98 % de l’or noir exploité par des compagnies pétrolières étrangères. Notamment les Etats-Unis d’Amérique et bien d’autres grandes puissances telles que le Canada, la Chine ou encore la Grande-Bretagne qui ont favorisé l’émergence du concept «Pétrodollars». Pour ce deuxième enjeu, Kinshasa n’avait pas d’autre choix que de céder!
Kinshasa, le dindon de la farce
Ce qu’on ne dit pas dans cette histoire, ce sont les risques auxquels la RD-Congo s’est exposée en jouant sa partition. La réponse est dans l’histoire. Tenez. D’un, lorsqu’en 1994, le feux-Président Mobutu céda le passage aux déplacés rwandais qui fuyaient la répression du FPR après le génocide, il importa sans le vouloir les problèmes sociopolitiques du Rwanda au Zaïre. Il ne s’en est rendu compte que bien tard et c’est également une des causes de sa chute. Le Zaïre avait servi de base-arrière pour les milices Interamwe. Tel est le cas avec les hommes de Machar. De deux, le choix de la région n’est pas, du reste, anodin. En effet l’Est de la RD-Congo, région aussi vaste que toute l’Allemagne, très riche en ressources naturelles (coltan, pétrole, gaz, or, diamant, bois, …), et l’une des plus peuplées du pays, est devenu le théâtre de guerres et de violences de touts genres, qui ont causé la mort de plusieurs millions de civils, d’horribles viols de femmes et d’enfants, l’exile massif de millions de personnes, et des dégâts sociaux, économiques et environnementaux incommensurables. Tout porte à croire que cette nouvelle présence de trop des rebelles Sud-soudanais est une autre preuve appuyant la thèse de la «guerre au Congo à tout prix». Kinshasa devrait puiser dans l’histoire les conséquences des affrontements qui ont eu lieu en 2000, entre deux armées étrangères, celles du Rwanda et de l’Ouganda, pour s’emparer des minerais à Kisangani dans l’ancienne Province Orientale. Kinshasa devrait également se remémorer l’histoire récente des massacres perpétrés à Beni par des groupes armés non-autrement identifiés que le gouvernement appelle terroristes. Kinshasa devrait puiser dans l’histoire. «On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps», disait Abraham Lincoln.
Serge ONYUMBE WEDI, Analyste Politique Indépendant, Expert en Communication