Voici une année, le 30 mars 2020, depuis que Lutumba Simaro Masiya, a fermé à jamais les yeux sur les laideurs de ce bas-monde en allant rejoindre, dans ce vaste village souterrain, ceux qui nous y ont précédés.
Le 10 avril 2018, dans la foulée de la célébration de ses 80 ans d’âge après avoir tenu 60 ans durant sur scène, le poète Lutumba a décidé de remettre symboliquement sa guitare, l’instrument qui l’a accompagné durant tout son parcours artistique, à Joseph Kabila, alors chef de l’État. À charge pour lui de la faire acheminer au Musée national de la République Démocratique du Congo qui n’était encore qu’un chantier. Deux années se sont écoulées depuis que cette cérémonie a eu lieu au Palais de la nation où l’artiste était conduit par la ministre de la Culture et des Arts de l’époque, Astrid Madiya, en présence de son manager, Willy Tafar.
Dans l’entretemps, le Musée ayant été inauguré le 23 novembre 2019 par l’actuel chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi. Cette guitare était bien destinée à être immortalisée dans ce lieu ouvert au public où sont collectés, conservés et exposés des objets (reliques) dans le souci d’enseignement et de culture. Pour avoir parcouru une bonne partie du globe, j’ai pu apprécier ce qui se fait ailleurs sous d’autres cieux où une attention bien particulière est accordée à la conservation du patrimoine culurel national.
Au-delà de ce qui se fait dans des pays d’anciennes civilisations, plus près de nous, au Cameroun par exemple, on peut bien voir le saxo de Manu Dibango, bien avant qu’il ne passe de vie à trépas.
D’autres pays du continent africain se montrent très avancé en cette matière. Je reviens ici sur la question fondamentale : où est la guitare remise par Lutumba à Kabila et quel usage on en a fait ? Je me souviens comme si c’était hier du sentiment d’amertume qui l’a animé alors que le président Denis Sassou Nguesso avait tout prévu pour lui rendre un hommage à la dimension de ce qu’il a été.
Pour avoir joué le rôle de trait d’union entre l’artiste et les officiels à Brazzaville, j’en suis resté offusqué. J’y ai laisse des plumes au sortir de ce rendez-vous manqué pendant que le décorum se mettait en place pour apprendre par la suite que Lutumba ne pouvait rien faire avant d’être reçu par Kabila. Tout étant annulé de l’autre côté de la rive droite du fleuve Congo, l’artiste a accusé le coup, regrettant amèrement d’avoir raté l’occasion d’aller faire ses adieux à ses nombreux admirateurs qui souhaitaient vivement le célébrer pour l’ensemble de son œuvre colossale qu’il a léguée à la postérité. On en est là encore à gloser sur le devenir de l’instrument qu’il a porté en bandoulière durant toute sa vie d’artiste. Je m’en souviens : une guitare d’une éclatante blancheur qui devrait orner, pour un intérêt public, un coin de notre musée. Ça ne serait que justice !
Chez nous, ni la guitare de Franco, encore moins le micro de Rochereau ne trouvent de place dans notre musée. Faut-il encore de longues études pour espérer réparer cette sorte d’injustice à l’encontre de nos artistes dans le sens plus large ? Beaucoup nous quittent sans avoir été honorés pour tout le bien qu’ils procurent à la société ! Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Tard vaut mieux que jamais…