La Belgique a remis, jeudi 17 février, à la République Démocratique du Congo (RDC) un « inventaire complet » des objets d’art originaires du Congo détenus par le Musée de l’Afrique de Tervuren, nouvelle étape dans le processus de restitution engagé par l’ancienne puissance coloniale. Ce catalogue a été transmis par le premier ministre belge Alexander De Croo à son homologue congolais Jean-Michel Sama Lukonde, lors d’une cérémonie dans ce musée à la périphérie de Bruxelles, en marge du sommet UE-Afrique prévu jusqu’à vendredi dans la capitale européenne… Pouvait-on lire dans la presse belgo-congolaise !
Par ailleurs, tout en saluant la détermination de S.E.M le Premier Ministre Sama Lukonde, sous le leadership de S.E.M Président de la République, Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi vers l’aboutissement de ce processus, je dois quand-même m’interroger sur certains aspects d’ordre institutionnel et programmatique.
D’un côté du point de vue institutionnel, il faut noter que ce processus de restitution- récupéreration et restauration qui se veut être bilatéral d’État à État, doit avant tout être adoubé par les dépositaires originels de ces pièces. J’ai cité les monarques traditionnels. Pourquoi ? Parce qu’il serait onirique et illusoire de prétendre (re)chercher, découvrir et dire la vérité entre la RDC et la Belgique ou d’oeuvrer pour la réconciliation entre les deux États et leurs peuples respectifs sans remplir un préalable dicté par le bon sens et la notion la plus élémentaire de justice historique : il s’agit de l’implication des héritières et des héritiers de la quinzaine d’Empires et des royaumes traditionnels, de même que des ayants droits ainsi que des ayants cause de quelques 450 entités dites ethniques. Pourquoi n’a-t-on pas attendu d’abord la mise en place de la commission nationale sur la restitution avant d’accepter »l’inventaire complet » de ces objets ?
L’on invente pas la roue. Dit-on! En s’inspirant des autres, à l’instar des béninois et sénégalais (cfr Processus de restitution de 26 œuvres constituant le Trésor de Béhanzin d’une part et d’autre part le Processus de restitution du sabre attribué à El Hadj Omar Tall) il aurait été mieux pour le gouvernement congolais de convier à une Table Ronde les monarques traditionnels alors les vrais (parce que les vrais sont connus et ne squattent pas les cabinets ministériels) aux fins de discuter sur leurs caractéristiques symboliques, ethnographiques, spirituels et/ou cosmogoniques et par la suite, certifier la proposition de l’inventaire belge, au moins pour ne pas donner l’impression qu’il s’agissait là ni plus ni plus moins d’une cérémonie d’adhésion à prendre ou à laisser.
Aussi, dans l’opinion publique nationale se dégage quelques réticences par rapport à la conservation et ou sauvegarde de ces objets. Puisque les études renseignent que le processus de la restitution poursuit un double objectif : Non seulement permettre à la jeunesse africaine d’avoir accès en Afrique a son propre patrimoine, dans le but de lui donner les moyens de se réapproprier son histoire et sa culture. Mais également, de consolider le partenariat culturel entre les deux États, A-t-on déjà impliqué la Société Civile savante, culturelle ou artistique dans le but de préparer cette opinion par des sensibilisations tous azimuts ? Et quid des associations de la diaspora congolaise en Belgique ?
De l’autre côté, du point de vue Programmatique, dans son Agenda 2063, l’UA affirme son aspiration à doter l’Afrique d’une »identité culturelle forte, ayant des valeurs, une éthique et un patrimoine communs » et s’est fixée pour objectif de récupérer, d’ici à 2023, »au moins 30% de tous les patrimoines culturels », afin que la culture et le patrimoine africains contribuent à la croissance et à la transformation de l’Afrique.
Cette déclaration de principe, constitue un peu notre boussole !
Du côté Belge après la remise de »l’inventaire complet » une intervention du législateur est requise pour fait du principe d’inaliénabilité et de l’insaisissabilité des collections publiques aux fins de les extirper définitivement ou partiellement (tout dépend du législateur belge) du domaine public vers le domaine privé de l’État. Aux prochains débats parlementaires à venir une question se posera : Est-il possible et nécessaire de déclasser ces œuvres de la collection publique alors qu’elles n’ont pas obéit à la condition selon laquelle il faut qu’elles aient perdu leur intérêt public à figurer dans la collection? Or ceci n’est pas le cas, donc le législateur belge voire même le Conseil d’État belge pourrait recourir à des formules simples pour contourner cette règle. Le débat reste ouvert !
Cependant, si du côté congolais la commission nationale sur la restitution était déjà mise en place, les travaux auraient déjà été avancés en interne. On disposerait d’une ébauche des objets à restituer suivant leurs priorités et symboliques, on rédigerait déjà une Feuille de Route connue et une ébauche de l’avant-projet de la convention. Ainsi, une fois au niveau de la Commission Mixte et paritaire, nous n’aurions pas à tergiverser quant à la défense de nos intérêts les plus légitimes surtout que la proposition de restitution-dépôt doit être minutieusement étudiée en ceci qu’elle n’est pas à confondre avec celle du dépôt-restitution.
À ce sujet, les obligations de restitution en vertu du Code Civil ont un vaste champ d’application qui dépasse le dépôt et le prêt à usage, elles apparaissent dans d’autres contrats et dans des situations extracontractuelles.
Dans la mesure où il existe non seulement des Conventions qui obligent à une réponse mais également celles renfermant des obligations de restitution dont l’origine est non conventionnelle, la convention de restitution-dépôt dans le cas sous examen, aura la latitude de renfermer en elle plusieurs germes de confusion pour la simple bonne raison que l’obligation de restitution sera liée à d’autres obligations plus complexes. C’est là que réside le piège. Ainsi, on aura pas d’autres choix que de plaider soit en faveur d’une Convention de dépôt soit d’une Convention de prêt à usage moyennant une certaine compensation financière.
Nous risquons d’être en face d’une Convention greffée, résultant de la juxtaposition d’une convention à une autre, ou, plus simplement, de la stipulation d’une clause qui en modifiera aussi bien sa nature que son économie.
C’est pour autant dire que seule une Convention pleinement réelle serait le don manuel d’objets puisque la promesse consensuelle de don manuel est dépourvue d’effet (comme l’est la promesse de toute espèce de donation), mais le don manuel n’est pas une convention de restitution. Est-ce un dilemme ?
De tout ce qui précède, ne nous écartons pas de ce principe du code civil qui fonde la base d’une convention de restitution-dépôt c’est que »la personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser au dépositaire les dépenses qu’il a faites pour la conservation de la chose déposée, et de l’indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées. »
Le dossier étant technique, nous devons nous y préparer pour ne pas souiller davantage la mémoire de nos guides spirituels Kimpa-vita, Kimbangu et Lumumba!