Le slameur rd-congolais, Peter Komondua vient de faire un rappel à l’ordre à l’artiste musicien Innocent Balume, dit Innoss’B, dans une tribune sous forme d’un slam, en lui rappelant le mode de vie en société où que l’on se retrouve. Cela fait suite aux propos de l’artiste Innoss’B sur une possibilité de pouvoir se produire au Rwanda, pays frontalier de la Rd-Congo, accusé de soutenir le mouvement rebelle du M23, qui sème la terreur à l’Est de ce coin du pays en proie de guerre depuis plusieurs décennies.
« Si j’ai un contrat de production au Rwanda, je le ferai. Je n’ai aucun problème avec la population rwandaise. Elle n’a rien fait. Au contraire, quand on y va, ils vous admirent parce qu’ils savent que vous savez tout. Danser et aimer », déclarait Innoss’B il y a quelques jours, au cours d’une conférence de presse à Goma. L’artiste s’est également plaint du traitement dont il est parfois victime de la part de certains kinois, qui lui traiteraient d’étranger, malgré tous ses efforts de s’adapter au mode de vie des kinois.
Des propos qui lui attirent la foudre de ses compatriotes rd-congolais sur les réseaux sociaux. Peter Komondua, de son côté, dans un style simple et limpide, lui rappel qu’un Kinois raciste n’existe pas.
L’intégralité du texte de Peter Komondua en dessous
Dites à Innoss’B de se calmer, un Kinois tribaliste n’existe pas.
Il faut savoir qu’il y a une lutte constante entre les espaces que nous occupons et nous. Nous portons les marques de nos lieux tout comme nous lui infligeons aussi des choses de nous. L’essentiel dans cette lutte est de négocier un équilibre qui depuis notre endroit, ne nous ferme pas à la possibilité de nous expandre vers l’Homme aussi ailleurs qu’il soit.
Lorsque nous quittons notre espace pour un autre, adopter cet autre espace ne suffit pas, il faut aussi se laisser adopter par lui. Parce que chaque espace à son histoire, son caractère, ses codes, son ADN, etc. qui font que, sans se refuser à nous un espace peut nous laisser sentir que nous ne le possédons pas.
Je vous épargne de combien de fois j’ai loupé l’endroit exact où introduire ma carte pour m’acheter un ticket de métro à Paris et que ma femme en rit éperdument, et moi qui me moque d’elle parce qu’elle court comme tout le monde ici pour ne pas rater le métro qui se casse dans une minute alors qu’il y a marqué sur l’écran que le prochain débarque dans deux minutes.
Moi qui suis de Kinshasa, qui chaque jour en sortant de chez moi, ne sais toujours pas si le soir pour rentrer, je prendrais un moyen ou j’écoperais des kilomètres à pied. Je m’étonne que les gens se bousculent face à la certitude du transport ici. Ou la stupéfaction d’un ami de Goma que j’ai invité boire un coup avec moi à l’endroit habituel, lorsque la serveuse a débarqué avec la bière chargée dans des verres. Il me dit qu’à Goma personne ne boit dans un verre, même la serveuse ne se permettrait pas une imprudence pareille.
Tout le monde boit au goulot. Des petites choses comme ça qui nous font remarquer, qui soulignent notre présence et qui alimentent l’autodérision. Parce que c’est quand-même moche la vie, quand on ne sait plus rire d’elle. Fernandel par exemple dans son poème l’accent disait : « emporter avec soi son accent familier, c’est emporter un peu sa terre à ses souliers » fin de citation. Je parlais du kinois tout à l’heure. Très souvent les natifs de Kinshasa sont les enfants des gens venus d’ailleurs pour des raisons innombrables se ranger sous le drapeau. 99% des kinois portent dans leurs pièces d’identité autres lieux que Kinshasa à l’endroit de province d’origine. Un kinois tribaliste n’existe.
Dites à Innocent Balume de se calmer. Il porte le mal de tous ceux qui viennent au monde à la frontière, le doute sur l’identité, pire encore quand cette frontière est accablée de tas de conflits. Dois-je par ailleurs reconnaître que c’est un mal non négligeable. Un kinois tribaliste n’existe pas.
Très SOUVENT, je mets l’accent sur SOUVENT parce que je ne vais laisser aucune chance à l’ambiguïté sur mes propos, les amis qui viennent de quelconque espace du Congo s’installer à Kin, quand ils ne sont pas habités par soit le complexe d’infériorité, soit le complexe de supériorité, ils arrivent avec leurs lots des préjugés sur les kinois. Ils peuvent gratuitement substituer votre prénom à celui de kinois tout de même et cela va sans dire tous les qualificatifs négatifs avec.
J’ai rarement vu l’inverse. On ne peut pas imputer la malhonnêteté, les coups bas, la mauvaise langue, la trahison et j’en passe aux seuls kinois. Je parle en toute connaissance des causes. Car il est écrit : que celui qui n’a commis aucun péché, lui lance la première pierre. Il faut savoir qu’il y a une lutte constante entre les espaces que nous occupons et nous.
Nous portons les marques de nos lieux tout comme nous lui infligeons aussi des choses de nous. L’essentiel dans cette lutte est de négocier un équilibre qui, depuis notre endroit, ne nous ferme pas à la possibilité de nous expandre vers l’Homme aussi ailleurs qu’il soit. Et moi, j’aime nos clichés tant que ça nous permet de rire de la vie.
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