Depuis plusieurs mois, les férus du ballon rond se plaignent de l’ingérence du ministère des sports et loisirs dans les affaires de la Fédération congolaise de football association – FECOFA -, association membre de la Fédération internationale de football association – FIFA -.
Dans une correspondance adressée au ministre des sports et loisirs, Serge Nkonde, le secrétaire général de la CAF, Véron Mosengo, inquiet, a rappelé à ce premier sportif que les statuts de la FIFA exigent l’autonomie de ses associations membres.
« Vous n’êtes pas sans savoir que les règlementations FIFA et CAF prévoient et imposent toutes deux le respect de l’autonomie de nos associations membres. Autrement dit, les organes valablement élus (ou nommés par nos autorités) des associations membres de la FIFA et de la CAF, doivent pouvoir gérer les affaires de l’association sans interférence de la part des tiers, quels qu’ils soient (Art. 19 des statuts de la FIFA et Art. 17 al. 1. let. g des statuts de la CAF) », lit-on dans cette correspondance.
Et de renchérir : « Cette autonomisation se matérialise notamment dans le fait que la gestion des équipes nationales de football, le recrutement et la gestion du staff technique, de l’organisation des activités de l’équipe, des droits d’image afférents à l’équipe (le sponsoring), l’inscription aux différentes compétitions des instances faîtières CAF et FIFA est de la compétence exclusive de l’association membre concernée ».
À travers ses émissaires, la CAF a constaté que le ministre des sports interfère dans la gestion de certaines affaires courantes de la FECOFA. Dans cette lettre, Véron a mis en garde Serge Nkonde sous peine d’une lourde sanction de la FECOFA comme c’était le cas avec le Kenya et le Zimbabwe en février 2022.
« La CAF souhaite s’assurer que le ministre s’abstient et s’abstiendra de toute action dans le domaine du football relevant les prérogatives de la FECOFA […] Dans l’intime conviction que votre ministère respectera scrupuleusement le principe de non-ingérence auquel est soumise la FECOFA, qui encoure à défaut de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à sa suspension », conclut cette lettre qui date du 12 mars 2022.
Serge Nkonde contre-attaque
Connu pour sa prise de parole dans l’espace médiatique à chaque fois où il se sent lésé, Serge Nkonde n’a pas du tout mis sa langue dans la poche. Il s’est exprimé chez nos confrères de Top Congo FM dans la soirée du 15 mars 2022. « Nulle part, le comité de la FECOFA se plaint de cet état de choses. Le secrétaire général de la CAF qui utilise le conditionnel dans la correspondance, sur les diverses sources d’informations […] Je me refuse le droit que la CAF ramasse des informations auprès de certains esprits mécontents de notre politique sportive. Cette lettre pourtant confidentielle a été pourtant rendue publique pour casser la mobilisation que nous avons mis en place pour les barrages de la Coupe du monde », dit-il.
Et de rajouter : « Rien ne démontre l’interférence du ministère dans les affaires ou les prérogatives de la FECOFA, qui est notre organe technique […] Le ministre des sports et loisirs a la gestion des équipes nationales et en football, nous avons délégué ce pouvoir à la FECOFA avec qui nous partageons de bons résultats. Le ministre des sports et loisirs répondra à la CAF et va même l’apaiser ».
Une sortie médiatique que plusieurs jugent de rater. « Vu que dans sa correspondance, la CAF est restée sur les faits et a même rappelé les articles des textes qui régissent le football. Au lieu de faire des sorties médiatiques, qui, d’ailleurs confirment réellement cette ingérence, le ministre jouerait plutôt à la diplomatie en optant pour mode, le silence et essayer de mettre en application les recommandations de l’instance faîtière du football en Afrique », propose Jean de Mukendi – Analyste sportif et journaliste à la RTNC -.
La lettre de la CAF et une divergence d’opinions
Cette lettre de la CAF défraie la chronique sportive en Rd-Congo et les opinions sont divergentes auprès des analyses sportifs. Certains pensent que cette mise en garde mettra de l’ordre dans la gestion du football en Rd-Congo et d’autres disent que la CAF et la FIFA ne prêchent pas par l’exemple.
« Il était plus que temps pour voir le retour de l’ordre dans la gestion mais surtout fonctionnement du football selon les textes tels que fixés par l’instance faîtière mondiale. Autant, on a salué la présence de deux experts CAF à la FECOFA pour rétablir l’ordre dans la gestion financière mais surtout la nécessité de réviser les textes, autant, on doit saluer ce recadrage de la CAF vis-à-vis du ministère des sports et loisirs qui depuis un temps, commençait à marcher sur les prérogatives de la FECOFA », déclare Jean de Dieu Mukendi.
« Le ministère aura du mal à savoir évaluer à quel niveau il s’ingère parce qu’il ne suffit pas de dire au ministère que nous avons constaté mais il faut présenter les faits. Quand on parle de l’organisation sur le plan technique de l’équipe nationale, c’est tellement vague. À un certain degré la CAF (ou la FIFA) elle même favorise certaines choses », explique Olivier Pengongo – Analyste sportif-.
Et de rajouter : « Quand nous voyons l’arrivée des responsables de la CAF ou la FIFA en RDC directement dans les bureaux des politiques commençant par la présidence, puis le ministre des sports avant d’atterrir à la FECOFA, ça pose problème. À un certain niveau, la CAF a fragilisé la FECOFA en commençant par les politiques avant de commencer par la fédération. Et donc, l’ingérence à un certain niveau s’étale devant tout le monde quand on constate que l’instance elle même faîtière du football mondial commence les activités par la présidence ou le ministère des sports ».
Le sport (football) est lié à la politique, c’est vrai. Mais les organes techniques (les fédérations) devront agir en toute autonomie et sans ingérence des politiques.
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ETIENNE KAMBALA