Le professeur Tshibangu Kalala a été libéré mardi 24 novembre de la prison centrale de Makala. Il était incarcéré depuis le 29 septembre pour rétention illicite des documents relatifs au litige qui oppose la RDC à l’Ouganda devant la Cour internationale de justice (CIJ) depuis 2005. Il affirme avoir remis ses documents qui comprenaient des fiches d’identification des victimes de la guerre de 1998 à 2003 dans l’ex-Province Orientale « parce qu’il avait en vue le peuple congolais ».
La RDC avait besoin de ces pièces judiciaires pour déposer devant la CIJ ses mémoires avant le début de la seconde phase du procès face à l’Ouganda.
Le professeur Tshiabangu Kalala est l’invité de Radio Okapi.
Professeur Tshibangu Kalala, vous venez d’être libéré après plusieurs mois d’emprisonnement. Votre première réaction ?
Ma première réaction c’est de dire que ce qui est arrivé est totalement inacceptable. La réponse pour moi, c’est le célèbre savant Albert Einstein qui donne la meilleure réponse à ce qui m’est arrivé. Ce savant dit qu’il y a deux choses qui sont infinies. La première chose c’est l’univers et la deuxième c’est la bêtise humaine. Et donc, ce qui est arrivé dans la situation que j’ai connue, c’est tout simplement de la bêtise humaine.
Parlez-nous des conditions de votre détention ?
La prison de Makala n’est pas un hôtel cinq étoiles. Ce sont des conditions difficiles où je devais partager une chambre avec deux autres prisonniers. Vous avez des toilettes pour 65 personnes. Ce sont des conditions de vie qui sont très difficiles auxquelles je n’étais plus habitué depuis de très nombreuses années. Mais à part cela, il faut toujours apprendre à s’adapter aux conditions qui peuvent se présenter dans votre vie à un moment ou à un autre.
Vous avez accepté de remettre les pièces du dossier au gouvernement. Mais qu’est-ce que le gouvernement dit par rapport à vos revendications ?
J’ai accepté de remettre les pièces parce que j’avais en vue le peuple congolais. Je n’ai pas travaillé pour un individu ou pour un groupe d’individus. J’ai travaillé pendant 12 ans pour le peuple congolais. Les pièces dont il est question portent les douleurs, les souffrances et le sang du peuple congolais. Environ 1 000 morts dans la ville de Kisangani lors de la guerre de six jours en mai et juin 2000. Des milliers de morts dans l’Ituri. Des milliers de morts des soldats FARDC sur la rivière Ubangi. Ces pièces étaient sacrées pour moi. Je les ai gardées jalousement en y apportant tous les soins possibles parce que je savais qu’un jour, le peuple congolais allait avoir besoin de ces pièces. Je viens de le remettre au gouvernement de la République pour lui permettre de défendre la RDC devant la Cour internationale de justice [NDLR : Le litige RDC-Ouganda porte sur l’«invasion de la République démocratique du Congo (RDC) en 1998, en violation du droit international et du droit humanitaire» en Province Orientale. La RDC réclame à l’Ouganda 10 milliards de dollars américains].
Vous avez posé des conditions avant de remettre ces documents au gouvernement. Est-ce qu’elles ont été prises en compte ?
Bien entendu. Je ne pouvais pas remettre ces pièces si les conditions que j’avais posées n’étaient pas remplies. Mais les conditions, au-delà des questions d’argent qui sont des questions terre à terre, étaient d’abord le respect de l’indépendance et du prestige de la profession de l’avocat. Le respect de la constitution et de lois de la République qui reconnaissent à chaque Congolais un certain nombre de droits. Ces droits n’étaient pas respectés. L’Etat de droit était malmené dans cette affaire. J’avais tenu coûte que coûte à faire respecter les règles essentielles qui fondent le pacte social dans notre pays. Cela a été respecté et j’ai décidé de remettre les pièces.
Et par rapport à vos honoraires ?
Les questions d’argent sont des questions accessoires. Je peux dire au peuple congolais qui suit cette émission que je crois dans les forces de l’esprit, dans les valeurs qui sont supérieures à l’argent. Et donc ce n’était pas tellement une question d’argent. Puisque vous parler de l’argent, je peux dire que le bâtonnier du barreau de Kinshasa Gombe, Me Edourd Mukendi Kalambay et Me Tunda Ya Kasende qui ont été des intermédiaires pour arriver au dénouement de cette affaire s’occupent de cette affaire avec le gouvernement. Moi je ne m’en occupe pas.
Vous allez attendre la réponse du gouvernement sur cette question ?
Ce n’est pas une question primordiale pour moi. Les médiateurs s’occupent de cette question et j’espère qu’il y aura satisfaction.
Au cas où vous n’obtenez pas satisfaction, allez-vous poursuivre avec vos revendications ou allez-vous y renoncer ?
Je pense que le bâtonnier Edourd Mukendi Kalambay et Me Tunda Ya Kasende vont respecter leurs engagements qu’ils ont pris au cours des négociations. Ils ont pris ces engagements au cours des négociations serrées et ces engagements ont été répétés publiquement au moment de la restitution de ces pièces. J’espère que ce sont des hommes d’honneur et de dignité et qu’ils vont tenir leurs paroles. Je l’espère.
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