RDC: les sociétés brassicoles lâchent les musiciens

Que reste-t-il après l’amour ? L’auteur de cette question, l’artiste musicien Félix Wazelwa, n’a personnellement pas donné de réponse, certainement parce que les expériences diffèrent. L’expérience de l’amour entre les sociétés brassicoles opérant à Kinshasa et les artistes musiciens de la ville a tourné au vinaigre au détriment de ces derniers.

En Rd-Congo, nul n’ignore que les artistes d’une manière générale ne vivent principalement pas de leurs œuvres, le marché étant pollué par la vente sans restriction des disques piratés et par l’inefficacité de la société devant  assurer les droits des artistes. Les musiciens en particulier ont eu recours à des pratiques comme « Libanga » -dédicace faite à une personne friquée ou une personnalité politique pour espérer lui retirer quelques billets de banque-, qui frise la mendicité.

 

Le coup de pousse des brassicoles

Pour sauver la peau des artistes, les sociétés brassicoles se sont données de sponsoriser les disciples d’Orphée de la capitale rd-congolaise. Ce,  parce que la consommation de la bière est intimement liée à la musique. En début du siècle en cours, le partenariat entre les deux secteurs a été à l’origine d’une forte concurrence entre les deux géants de la fabrication de la boisson, Bracongo et Bralima, ainsi qu’entre les deux musiciens en vogue de l’époque, Werrason et JB Mpiana. Les deux sociétés se sont partagées les deux artistes issus du clan Wenge.

 

Plus tard, Bralima va frapper un grand coup en recrutant Werrason. Les deux stars rivales, JB et Werra, vont appartenir à la Bralima. Pendant ce temps, la Bracongo a récupéré Koffi Olomide et autres pépites et/ou vieilles gloires. Avec la venue en masse des musiciens de la « 5ème génération », dont les ténors sont Fally Ipupa et Ferré Gola, les deux sociétés ont continué le recrutement. La Bracongo s’est offerte Fally Ipupa et Bill Clinton alors que la Bralima s’est contentée de Ferré Gola et Felix Wazekwa -ce dernier n’est pas de la 5ème génération. Grâce à ce partenariat entre les sociétés brassicoles et les artistes musiciens, les deux parties ont sans nul doute fait de bonnes affaires. Surtout les musiciens qui, avant ce type de contrat, était abandonné à leur triste sort.

 

Nkoyi se lance et précipite le divorce

Plus tard, la Bracongo s’est séparée de ses musiciens phares et a pris le courage de lancer un nouveau produit, la Nkoyi, sans l’associer à l’image d’un artiste quelconque. La bière a très vite conquis Kinshasa et a du coup changé la posture de son entreprise de fabrication. A ce jour, la Bracongo n’a presque plus de contrat d’exclusivité avec des musiciens et ses bières se comportent à merveille. La même Nkoyi venait de remporter la médaille d’argent pour son bon comportement sur le marché national depuis sa sortie en 2010.

La bière Nkoy avec sa nouvelle étiquette. Ph.Eventsrdc

La situation est identique chez sa rivale, la Bralima, qui vient de divorcer d’avec 90% de ses artistes musiciens, mais dans le silence. Werra, JB et Félix, etc. sont libres de tout mouvement, leur contrat ayant pris fin. Que deviendront leurs groupes musicaux ? La question vaut son pesant d’or tant l’apport des brassicoles ont été d’un apport très considérable à la survie des musiciens rd-congolais ces dernières années. Ferré Gola qui voit encore son contrat jusqu’en 2018, venait de parrainer le tournoi de football « Tembe na tembe », regroupant les supporters de trois grands clubs de la capitale –V.Club, DCMP et FC Renaissance, et enregistre une chanson promotionnelle pour la Primus. A titre d’exemple, Bill Clinton, en dépit de sa notoriété, s’éteint petit à petit depuis la fin de son contrat avec la Bracongo.

 

L’artiste ne se produit presque plus comme jadis, même lors des actions des bières. Les camionnettes avec petit podium et table de mixage pour DJ et baffles, ont désormais remplacé cet animateur-chanteur. Il a tenté de se relancer avec l’album  « Lola na lola », mais il a raté le décollage.

 

Crash. Les horizons s’assombrissent, l’avenir est douteux pour les musiciens, ne sachant plus à quel saint se vouer. Le désamour entre les sociétés brassicoles et les artistes musiciens handicapent l’industrie musicale rd-congolaise. Et ceci, aussi longtemps que le circuit musical  restera perméable à la piraterie et que la SOCODA ne jouera pleinement ni efficacement son rôle.

LAURENT OMBA