Éric Okito travaille dans la photographie professionnelle depuis 2004 (19 ans) et dans la production audiovisuelle depuis 15 ans. Dans les tournages des films, il est un témoin qui immortalise les scènes. Passionné par le 7ème art, ce jeune artiste rd-congolais, animateur culturel de formation, a fière allure de travailler de façon active et professionnelle en tant que photographe de tournage et cinéaste assidu. Nous l’avons rencontré et il nous parle noir sur blanc de ses métiers, ses réalisations et ses projets d’avenir. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a amené dans le cinéma ?
Avant d’entrer vraiment dans le métier du cinéma, j’étais surtout cinéphile (une personne passionnée du cinéma, une personne qui regarde beaucoup de films) ; je présentais même une émission télévisée (Game Zone) qui parlait des jeux vidéos et du cinéma, c’était sur CCTV de 2008 à 2016. J’avais déjà mon esprit créatif mais je travaillais plus dans la photographie et la production audiovisuelle.
J’ai fait mes débuts dans le cinéma en 2016 quand j’ai fait la connaissance des réalisateurs Yohane Dean Lengole et Anthony Mandemvo. Avec un autre réalisateur que je connaissais déjà Patrick Wetshi, ils m’ont invité sur le tournage de la série Tv Zora et m’ont proposé d’être le photographe de plateau du tournage de la série et le deuxième assistant réalisateur pour épauler le premier assistant réalisateur Samuel Massamba. La série « Zora » fut le début. De là le déclic est venu. Après cela j’ai enchainé les projets cinématographiques.
En quoi consiste vos métiers de cinéaste et photographe de plateau ?
Je suis cinéaste mais aussi photographe de plateau. Un cinéaste est un artiste qui pratique le cinéma. Par extension, ce mot englobe toutes les personnes qui contribuent à la réalisation d’un film, c’est quelqu’un qui partage sa vision du monde en créant un monde fictif ou en retranscrivant des réalités à travers des œuvres cinématographiques. En tant que cinéaste, j’endosse plusieurs casquettes, je suis premier assistant réalisateur, script et responsable du Making-of.
En tant que premier assistant réalisateur, mon travail consiste à faire la préparation du tournage. J’organise tout le tournage en vérifiant si tout va pour le mieux dans tous les départements par rapport au scénario et autres éléments nécessaires pour le film (accessoires, costumes, décoration etc.) je veille au bon déroulement du tournage. Je dois vérifier mes feuilles de service et le plan de tournage de tout le monde. Cela chaque jour du tournage et dans le moindre détail, ne pas laisser passer la moindre erreur ; grâce à cela, le réalisateur peut travailler, s’inquiéter du manque de quoi que ce soit.
En tant que script je suis le souffleur du réalisateur, donc une personne qui doit impérativement maitriser le scénario dans son entièreté. Chaque fois qu’une scène doit être tournée, le script doit rappeler ce qui doit être fait. Il note les scènes tournées ainsi que les détails qui vont avec, il note les rushes (images brutes) maintenues pour faciliter la tâche au monteur lors de la post-production.
En tant que responsable du Making-of, je suis juste la personne qui filme le déroulement du tournage, donc je suis celui qui réalise le film du film. Normalement sous d’autres cieux, c’est vraiment tout un département qui est chargé de cela mais ici à Kinshasa, c’est une seule personne qui est chargée de faire ce boulot, on fait avec ce que l’on a.
Et enfin comme photographe de plateau, je prends des photos du tournage. Il faut savoir que le photographe de plateau est un photographe qui est sur le plateau de tournage pour prendre des photos du tournage d’un film ou d’une série car ces photos serviront à la promotion du film ; il n’intervient pas dans le déroulement du tournage ni même à la fabrication du film, les photos prises par lui servent à l’affichage du film en salle ou encore des supports fixes pour la presse (journaux, magazines,..) des images ou illustrations qui font la promotion du film avant sa sortie en salle, en DVD ou Blu-Ray. Ces photos servent aussi d’archives ou documents pour le dossier du film (Série Zora de Yohane Dean Lengole en 2016).
En tant que photographe de plateau, recevez-vous des injonctions ?
Oui, car je fais des photos selon la production et la vision du réalisateur ; mais je fais aussi les photos selon ma propre vision, surtout que mes photos inspirent aussi la production et le réalisateur car le photographe de plateau est avant tout un artiste. Pour travailler sur un tournage, il doit lire le scénario et comprendre le film. Grâce à cela, il sait quel genre de photos il doit prendre, quel angle il doit exploiter. Des fois dans les tournages, je vois autre chose, une vision différente de celle du réalisateur (Série Zora de Yohane Dean Lengole en 2016).
En tant que photographe de plateau vous sentez-vous indispensable au sein de l’équipe autant que vous l’êtes en tant que cinéaste ?
Oui. Le plus important c’est d’aimer ce que tu fais.
Quelle est l’importance du photographe de plateau dans un film ?
Le photographe de plateau prend des photos du tournage du film. Ces photos serviront à la production pour faire la promotion du film mais aussi constituer un dossier pour le film ; ces photos servent aussi à mémoriser les décors, les détails dans le maquillage et costume pour qu’il n’y ait pas de problèmes dans les raccords. Il arrive qu’on se perde dans un tournage, en ce moment c’est le photographe qui aide.
Qu’est-ce qu’un bon cinéaste et un bon photographe de plateau ?
De par mon expérience, des fonctions que j’exerce sur les tournages en tant que cinéaste, un bon cinéaste premier assistant réalisateur c’est quelqu’un de calme, responsable, posé avec un grand cœur mais aussi ferme pour bien gérer le tournage ; c’est un chef d’orchestre, il doit avoir un tempérament calme, ne pas se fâcher à tout moment et surtout très responsable. En tant que script il faut vraiment être très vif d’esprit et efficace ; quant au responsable Making-of et au photographe de plateau, ils doivent être surtout créatifs.
Quel matériel utilisez-vous pour votre travail ?
J’utilise ce que la production me donne. Mais souvent j’exige un appareil par rapport au résultat que je veux obtenir. J’aime utiliser un appareil photo de type canon. J’utilise souvent le Canon EOS 600D.
Actuellement le numérique s’impose partout, est-ce qu’il vous facilite la tâche ?
Oui, surtout pour l’exportation des fichiers ou documents, il permet aussi la rapidité dans l’exécution du travail ! Avec le numérique tu peux facilement modifier une photo, tu peux virer facilement à l’argentique et tes photos peuvent se retrouver dans une pellicule. Mais le vintage a toujours quelque chose de plus beau.
Vous avez parlé de l’argentique et du vintage, pouvez-vous nous dire ce que c’est en photographie ?
Le vintage c’est ce qui est ancien ou rétro et souvent ce genre de photos ont une teinte très belle et particulière, cela donne un ton ancien. L’argentique ce sont des photos qui sont sur une pellicule. Le numérique est venu remplacer l’argentique.
Comment est tarifié votre travail ?
Dans le cinéma congolais, il n’y a pas une tarification officielle pour le travail d’un technicien (je suis un technicien sur les tournages, car mes professions sont artistiques mais surtout techniques). Tout dépend d’une production à une autre. Dans mon cas, j’ai eu à être payé 100 USD le jour voire 50 USD le jour, tout dépend du budget de la production et du contrat. Il faut savoir que le cinéma congolais n’est pas encore très productif car le domaine est assez négligé, du coup nous qui travaillons dans le cinéma on accepte des fois même des prix dérisoires juste pour aider ou contribuer à l’évolution du cinéma dans notre pays. Il y a même un terme qu’on utilise dans le domaine : le « Lisungi Production », la tarification se fait souvent selon le « Lisungi Production ». Le plus gros salaire que j’ai eu à toucher dans une production c’est quand j’étais payé 100 USD par jour.
Dans combien de projets cinématographiques avez-vous déjà travaillé ?
8 projets : la série Zora de Yohane Dean Lengole(2016), le film Benji Star de Noelly Okito(2017), le film Kuba le peintre de Jimmy Tissanabo (2018), la série Base de Yohane Dean Lengole(2018), la série Amour à 200 mètre (2019) qui est une production de Milla Media avec Canal+A, le film Leteta de Yohane Dean Lengole (2020), et le film Rodéo Caméléon de Nizar Saleh (2022).
Quel est votre meilleur souvenir d’un tournage ?
Sur le tournage de Zora, on est restés bosser jusqu’à 5h du matin, c’était ma première expérience et y avait une très bonne ambiance.
Un ou deux réalisateurs avec qui vous aimez le plus travailler ?
Yohane Dean Lengole et Jimmy Tissanabo.
Quels sont vos projets futurs ?
La réalisation d’un documentaire, c’est vraiment pour bientôt. Il y a aussi la réalisation d’un court métrage. Je vais aussi réaliser un ou des épisodes d’un short-com (série), ainsi que l’écriture, d’ailleurs je suis en pleine écriture de 3 films ; donc prochainement je deviendrai aussi réalisateur et scénariste.
POPY-BARBARA MBOLI