Face à la prise en otage de ses biens culturels et cultuels par la Belgique depuis l’époque coloniale, la République Démocratique du Congo, comme d’autres pays africains, lutte pour leur restitution. Une conjugaison des cultures doit être la norme du centre contre toute violence ou rapatriement brutal.
Dès sa prise de pouvoir en tant que président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi a fait de la question de la restitution des biens culturels rd-congolais son cheval de bataille. Il l’a aussi rappelé dans son discours inaugural comme Président en exercice de l’Union Africaine. Ces biens spoliés dont 85.000 se trouvant au Musée national de l’Afrique à Tervuren, devront être rapatriés d’ici 2024, assurait Thomas Dermine, le Secrétaire d’État belge en charge du dossier.
En Rd-Congo par ailleurs, la pression ne faiblit pas et les voix continuent de s’élever pour une restitution rapide. Son Altesse Impériale Mwant-a-Mwad et Présidente du Conseil des Sages des Empires et Royaumes d’Afrique, la Princesse Yav Marilyn fustigeait déjà les raisons techniques évoquées par le Royaume de Belgique dans le processus de restitution.
« Le blocage depuis le fait colonial est là. Je trouve très courageux de la part du président Macron d’avoir annoncé qu’il allait s’atteler pour que la restitution du patrimoine se fasse. Mais on en a fait un problème politique avec des raisons techniques qui sont totalement aberrantes », fustigeait-elle.
Un dialogue interculturel s’impose
Face aux fantômes du passé amer des objets culturels et cultuels spoliés qui hantent les rd-congolais, l’humiliation est certes dure à oublier. Certains compatriotes exigeraient même des décisions radicales des autorités dans ce processus de restitution. Cependant, privilégier une conjugaison des cultures doit primer en lieu et un place d’un retour revanchard, car cette question implique nécessairement un processus diplomatique entre les deux États, d’où plusieurs rounds de négociation sont possibles en vue d’éviter toute escarmouche tout en préservant les relations bilatérales.
Cette question primordiale a, d’ailleurs, nécessité l’envie de la création d’une commission de restitution où on retrouvera la présidence de la République Démocratique du Congo, la primature, le les ministères des Affaires étrangères et de la coopération internationale, ministères de la culture et celui du tourisme. Par ailleurs, cette Commission Spéciale et Permanente qui sera créée par Décret du Premier Ministre, n’aura du sens que si elle intègre en son sein les délégués des Empires et Royaumes du Congo, comme dépositaires des valeurs qui fondent l’existence de leurs peuples respectifs et garants de leurs identités.
« Nous avons d’abord la protection du patrimoine culturel. Nous avons même parlé de rapatriement du patrimoine culturel pour avoir une plus grande attraction touristique. Nous espérons qu’à côté de cela, nous aurons aussi une attraction des investisseurs. Mais nous avons une amélioration à faire dans nos sites qui doivent être réhabilités notamment dans l’est du pays », a dit le Premier Ministre rd-congolais Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge au cours de son talk-show sur les 100 jours de son gouvernement.
Où conserver ces objets culturels après restitution ?
La restitution des biens culturels rd-congolais s’avère indispensable, mais où conserver tous ces objets une fois rapatriés ?
En vue de faciliter le processus de restitution, le Royaume de Belgique a proposé à son partenaire la Rd-Congo, un accord sous la forme d’ube « Convention restitution-dépôt ». Dans la Feuille de Route du Secrétaire d’État, Bruxelles dit choisir les œuvres à restituer étant donné que Kinshasa n’est pas en mesure de les conserver dans les conditions initiales de Tervuren. Le gouvernement belge souligne que les pièces se retrouvant à Tervuren peuvent être séparées en quatre catégories : La Convention de restitution-dépôt pourrait être conclue avec la RDC pour les objets de la première catégorie, acquis de manière illégitime représentant 0,3% du total.
Une hypothèse complètement balayée par le Conseil des Sages des Empires et Royaumes d’Afrique – COSERA – qui pose avant tout comme préalable la restitution de la tête des monarques décapitées.
Pour maître Muabila Glody, « nous devons prendre avec des pincettes la proposition unilatérale de la Convention de restitution-dépôt, car dans l’entendement du gouvernement Belge est celle en vertu de laquelle, le dépositaire s’oblige envers le déposant à lui restituer (à l’échéance d’une période donnée) des objets culturels/cultuels préalablement identifiés (acquis de manière illégitime), tout en continuant de les garder et les conserver à sa charge. Or les Codes civils congolais et belge appréhendent respectivement le dépôt en leurs articles 483 et 1917, comme un contrat essentiellement gratuit, parce qu’il se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit. Dans ce cas, comment accepter ce type de Convention dès lors que le consentement mutuel fait défaut ? ».
« Voilà la nécessité de la Commission Spéciale et Permanente sur la Restitution qui sera créée par Décret du Premier Ministre, car c’est à ce niveau-là que les questions techniques seront passées au peigne fin. Nous aurons derechef des arguments à faire valoir au sein de la Commission Mixte Paritaire d’experts désignés par les deux États. C’est au sein de cette commission que se fera l’inventaire, la liste des objets à prêter ou à restituer ainsi que la forme de la Convention à adopter », conclut-il.
La Rd-Congo a-t-elle des arguments à faire valoir dans la conservation du patrimoine culturel ?
Certains observateurs quoique sceptiques, voudraient quand même assister au retour de tous ces objets et estiment que la question de conservation s’avère pour le moment secondaire.
Face à l’enjeu de restitution, Kinshasa et Bruxelles devront plutôt mettre sur pied une coopération culturelle bilatérale qui va sans doute profiter aux deux partenaires historiques. Ces œuvres seront-elles logées où elles ont été récupérées par la Belgique ? Seront-elles restituées à la RDC pour être acheminées auprès de leurs destinataires originels que sont les monarques traditionnels ? D’où l’importance de différencier les objets culturels susceptibles d’être exposés dans les Musées de ceux réputés cultuels et spirituels qui doivent retourner dans les temples traditionnels.
RÉDACTION